L’avenir de la Chine dépendra de sa capacité à séduire sa classe moyenne

La classe moyenne est en pleine explosion dans les pays émergents. La Chine ne fait pas exception. Selon Ernst & Young, d’ici 2020, plus de 500 millions de ménages y disposeront de revenus annuels compris entre 60 000 et 500 000 yuans (7 120 et 60 000 euros).

Un chamboulement qui devrait faire bouger les lignes, en permettant à tous ces nouveaux presque « riches » de s’offrir des biens et services inaccessibles jusqu’à présent. Les entreprises chinoises sont sur le qui-vive, et tentent d’enrayer l’attraction naturelle des habitants du pays pour les produits occidentaux.

La classe moyenne chinoise à l’assaut de l’Occident

La Chine veut faire peau neuve, et elle n’est pas loin d’y parvenir. Adieu l’ancien modèle économique, basé sur de multiples exportations de produits souvent cheap. La croissance de l’empire du Milieu reposera à l’avenir, de plus en plus, sur son marché intérieur, où les biens de consommation durables se tailleront la part du lion.
Principal levier de ce glissement structurel, une classe moyenne de plus en plus fournie, même si d’aucuns réfutent cette appellation, s’agissant d’évoquer une catégorie de population dont l’influence politique demeure marginale, les pratiques culturelles et les modes de consommation éloignés des standards occidentaux.
Il reste beaucoup à faire pour que la classe moyenne à la chinoise soit autant affirmée que celles d’Europe ou des États-Unis, mais le pays est sur la bonne voie. A en croire une étude réalisée par le cabinet McKinsey, les revenus des ménages urbains appartenant à cette catégorie doubleront d’ici 2022. Des ménages qui profitent déjà d’une nette amélioration de leurs conditions de vie.
En témoigne par exemple le développement de l’industrie du loisir : restaurants, shopping, mais aussi tourisme. La démocratisation des congés payés a entrainé une fringale de voyages chez de nombreux Chinois, qui font des folies aux quatre coins du monde.
En 2012, la Chine grimpait à la première place des pays dont les touristes dépensent le plus à l’étranger, avec un total de 102 milliards de dollars, selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT). Avec 1,5 million de touristes chinois accueillis par an, dépensant en moyenne 1 500 euros chacun, la France profite largement de ce boom.
Pays, mais aussi marques étrangères ont la cote auprès du public chinois. Des marques qui l’ont bien compris et multiplient les opérations de communication d’envergure afin de doper leurs ventes grâce à ces nouvelles cibles désormais capables de s’offrir le dernier iPad ou un 4x4 BMW flambant neuf.
Ce phagocytage par des pays et firmes étrangères du pouvoir d’achat des Chinois ne doit pourtant pas faire croire que la Chine accepte bras ballants cet état de fait. De plus en plus, épaulées par l’Etat, les entreprises locales tentent de subvenir par elles-mêmes aux nouveaux desiderata d’une population désormais avide de qualité.

La Chine bien décidée à capter une partie du pouvoir d’achat de sa classe moyenne

Concernant le tourisme, les « Lignes directrices pour le tourisme et les loisirs nationaux» (2013–2020), publiées en 2013, jettent les bases d’une approche inédite du développement et de la gestion du secteur dans le pays. L’idée ? Favoriser le tourisme émetteur, c’est à dire des Chinois sur leur propre sol, en leur accordant notamment plus de liberté et de flexibilité dans la prise de leurs congés payés.

Certains groupes d’investissement chinois, à l’instar de Fosun, se sont par ailleurs fait une spécialité de perfuser des fonds dans les industries de biens et services à l’usage de la classe moyenne.
Finance, immobilier, santé, culture, tourisme, logistique ou commerce, tout y passe. Fosun prévoit également, en 2014, d’engager une série d’investissements dans le secteur de la protection environnementale, surfant sur l’intérêt nouveau d’une partie de la population pour les enjeux écologiques.
L’émergence d’une classe moyenne en Chine est un phénomène récent, encourageant « l’atelier du monde » à passer d’un modèle fondé sur les exportations à gogo à un recentrage sur son marché intérieur. Si le pays n’était pas assez préparé à ce changement de donne, il semble à présent avoir pris la mesure des efforts à accomplir pour capter une part substantielle du pouvoir d’achat de sa classe moyenne, ayant encore trop souvent tendance à croire que l’herbe est plus verte ailleurs. Ce n’est qu’à ce prix que la Chine réussira sa mue et parviendra à édifier un modèle économique plus stable, moins dépendant de la conjoncture mondiale.