Centres commerciaux : comment le e-commerce change la donne

Pour David Bourla, responsable du département Etudes & Recherche de Cushman & Wakefield, les centres commerciaux doivent s'efforcer d'améliorer l'expérience d'achat du consommateur.

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David Bourla. © Cushman & Wakefield

En 2010, la fréquentation des centres commerciaux chutait de 1,3% par rapport à 2009 tandis que leur chiffre d'affaires enregistrait, sur la même période, un léger rebond de 0,7% avancé par certains pour illustrer la résistance de l'immobilier français des commerces. Dans le même temps, le e-commerce affichait des progressions à deux chiffres, le nombre de cyberacheteurs et les dépenses en ligne augmentant de 18% et de 24% dans un environnement économique pourtant peu favorable à la consommation des ménages...

Si le commerce virtuel ne représente encore qu'une part limitée des ventes au détail en France (près de 6%), la forte concurrence qu'il constitue pour le commerce physique est donc bien réelle, et s'accentuera au fur et à mesure d'avancées technologiques qui ne cessent d'améliorer le confort des cyberacheteurs. Le lancement récent de nombreux sites marchands indique ainsi que les enseignes ont compris la nécessité d'être présentes sur internet. Désormais plus prudentes dans leur choix d'implantation, elles semblent en revanche moins enclines à ouvrir des magasins dont la rentabilité n'est pas assurée.  

L'influence croissante du e-commerce contribue à la diminution de la taille des magasins.

Commerce en ligne et commerce "traditionnel" ne sont toutefois pas incompatibles. Ainsi, le développement de synergies entre ces deux modes de distribution contribue déjà à la mutation du paysage français de l'immobilier de commerces. La progression du e-commerce a, notamment, fortement marqué l'évolution de certaines familles de produits particulièrement adaptés à la vente en ligne (musique, électroménager), et contribué à la chute du nombre de leurs points de vente. Mais cette diminution s'est également accompagnée d'une tendance au retrait en magasin de produits commandés au préalable sur le web, en particulier dans le secteur de l'électroménager (Darty).

Dans d'autres domaines, comme l'équipement de la personne, l'influence croissante du e-commerce contribue à la diminution de la taille des magasins. Il s'agit là d'une évolution récente, mais sans aucun doute durable, consistant en la prise à bail de plus petites surfaces exposant un assortiment limité afin de promouvoir une marque dont la totalité des produits sont disponibles sur le site marchand des enseignes. Les exemples de cette logique de magasins vitrines sont nombreux, à l'instar des petits formats Best of New Look ou de Marks & Spencer dont le retour en France passera simultanément par l'ouverture d'un flagship proposant des articles de mode féminine et alimentaires et le lancement d'un site web offrant une vaste gamme de produits.

Les centres commerciaux les plus établis semblent les mieux placés pour tirer parti d'une logique de "centres vitrines"

Dans ce contexte de segmentation accrue, les centres commerciaux et les parcs d'activités commerciales doivent s'efforcer d'améliorer l'expérience d'achat du consommateur. La plupart des grandes foncières ont certes intégré cette évolution dans leur stratégie marketing, à l'instar des sites Internet, blogs et autres applications mobiles des principaux équipements commerciaux de l'Hexagone. Cependant, il ne s'agit la plupart du temps que d'outils purement informatifs qui ne développent qu'assez peu l'interaction entre les enseignes et leurs clients. Il importe donc de donner au consommateur des raisons de quitter son clavier, parmi lesquelles la qualité du cadre architectural, de l'offre commerciale et de services. Le succès des nouveaux formats de centres de marques et de projets emblématiques tel Odysseum, véritables "destinations shopping", confirme que nombre d'opérateurs ont adopté cette stratégie.

Outre ces cas spécifiques, les centres commerciaux les plus établis semblent les mieux placés pour tirer parti d'une logique de "centres vitrines" qui pousse les enseignes à privilégier les sites les plus fréquentés et les plus visibles. L'avenir des centres commerciaux de proximité, qui ne peuvent se passer d'échanges physiques, semble également préservé. Celui d'autres centres, formats intermédiaires ou plus "classiques" notamment articulés autour d'une locomotive alimentaire, n'est pas compromis pour autant. Ces derniers pourraient mettre en œuvre des complémentarités avec internet sur son terrain de prédilection (gain de temps, achat pratique), comme l'indique l'essor de concepts "drive" (Auchan et, plus récemment, Carrefour) qui permettent de rationaliser la logistique des enseignes tout en répondant aux attentes de consommateurs soucieux de mieux gérer leurs déplacements.