Robo Fish, autopsie d'un succès

Robo Fish, autopsie d'un succès Les professionnels du jouet n'en reviennent toujours pas. Le carton de 2013 n'est pas venu des mastodontes du secteur mais d'une jeune PME normande, Splash Toys.

Avec ses airs de gadget futile, Robo Fish ne semblait pas promis à occuper les sommets du classement des ventes de jouets. Et pourtant ! Ce petit poisson clown aux couleurs chatoyantes qui, une fois plongé dans l'eau, s'anime comme un vrai, est en train de tout bousculer sur son passage. Les enfants de trois à huit ans en raffolent tant et si bien qu'il devrait finir dans le top 10 de l'année.

"Ce produit a émergé de nulle part"

"Ce produit a émergé de nulle part" raconte Frédérique Tutt, analyste du secteur du jouet chez NPD Group. Personne ne l'a vu venir... sauf Splash Toys, une jeune PME de 15 salariés, qui l'a repéré lors d'un salon international fin 2012. Son fabricant, l'australien Zuru, cherche alors un distributeur pour la France. Splash Toys rafle la mise et commande 300 000 pièces. Six mois plus tard, le Robo Fish est disponible dans les magasins.

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Pour accompagner cet engouement inattendu, Splash Toys a étoffé sa gamme avec un aquarium. © Splash Toys

Et à la surprise générale, ce cousin lointain de Némo s'impose en quelques semaines. Entre mai et juillet, Robo Fish a trusté la tête des classements hebdomadaires de vente de jouets établit par NPD Group, volant la vedette aux tablettes et autres Furby ou Monster high. "Nous avions bien vu l'intérêt du jouet, mais nous avons été surpris par son succès", reconnait aujourd'hui Franck Mathais, le directeur des ventes de La Grande Récré. A tel point que son enseigne a du composer avec des ruptures de stocks pendant l'été. Et que la grande distribution s'est intéressée sans tarder au phénomène. "Ils sont venus à notre rencontre, ce qui est plutôt rare", relève Alexandre Alonso, chef de produit chez Splash Toys.

A Breuilpont, dans l'Eure, l'entreprise a le triomphe modeste. "Nous avons eu le nez creux", admet-on seulement avec retenue. Mais les chiffres parlent d'eux-mêmes. Entre mars et octobre, d'après nos calculs effectués à partir du panel de NPD Group, 366 000 Robo Fish ont été vendus générant un peu plus de 4,3 millions d'euros de chiffre d'affaires. Et ce n'est pas fini. A en croire Splash Toys, "un million de pièces au total" devrait être écoulées en France cette année, à la faveur du stratégique mois de décembre.

Plusieurs facteurs expliquent ce succès inattendu. Son prix tout d'abord. Autour de 10 euros, "c'est quasiment de l'argent de poche, juge Frédérique Tutt. Et puis c'est un jouet neutre qui plait autant aux garçons qu'aux filles".

Sa petite taille lui permet d'être mis en avant près des caisses. Idéal pour un achat impulsif

Franck Mathais, lui, estime que "la clef de son succès tient à ce que le Robo Fish n'est ni tout à fait un jouet, ni tout à fait un gadget." Simple d'utilisation, le petit poisson surfe sur la vague des jouets compagnons. Un peu comme les Zhu Zhu Pets, ces hamsters animés qui avait déferlé dans les chambres des bambins en 2010. "C'est même devenu un jouet de bain," ajoute le directeur des ventes de La Grande Récré, qui se réjouit que l'objet soit décliné en une série de neuf poissons de couleurs différentes. Les enfants en font la collection ou les parents en achètent plusieurs pour contenter toute la fratrie. Et côté business, Robo Fish présente un avantage certain : sa petite taille lui permet d'être mis en avant près des caisses. Idéal pour un achat impulsif.

Pour accompagner cet engouement inattendu, Splash Toys a du étoffer sa gamme dans des délais très courts. Une série de requins conçus sur le même principe a rejoint les linéaires avant l'été. Depuis la rentrée, le Robo Fish peut aussi s'acheter avec un authentique aquarium. Et pour 2014, l'entreprise promet une gamme tropicale plus colorée et une série de poissons lumineux. Le tout soutenu par une campagne de publicité télé.

Pour 2014, l'entreprise promet une gamme tropicale plus colorée et une série de poissons lumineux

Mais à l'instar d'un vrai poisson rouge, Robo Fish passera-t-il l'année ? "C'est du one-off", tranche Frédérique Tutt. Entendez que ce jouet va marcher un an tout au plus et qu'il disparaîtra ensuite. "C'est un cycle naturel, car les fabricants de jouets doivent constamment réinventer un univers".

Toujours est-il que pour Splash Toys, Robo Fish sonne comme une entrée remarquée dans la cour des grands. Une sacrée aubaine pour l'entreprise fondée en 2007 et actuellement en pleine expansion. "Disons que le Robo Fish tombe assez bien", reconnait-on chez Splash Toys, qui ne fait plus mystère de vouloir peser dans le secteur du jouet.