Transformation numérique de la santé : chantier ou réalité ?

Télémédecine, services e-santé, dossier médical en ligne... l’Etat a annoncé de nombreuses initiatives en plus d’une stratégie nationale e-santé 2020. Comment les services hospitaliers et le secteur de la santé doivent-ils se préparer pour ce big bang ?

En France, les données de santé appartiennent au patient et les accès à ces données sont très contrôlés. Par exemple, un médecin d’un hôpital ne peut accéder aux données produites dans un autre hôpital.

Il devient donc crucial à l’heure où les institutions hospitalières se regroupent sous l’impulsion de l’Etat, que l’anonymisation des données des patients soit au cœur des préoccupations des institutions et professionnels de la santé. Ils doivent mettre en place une stratégie de gouvernance et d’accès aux données à même d’assurer la confidentialité quelque que soit le parcours de soins.

C’est un immense défi de centraliser les données tout en préservant leur caractère anonyme. A ce jour, les données existantes apparaissent sous différents formats dans un secteur de la santé éclaté en matière de solutions de traitement de la donnée. C’est pourquoi les établissements de soins ont besoin d’outils pour rendre ces données intelligentes, et arriver à une exploitation pertinente de celles-ci. Enfin, au vu du caractère personnel des données de santé il est primordial de les stocker et de les traiter en données sensibles pour veiller à une utilisation responsable, en ligne avec les réglementations en vigueur. D’ailleurs, ces données de santé à caractère personnel, qu’elles soient collectées au moyen d’applications ou directement au sein de plateformes logicielles, ne peuvent être hébergées que par des hébergeurs agrées de données de santé.

L’irruption croissante dans le parcours de soins de solutions d’intelligence artificielle va venir complexifier cette gouvernance. Elles sont de plus en plus utilisées pour améliorer la qualité des soins notamment dans les maladies chroniques, l’aide au diagnostic ou encore la compréhension des situations cliniques.

A ce jour, les données médicales que l’on retrouve par exemple dans IBM Watson, un programme avancé d’intelligence artificielle, appartiennent à des sociétés privées qui ne pratiquent pas le secret médical comme les médecins, ce qui en matière d’éthique ne permet pas encore la collaboration entre les équipes médicales et les acteurs du numérique.

Les établissements de santé devront se doter de solutions et d’infrastructures informatiques à même de sécuriser, cloisonner et anonymiser les données des patients mais également intégrer la digitalisation du parcours de soins et les technologies tirant parti des données. Néanmoins, ce chantier est long, vaste et semé d’embûches.

Les DSI aux premières loges

Malgré une impulsion politique et des chantiers se mettant en place au fur et à mesure, la digitalisation du parcours de soin et sa réglementation contraignante demandent un déploiement important d’outils et donc de budgets, qui pourraient amener à une transformation numérique à deux vitesses.

Si la santé est l’affaire du personnel soignant, l’informatique joue un rôle prépondérant dans l’écosystème de la santé. Les DSI sont aux avant-postes pour initier cette transformation numérique, appliquer les règles de gouvernance des données et mettre en place une stratégie digitale qui permette d’améliorer la qualité de service, en simplifiant la tâche des praticiens tout en réduisant les coûts.

Au-delà des stratégies et des schémas directeurs des DSI pour moderniser les systèmes d’information et répondre aux enjeux de la digitalisation, plusieurs écueils sont à surmonter.

La question budgétaire est l’une des principales préoccupations des institutions hospitalières qui auront besoin de ressources nouvelles pour faire évoluer une infrastructure technologique souvent ancienne, à même d’absorber les bouleversements technologiques, organisationnels et les nouveaux modes de soins. Indéniablement, certains établissements (particulièrement le privé) se développeront plus rapidement que les autres pour des raisons financières.

Les compétences technologiques sont un écueil non négligeable dont la résolution guidera la rapidité de la digitalisation au sein du système hospitalier. La pénurie de compétences techniques est une réalité du marché alors que les entreprises pâtissent déjà du manque de qualifications.

Les entreprises de services du numérique ne pourront pas répondre à toutes les sollicitations en même temps. En outre, le secteur public de la santé est un secteur particulier dans lequel les certifications sont drastiques.

Le chemin vers la digitalisation du système de santé ne sera pas un long fleuve tranquille. Les disparités seront grandes entre les différentes institutions face aux enjeux de confidentialité des données et de mise à niveau des systèmes d’information. La réponse devra être budgétaire, technologique mais également organisationnelle.