Repenser les standards de distribution à travers l’innovation digitale

A l’instar de Google ou Spartoo, de plus en plus de pure players se lancent dans le déploiement de réseaux de distribution physiques. De même, après avoir rationalisé leurs réseaux de points de vente, les bricks & mortars reconsidèrent ceux-ci comme des atouts déterminants face à la concurrence du web.

Le retour en force des magasins prouve leur valeur ajoutée, sous réserve de répondre aux nouvelles exigences du marché. Leur insertion dans l’ère digitale parait alors incontournable pour satisfaire à la fois les objectifs de performance et d’enchantement du client…

Depuis quelques années, le point de vente s’est trouvé écarté du cœur de la stratégie d’innovation de la distribution des entreprises, avec l’apparition et le développement du e-commerce. Pourtant, malgré le succès grandissant des ventes online, cette part de la consommation ne représente que 5,5% du marché retail total en 2014 en France (1). Avec un taux de conversion vingt fois supérieur aux réseaux dématérialisés (2),  les points de ventes physiques restent le point central de déclenchement d’achat, qui arrive en conclusion d’un parcours client enrichi par de nouvelles habitudes de consommation (comparaison sur internet, renseignements, avis…).

La mutation de la chaine de valeur, du contexte concurrentiel et technologique amène les entreprises à repenser la place de leurs magasins dans le réseau de distribution.


Les évolutions qui viennent impacter la place traditionnelle du point de vente sont multiples :




Pour anticiper ces changements, les acteurs disposent de plusieurs axes de travail :
  • Repenser les formats de magasins, notamment dans des logiques d’hyper segmentation pour répondre au mieux à la demande locale
  • Offrir de nouveaux services pour répondre aux nouvelles exigences en termes de temps, de confort…
  • Miser sur le digital dans les réseaux physiques pour assurer une expérience produit maximisée
  • Coordonner la stratégie de distribution pour basculer d’une vision multicanal à une vision omnicanal


 

Exit le modèle offline traditionnel, bienvenue dans l’ère du phygital !

 

Les nouvelles exigences de consommation  viennent frapper à la porte des boutiques qui se doivent de fournir une expérience aussi confortable et dynamique que sur le web. La digitalisation du parcours client en boutique répond à ces impératifs, et amène une nouvelle catégorie de point de vente : le phygital. 


Exemple d’un parcours client en magasin enrichi :



PoPour certaines entreprises, la digitalisation du point de vente est déjà une réalité. Le numérique apparait comme l’opportunité idéale pour combler les faiblesses des canaux physiques et développer leurs forces. Tour d’horizon de quelques initiatives pertinentes :


1. Combler les faiblesses

Le succès croissant des ventes en ligne s’explique par des avantages certains par rapport aux boutiques :

  • Praticité (gain de temps, émancipation des horaires d’ouverture,…)
  • Prix
  • Richesse de l’offre
  • Informations produit

Le digital en point de vente peut permettre de se rapprocher du niveau d’expérience des ventes en ligne :


  a. La praticité :

Afin d’optimiser le temps passé en boutique, la firme canadienne Me-Ality a équipé des dizaines de centres commerciaux américains de scanners corporels. Avec  200 000 points de référence pris en l’espace de 10 secondes, le scanner connecté aux boutiques du centre commercial propose alors une sélection de vêtements adaptés à la morphologie du client et disponibles dans les boutiques qui l’entourent. La technologie permet également de répondre à des requêtes précises : « Où trouver un pantalon rouge pour moins de 80$ ? ». Fastcompany.com estime que les utilisateurs de ce body scan dépensent deux à trois fois plus que les autres clients du centre commercial.

Un autre champ d’action dans l’optimisation des temps d’attente concerne les files d’attente en caisse : 62% des français préfèreraient ainsi le magasin à Internet s’ils pouvaient éviter de faire la queue grâce à des caisses mobiles (3). Le groupe Auchan propose d’ores et déjà le paiement mobile dans ses hypers avec l’application Flash’NPay.


  b. Le prix :

Les consommateurs sont rompus à la chasse aux bonnes affaires sur internet ; comparer des produits et des prix n’a plus de secret pour eux. Ainsi certaines enseignes proposent aujourd’hui des promos inédites personnalisées et réservées au réseau offline. C’est par exemple le cas de Décathlon qui teste actuellement un système de suivi du client en point de vente grâce aux caméras de surveillance. L’idée : lui pousser des promotions éphémères contextualisées en fonction du rayon où il se trouve. D’autres entreprises misent sur la technologie « Beacon » pour quadriller leur espace de vente dans l’optique de géolocaliser le client et lui pousser ainsi du contenu personnalisé en fonction de son parcours dans le magasin. D’après connected-store.com, 46% des clients achèteraient en effet davantage dans un magasin personnalisant l’expérience d’achat.


  c. La richesse de l’offre :

41% des consommateurs français interrogés estiment que les écrans interactifs d’extension d’offre en magasin sont importants voire essentiels (4). Carrefour propose dans certains hypermarchés, des bornes de commande de matériel électroménager permettant au client de visualiser l’ensemble du catalogue disponible, en taille réelle, au-delà des modèles présentés en rayon.


   d. L’information produit :

Casino a ajouté une étiquette NFC sur les produits d’un magasin parisien. Le client peut ainsi ajouter l’article à son panier d’achat virtuel en approchant son smartphone du produit, paramétrer ses allergies sur l’application mCasino pour déclencher des alertes si le produit contient un composant nocif pour lui, ou encore scanner le produit une fois terminé pour le commander à nouveau. Dans le sens inverse, le client peut devenir une source d’information pour sa communauté directement depuis la boutique. Kiabi a lancé une opération shopping connect : le client, une fois connecté à son profil Facebook sur une borne en magasin se voit attribuer un bracelet RFID. En passant ce bracelet devant le boitier RFID de chaque look, il peut ainsi partager ses coups de cœur avec ses amis et profiter d’une remise de 10% sur chaque produit liké.



2.  Booster les avantages des réseaux offline

 

Si le point de vente continue de séduire le consommateur, c’est parce qu’il possède des atouts non négligeables par rapport au e-commerce. Le client peut en effet visualiser, manipuler le produit, en disposer tout de suite et expérimenter l’identité de marque dans un univers de consommation dédié. Or ces atouts peuvent être décuplés grâce au digital :


  a. L’expérience du produit :

Voir, manipuler, essayer le produit sont des atouts majeurs des boutiques physiques. Elles franchissent désormais un nouveau pas en permettant de projeter le produit dans son contexte d’utilisation. Miliboo, entreprise d’ameublement,  propose à ses clients une véritable immersion 3D dans son espace de vente : grâce aux lunettes Occulus Rift, le client peut récréer son habitation et y ajouter les meubles Miliboo pour concrétiser toutes les imaginations.


  b. Le conseil des vendeurs :

Alors que 60% des français déplorent les difficultés des vendeurs à comprendre leur besoins, certaines marques ont déjà pris ce problème à bras le corps. Sephora a ainsi mis à disposition de ses conseillers des iPod Touch afin de leur permettre d’accéder rapidement à l’application MySephora. Ils possèdent alors une mine d’informations sur leurs clients : historique d’achats, produits préférés, bons de réduction valables, recommandations de produits adaptées à leur profil, etc...

 

c. La possibilité de disposer immédiatement du produit :

Pour être sûr que le client ne se déplace pas en boutique inutilement, le digital peut permettre d’assurer la disponibilité du produit, ou encore de trouver une solution en cas de rupture de stock en boutique. La chaine de mode masculine Devred a mis à disposition des vendeurs des tablettes afin de commander le produit en ligne en direct en cas d’indisponibilité dans le point de vente, la livraison étant alors offerte. De quoi maximiser les chances de satisfaction client !

 

Cette digitalisation nécessaire des points de vente physiques ne peut intervenir de façon isolée, elle doit être couplée à une unification des stratégies « on line » et « off line » afin de garantir la cohérence du parcours client : il s’agit de l’ « omnicanalité ».



Effacer les frontières pour capitaliser sur les synergies on/off line

 

Le client est de plus en plus agile dans sa façon de consommer, il optimise son parcours d’achat en fonction de ses besoins et de ses contraintes. On voit donc émerger une multitude de nouvelles trajectoires d’acquisition où les frontières inter-canaux n’existent plus:

  • ROPO (« Research On-line Pay Off-line ») : 91% des consommateurs qui achètent en réseau off-line s’informent en ligne avant d’acheter en magasin (4). Ce type de consommation vise à pallier au manque d’information en boutique ou à l’opportunité de comparer, étudier les avis d’autres consommateurs…
  • Le showrooming : 41% des individus qui achètent sur internet se renseignent en magasin avant d’acheter en ligne (4)
  • Le click & collect : Plus de la moitié des e-acheteurs ont déjà retiré en boutique une commande passée sur le web (5)
  • L’achat en réseau physique et la livraison à domicile pour plus de confort
  • La commande on-line en réseau off-line avec un service de collecte une fois l’achat finalisé,  pour un magasin réinventé  sans rayon ! C’est le pari fait par Argos avec sa chaine de boutiques digitales lancée en 2013

Le développement rapide du commerce en ligne a amené les entreprises à une extension rapide de leur organisation, avec le développement d’un pendant digital parallèle aux réseaux physiques. Cette organisation en silos ne répond cependant pas aux pratiques de consommation transverses des consommateurs. La pensée omnicanal répond à ce besoin de flexibilité centré sur le parcours client réel.


L’évolution du modèle de pensée de la stratégie de distribution s’est faite graduellement pour créer toujours plus de synergies entre les canaux.


Si l’entreprise réussi sa transition, les résultats commerciaux à la clé sont concrets : le taux de conversion des acteurs multicanaux du secteur de la distribution a notamment grimpé de 22% entre 2012 et 2013 selon le baromètre publié par Kantar Media Compete et Google.

 

L’heure du magasin connecté a sonné, de nouvelles ambitions se dessinent pour les boutiques physiques. Les anciennes rivalités entre canaux laissent place à une complémentarité reconnue et provoquée. On assiste désormais à une convergence des stratégies des « pure players » et des « bricks and mortars » qui tendent à élargir leur panel de distribution et à effacer les frontières entre canaux.  Mais cette digitalisation du point de vente  n’est pas la réponse à tout. Elle doit être menée en lien avec une réflexion sur les formats de magasin, sur la descente des informations CRM en point en vente et sur l’offre de services proposés aux consommateurs. Pour le moment, cette transformation n’en est qu’à ses débuts. Les innovations technologiques à venir devraient amener toujours plus de perspectives d’enrichissement du potentiel des réseaux physiques…



 

(1) Etude FEVAD 2014

(2) Xerfi

(3) Etude OpinionWay pour Miliboo

(4) Etude FEVAD 2015

(5) Etude Baromètre MAPPY/BVA 2014 sur le web to store

(6) Observatoire Neopost ID: enquête menée en septembre 2014 auprès de 1 213 internautes ayant réalisé au moins un achat en ligne au cours des deux années précédentes