La validité des clauses de parité en question

Entre les décisions récentes de l'Autorité de la Concurrence, du Tribunal de Commerce de Paris et la proposition de loi en cours, l'avenir des clauses de parité, notamment tarifaire, est remis en cause.

L’étau se resserre autour des clauses de parité. Ces clauses visent à imposer aux fournisseurs d’appliquer automatiquement à ses partenaires revendeurs les conditions au moins aussi favorables (dont le tarif) que celles proposées aux autres partenaires ou appliquées directement par le fournisseur lui-même. Elles sont particulièrement utilisées par les sites de réservation hôtelière comme Booking.com ou Expedia.

En l’état du droit français, aucune disposition n’interdit expressément cette pratique. L’article L442-6-II déclare nulle la clause dite du « client le plus favorisé » par laquelle le partenaire commercial bénéficie « automatiquement des conditions plus favorables consenties aux entreprises concurrentes par le cocontractant ». Or la parité ne s’applique pas uniquement aux prix (elle peut porter sur la disponibilité, les conditions d’annulation, etc.) et en outre n’impose pas simplement à l’hôtelier d’aligner ses prix par rapport à ceux consentis aux autres sites de réservation mais également par rapport aux prix pratiqués par l’hôtelier lui-même, y compris sur son site internet.

Face à la puissance des plateformes de réservation en ligne (70% des nuitées sont réservées sur ces sites selon l’Autorité de la Concurrence), les réactions n’ont pas tardé.

Tout d’abord les syndicats hôteliers et le groupe Accord ont dénoncé cette clause devant l’Autorité de la concurrence estimant que cette pratique empêchait de mettre les divers canaux de distribution en concurrence et constituait une barrière à l’entrée de nouveaux entrants sur le marché de la réservation en ligne.

Le 21 avril 2015 (décision 15-D-06), l’Autorité de la concurrence publiait les engagements que Booking.com a accepté de prendre pour une durée de 5 ans à compter au plus tard du 1er juillet 2015, dont :

-          - la suppression de toute obligation de parité tarifaire à l’égard des autres plateformes de réservation en ligne ;

-        - la suppression de la clause de parité tarifaire à l’égard des canaux hors ligne des hôtels (téléphone, email, comptoir, etc.) ainsi que pour les programmes de fidélité ;

-          - la suppression des obligations de parité de conditions (petit-déjeuner, spa, accès internet, conditions d’annulation, etc.) et des disponibilités.

Reste que les tarifs publics en ligne des hôtels peuvent toujours être soumis à la parité tarifaire, obligeant les hôteliers à ne pas pratiquer sur leur site de tarif plus avantageux que ceux accordés à Booking.com.

Or, le 7 mai 2015 le Tribunal de Commerce de Paris est allé plus loin. Il a estimé dans une affaire introduite par le Ministre de l’Economie contre Expedia Inc et France, Travelscape, VacationSpot, WWTE Travel et Hotels.com que les clauses tendant à assurer un alignement automatique sur les meilleures conditions tarifaires créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, pratique interdite par l’article L442-6-1-2° du Code de commerce.

Le Tribunal retient notamment que ces clauses n’ont pas de contrepartie dès lors que les plateformes ne supportent aucun risque lié à la réservation. Il en a prononcé en conséquence la nullité.

Cette décision n’est pas à prendre comme emportant nullité automatique de toutes les clauses de parité tarifaire. L’analyse de l’équilibre général du contrat doit être réalisée au cas par cas. Ainsi, si les plateformes modifient leurs contrats de manière à partager le risque des réservations avec les hôteliers, la clause pourrait ne pas être jugée comme déséquilibrée.

Et ceci dans l’attente de l’examen de la proposition de loi enregistrée en mai 2014 devant l’Assemblée Nationale et visant à intégrer au Code de commerce une interdiction expresse de la clause de parité tarifaire.

 Emmanuelle BEHR