Quand le patient devient client
Jamais le patient n'avait occupé un tel rôle central dans les activités de santé. Il est désormais placé au cœur d'un véritable réseau de soins et de communication qui lui confère un "pouvoir" assimilable à celui qu'il occupe, en tant que client, dans les relations commerciales de la vie quotidienne.
Autrefois soumis unilatéralement à "l'autorité" de son médecin ou de son pharmacien, le patient a progressivement acquis son autonomie.
Plusieurs raisons à cette évolution :
* L'accès à l'information,
considérablement développé grâce notamment à l'internet. En corollaire, une
libération de la parole entre patients, permise par les forums, Facebook
et autres blogs. Ces échanges individuels ont renforcé le sentiment – si ce
n'est contestataire – du moins de relativisation du savoir médical. Surfant sur cette tendance lourde, les
journalistes multiplient les sujets concernant la santé jusqu'à publier
périodiquement le classement des hôpitaux, spécialité par spécialité.
* Une situation quasiment
concurrentielle tant des praticiens que des pharmaciens. Particulièrement
perceptible dans les grandes villes, la densité médicale a accru l'Offre et, de
ce fait, la possibilité offerte au patient de sélectionner lui-même ses acteurs
de santé. Malgré l'instauration du médecin référent, le nomadisme médical s'est
ainsi étendu, évoluant en fonction de la démographie et du niveau d'exigence
des malades. La situation économique difficile (plus
de 500 pharmacies ont déposé le bilan en 2012 !), agit comme facteur aggravant
de ce type de comportement, l'acteur de santé devenant économiquement
"dépendant" de sa clientèle.
* Les grandes crises
médiatiques qui ont contribué à fragiliser la légitimité des praticiens,
des firmes pharmaceutiques et même des Autorités de santé. Alors que leur
mission première consiste à protéger le public, la faillite de ces acteurs a
fortement ébranlé leur crédibilité. Médiator, pilule contraceptive, produits
amaigrissants (Alli et Orlistat), publication du "Guide des 4 000
médicaments utiles, inutiles ou dangereux", contestation des vaccinations,
… la liste s'accroît de manière exponentielle propageant l'image d'une
industrie (au sens large) abusant de la crédulité des malades.
Jusque là relativement protégé,
l'équilibre du monde de la santé est désormais remis en question. Tous les
témoignages des acteurs de santé, hospitaliers, libéraux, officinaux ou para
médicaux, révèlent : l'exigence nouvelle des patients, leur agressivité, et
surtout leur sentiment d'être dominants dans la relation (annulation des
rendez-vous, retards, contestations, demande de produits, …).
Il appartient d'abord aux praticiens eux-mêmes de restaurer leur
autorité. Mais également de prendre en compte l'évolution générale des
mentalités et des techniques de l'information pour se positionner plutôt comme
un spécialiste partenaire et non plus comme un maître d'école du XIX°
siècle !