Demain, toutes les entreprises pourront être des banques

Le glissement des entreprises du secteur de la distribution vers le système bancaire a débuté il y a quelques décennies. La banque deviendra-t-elle demain un service de plus proposé par les marques ?

En France, Orange, entreprise issue des télécoms disposant à la fois d’un large portefeuille de clients et d’une forte implantation sur le territoire, a su saisir le marché en rachetant Groupama Banque et en lançant Orange Bank : une offre mobile alliée à un réseau d’agences physiques. Ce fut un projet de grande ampleur, nécessitant des investissements énormes et une implication forte des équipes en place, donc difficilement reproductible.

Mais cela pourrait changer. Pas très loin de chez nous, en Suède, Thomas Cook vient de lancer une application bancaire grâce à une néo-banque. Ce tour-opérateur, qui dispose d’une base de 20 millions de clients dans 17 pays, propose une application bancaire 100% mobile centrée sur les vacances, un budget important pour les ménages. En France par exemple, il s'agit du quatrième poste de dépenses après les transports (13%), l'alimentation (11,4%) et les loisirs et la culture (7,8%), selon une étude publiée en 2016 par le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc). Avec cette application bancaire, le consommateur a la possibilité d’épargner, d’emprunter pour financer ses vacances mais aussi d’effectuer des paiements par carte sans frais à l’étranger, d’accéder à un compte multidevise, d’effectuer des virements à sa famille ou ses amis par SMS… De quoi fluidifier le parcours utilisateur et faire que l’argent en vacances ne soit plus une source de tracas.

En termes de technologie et de savoir-faire, le tour-opérateur n’a pas eu besoin de racheter une banque. Il a réalisé un partenariat avec une néo-banque pour développer une application en marque blanche. Celle-ci a ainsi vu le jour en l’espace de six mois. Pour l’entreprise, les avantages d’un tel partenariat sont nombreux : fidéliser les clients existants et en conquérir de nouveaux, rehausser l’image de la marque, offrir une expérience utilisateur améliorée, créer une nouvelle source de revenus…, le tout, sans avoir à acquérir de nouvelles compétences ou à réaliser des investissements majeurs.

Ce lancement marque donc un véritable tournant dans le monde bancaire. Il ouvre aux acteurs de la distribution, du tourisme, de la culture..., la voie vers les services bancaires. On peut donc imaginer que le consommateur, prochainement, disposera d’une multitude de comptes pour chacun de ses intérêts : l’alimentation, la culture, le sport, l’habillement… Il pourra gérer en direct et avec beaucoup de flexibilité ses différents budgets. Le client aura le choix, deviendra exigent car perpétuellement en train de comparer les prix et les prestations de ses différentes offres bancaires. Il sera difficile à fidéliser, rendant féroce la compétition par l’innovation entre les différents acteurs du marché.

Dans un tel contexte, quid des banques traditionnelles qui n’auront pas pris le virage du digital et précisément du mobile ? Pour les banques qui couvraient entièrement le marché, on peut imaginer qu’elles se recentreront sur l’investissement et le conseil aux entreprises et notamment aux PME qui sont aujourd’hui des enfants maltraités par le système bancaire. D’autres se spécialiseront dans certains secteurs. Quoi qu’il en soit, le modèle de la banque traditionnelle s’effondre. La pratique qui consistait à ouvrir son premier compte au sein de la banque familiale et à le garder souvent toute sa vie, n’existera bientôt plus.