6G : pourquoi la simulation numérique va-t-elle tout changer ?

Le MWC 2025 l'a confirmé : la 6G se dessine déjà. Si son déploiement est encore lointain, les défis techniques sont déjà là.

Alors que le déploiement de la 5G est encore en cours, l'industrie des télécommunications a déjà les yeux rivés sur la 6G, dont la standardisation débute cette année avec des phases d’étude précoces. Cette nouvelle génération de réseaux promet des performances inédites, avec des débits atteignant le térabit par seconde (Tbps), une latence quasi nulle et une interopérabilité sans précédent. Toutefois, cette révolution s'accompagne de défis majeurs : infrastructures de plus en plus complexes, consommation énergétique exponentielle et multiplication des sources d'interférences.

Dans ce contexte, la simulation numérique multiphysique émerge comme un levier stratégique incontournable pour concevoir, tester et optimiser ces futurs réseaux. Elle offre une capacité d'anticipation sans précédent, permettant aux ingénieurs d’évaluer les performances d'un réseau avant son déploiement physique, de limiter les erreurs de conception et de réduire considérablement les coûts et les délais de mise en service.

Des défis technologiques sans précédent

Le passage à la 6G nécessitera des innovations radicales, notamment en matière de gestion thermique et de conception des infrastructures. La miniaturisation des composants, combinée à l’augmentation exponentielle des besoins en puissance de calcul et des fréquences de fonctionnement, engendre des défis inédits en matière de dissipation thermique. À mesure que l’optimisation par l’intelligence artificielle et l’analyse en temps réel rend plus complexe le traitement des données, la consommation énergétique et la production de chaleur doivent être rigoureusement maîtrisées.

La simulation joue un rôle clé dans la résolution de ces défis. En modélisant la dissipation thermique, en optimisant les matériaux des composants et en affinant la conception des architectures, les ingénieurs peuvent prévenir la surchauffe, améliorer l’efficacité énergétique et prolonger la durée de vie des équipements. Elle permet en outre d’explorer de nouvelles techniques de refroidissement, de tester différentes configurations et des stratégies d’optimisation énergétique avant le déploiement des infrastructures physiques.

Par ailleurs, l’un des défis majeurs de la 6G réside dans l’anticipation des contraintes liées à l’utilisation future de la bande FR3 (7-15 GHz), qui n’est pas encore en service. Bien qu’elle offre un spectre plus large et des débits supérieurs, cette bande entraînera une réduction de la portée du signal et une sensibilité accrue aux obstacles. La simulation permet d’étudier dès aujourd’hui ces défis, d’identifier les meilleurs scénarios d’implantation des antennes et d’optimiser les stratégies de traitement du signal et de MIMO (Multiple Input Multiple Output), afin de garantir une connectivité optimale une fois son déploiement effectif, y compris dans des environnements urbains denses.

Mais au-delà des infrastructures réseau, la réduction des interférences passe aussi par l’optimisation des composants électroniques. Samsung Foundry, par exemple, utilise la simulation électromagnétique pour optimiser la conception des circuits intégrés radiofréquence (RFIC), essentiels aux futurs réseaux 6G. Cette approche améliore la précision des prévisions de performances des circuits intégrés, atténue les problèmes potentiels d’intégrité du signal et de dissipation thermique, réduit les interférences et accélère le développement, garantissant ainsi des performances optimales aux très hautes fréquences.

Un autre défi est lié à la technologie massive MIMO, qui repose sur l’utilisation simultanée de multiples antennes pour améliorer la capacité et la qualité du signal. Bien qu’elle représente un atout pour la 6G, MIMO complique la synchronisation et la gestion des interférences entre les différents éléments du réseau. La simulation aide à optimiser ces interactions dans les environnements d’installation ciblés et à assurer une transition fluide entre les infrastructures existantes et les nouvelles générations de réseaux pour une interopérabilité parfaite.

Les jumeaux numériques et l’IA, moteurs de la révolution 6G

Les jumeaux numériques, combinés à l’intelligence artificielle, deviennent également des accélérateurs indispensables pour le développement des futurs réseaux 6G.

Grâce aux jumeaux numériques, il est possible de modéliser et de tester les infrastructures avant leur déploiement physique afin d’optimiser l’architecture réseau dès les premières phases de conception. En simulant différents scénarios en conditions réelles, les ingénieurs peuvent améliorer la répartition des fréquences, mieux gérer les interférences et maximiser l’efficacité énergétique des éléments critiques pour garantir une connectivité optimale dans des environnements denses comme les grandes villes. C’est le cas, par exemple, de NVIDIA avec sa plateforme NVIDIA 6G Research Cloud, dont la solution Aerial Omniverse Digital Twin for 6G permet de modéliser avec précision des jumeaux numériques de réseaux dans des environnements virtuels sur mesure, dans des conditions réelles, des antennes individuelles jusqu’à l’échelle d’une ville.

L’IA joue également un rôle clé dans l’optimisation des performances en temps réel. En exploitant des flux de données massifs et des modèles prédictifs, l’IA est capable d’anticiper les congestions et de réajuster l’allocation des ressources réseau en fonction des besoins. Plutôt que de subir les fluctuations de charge, les réseaux 6G pourront ainsi s’adapter de manière proactive, garantissant une continuité de service optimale.

Un élément clé de cette évolution est l’usage des données synthétiques. La formation des modèles d’IA et l’optimisation des réseaux nécessitent d’énormes volumes de données, souvent indisponibles en conditions réelles. Grâce à la simulation, il est possible de générer des ensembles de données synthétiques réalistes, permettant d’entraîner les algorithmes d’IA pour anticiper les failles, tester des stratégies de routage et valider l’efficacité des transmissions avant leur déploiement à grande échelle.

Un enjeu global qui nécessite une coopération internationale

Si les premiers déploiements commerciaux de la 6G ne sont pas attendus avant 2030, l’Europe et les États-Unis ont déjà engagé des initiatives majeures pour structurer cette transition. L’entreprise commune européenne « Réseaux et services intelligents » (SNS) investit massivement dans la recherche et le développement, avec un budget de 900 millions d’euros d’ici 2027. De leur côté, les États-Unis travaillent à harmoniser les normes et à sécuriser les futures infrastructures via des collaborations technologiques transatlantiques.

Ces initiatives ne sont pas seulement industrielles : elles répondent aussi à un enjeu de souveraineté numérique. En parallèle, la question des normes et de l’interopérabilité devient centrale, car la 6G devra intégrer des systèmes variés : satellites, IoT, et IA embarquée.

L’adoption de standards communs et la coopération entre les acteurs clés du secteur seront déterminantes pour garantir un écosystème ouvert et sécurisé, tout en favorisant une adoption rapide et harmonieuse de la 6G. La simulation jouera un rôle clé en permettant de tester l'interopérabilité des infrastructures et d’assurer une connectivité mondiale performante, offrant ainsi aux acteurs du secteur l’opportunité de prendre une longueur d’avance dans la prochaine révolution technologique.