La conversion de l'Europe à la désintermédiation du financement de son économie

Devant l'incapacité des banques à les financer, les entreprises européennes se tournent de plus en plus vers les marchés financiers. Euronext, première place boursière de l'Union européenne, a ainsi permis de lever en 2014 plus de 100 milliards d'euros, entre cotations en bourse, augmentations de capital et émissions d'obligations.

Euronext  entend à présent se tourner vers le financement de l'économie réelle, à commencer par les PME.Quels acteurs sinon les entreprises peuvent redresser la barre de l'économie européenne par temps de crise ? Pourvoyeuses d'emplois et créatrices de richesses, ces structures apparaissent comme la clé de voute d'une reprise économique pour une croissance future potentielle. Pourtant, un constat, morose, s'abat depuis quelques années au sein de l'Union européenne (UE) : les établissements bancaires, intermédiaires directs entre les entreprises et la manne financière, rechignent à prêter. Rien ne sert toutefois de les en blâmer; les nouvelles réglementations post-crise financière leur imposent une grande sélectivité dans l'octroi de crédits. Sauf que les banques représentaient avant 2008 environ 80 % du financement des entreprises, celles-ci ayant par conséquent dû renouveler leurs sources de liquidités. Euronext est de ce point de vue l'un des acteurs majeurs aujourd'hui en Europe.

Une désintermédiation croissante du financement de l'économie européenne

La société boursière est issue de la fusion en 2000 des places d'Amsterdam – où elle possède son siège –, de Bruxelles et de Paris, et avait pour objectif initial l'harmonisation des marchés financiers de l'UE, dans le cadre de l'introduction de la monnaie unique. Aujourd'hui, la première place boursière européenne – cinquième mondiale – est également présente à Londres et à Lisbonne; elle représente 1300 émetteurs, soit une capitalisation boursière de 2200 milliards d'euros. Tandis qu'Euronext a battu pavillon américain pendant près de sept ans, elle a acquis en 2014 son indépendance en étant introduite sur les places boursières qu'elle détient. Cela lui a permis de se tourner principalement vers le financement des entreprises européennes, alors que ses propriétaires outre-Atlantique semblaient peu intéressés par l'économie du vieux continent.
Ce changement de cap et l'incapacité croissante des banques à prêter aux acteurs économiques de l'UE ont entrainé ces derniers à privilégier de plus en plus le recours aux marchés financiers. Si les levées de fonds sur Euronext représentaient quelque 70 milliards d'euros en 2010, elles s'élèvent à hauteur de 100 milliards d'euros cette année. Le revirement est particulièrement manifeste en France ; les entreprises tricolores ne se financent plus qu'à 60 % auprès des banques, contre 80 % il y a quelques années. Ce phénomène dit de la désintermédiation du financement de l'économie qui émerge en Europe est calqué sur le modèle en vigueur aux États-Unis, où les entreprises ont majoritairement recours aux marchés pour s'assurer une manne financière.

Une « bourse des PME »

Lors de la conférence annuelle du marché boursier organisée le 3 décembre par Euronext, ses dirigeants ont rappelé son rôle éminent de financement de l'économie du continent. Dominique Cerutti, son PDG, a même souhaité élargir considérablement les facultés de la société boursière, en déclarant vouloir se « focaliser sur le financement de l'économie réelle, et en particulier des PME ». Si ces petites structures demeurent assurément un pilier de la reprise économique, elles n'ont pas vocation à s'immiscer sur les marchés financiers comme peuvent le faire leurs grandes sœurs. Aussi le poids des banques dans leur financement se fait-il sentir; 95 % de leurs liquidités proviennent de prêts intermédiés.
Ce qui n'est pas sans poser problème dans le futur, eu égard aux nouvelles réglementations bancaires dites Bâle III.
De la même manière qu'Euronext a facilité la désintermédiation financière pour les entreprises européennes, la société a lancé en 2013 son pendant pour les PME et ETI. Enternext, véritable « bourse des PME », également présente sur les marchés d'Amsterdam, Bruxelles, Paris et Lisbonne, a permis au premier trimestre 2014 à 32 nouvelles structures de lever 771 millions d'euros. La filiale d'Euronext met pour ce faire à disposition des petits patrons des équipes de conseillers, aussi bien pour les attirer sur les marchés que pour les guider une fois bien implantés. Enternext accompagne ainsi près de 750 PME-ETI en Europe, qui n'ont plus à pratiquer l'endettement pour financer leur activité.
Le climat, au sein de l'UE, est donc clairement à la désintermédiation financière globale. Ceci pour deux raisons essentielles : pallier le manque de financement issu des crédits bancaires; pourvoir une manne financière substantielle aux acteurs économiques européens. Tandis que l'Union se déchire, depuis qu'a surgi la crise, sur la manière de la régler – politiques de l'offre ? de la demande ? –, Euronext propose de responsabiliser et d'autonomiser les entreprises – de toute taille –, pour une reprise de l'activité potentielle et un retour de la croissance espéré.