Troisième anniversaire de la directive Solvabilité II : les entreprises d’assurance vont-elles trinquer ?

En encourageant les entreprises à s’assurer elles-mêmes de leur saine gouvernance et de leur bonne maîtrise des risques, cette directive marque une évolution culturelle, vers une approche plus transparente, plus préventive mais aussi plus prospective.

L’un des principaux aspects de la directive Solvabilité II vise à développer en interne quatre fonctions-clés, quatre nouvelles tours de contrôle de l’assurance, que sont l’audit interne, la compliance, l’actuariat et la gestion des risques.

Ces fonctions-clés ont été mises en place car le secteur de l’assurance fonctionne de manière contre-cyclique : les primes sont encaissées pour décaisser des sinistres, et le métier consiste à évaluer les potentiels sinistres à venir et toute la chaîne de risques qui peuvent y conduire. D’où la mise en place de contrôles : l’actuariat est un premier volet qui consiste à étudier le ratio sinistre/primes dans le but de provisionner les sommes qui serviront à payer les sinistres, la fonction risque définit le curseur en termes d’appétit au risque des compagnies d’assurance, la compliance surveille la conformité des décisions de l’entreprise avec la réglementation mais aussi avec les objectifs que se fixe l’entreprise en matière d’éthique, de bonnes pratiques... Et enfin, en dernière tour de contrôle, l’audit procède à la vérification de toutes les actions menées.

Mais en conduisant les compagnies à revoir leur gouvernance, ces quatre fonctions-clés viennent bousculer leur fonctionnement. Les dirigeants l’admettent : le changement n’est pas toujours simple. 

Après 3 ans d’expérimentation, l’heure est au post-mortem

L’implémentation des fonctions-clés au sein des organisations ne va pas de soi : elles concernent souvent des populations sur-sollicitées, et trois ans après leur mise en place, beaucoup d’entreprises se demandent si elles ont choisi les bonnes personnes, si elles les ont mises au bon endroit. Comme toute nouvelle réglementation, les entreprises l’ont surtout vécue comme une contrainte, qu’il a fallu mettre en place rapidement, avec plus ou moins de succès. Après trois ans d’expérimentation, on assiste aujourd’hui à un momentum où de nombreux dirigeants s’interrogent : fallait-il rattacher ces nouveaux responsables de l’audit, de la compliance, de l’actuariat et des risques à la direction générale ? Au directeur général délégué ? Ou encore à la direction financière, à la direction technique ? 

Solvabilité II crée de nouveaux besoins en recrutement

Ces questions soulevées par les dirigeants du secteur assurantiel apportent un éclairage majeur sur les nouveaux besoins en recrutement qui découlent de Solvabilité II, avec trois points de vigilance qui sont les suivants : au sein des organisations premièrement, ces fonctions-clés sont-elles à la bonne place ? Peuvent-elles reporter à la bonne personne au sein de l’entreprise ? Et couvrent-elles les bons périmètres ? Certains aspects de la fonction conformité se chevauchent par exemple avec la fonction gestion des risques. Deuxièmement, bénéficient-elles de l’autonomie nécessaire au juste exercice de leur métier ? Il n’est pas évident de rendre l’audit interne à l’administrateur, ce qui pose la question de l’indépendance et de l’impartialité des auditeurs en chef, d’autant qu’il s’agit de salariés de l’entreprise et non d’entités externes au groupe. Des salariés qui pourraient être amenés à soulever des points sensibles aux yeux de la direction, et les porteurs de mauvaises nouvelles n’ont pas toujours les carrières les plus faciles… Troisièmement enfin, sont-elles bien en mesure de remonter les alertes ?

Ces fonctions-clés devraient être libres et indépendantes des fonctions opérationnelles selon le principe qu’on ne peut être juge et partie, mais on constate que la réalité est plus complexe. D’autant que selon les priorités, les investissements ne seront pas les mêmes : avec les risques longs comme l’assurance-vie (contrairement aux risques courts comme l’auto ou la MRH), l’approche des risques, et donc la politique d’investissement diffèrent. La fonction risque s’en trouve impactée.

Le rôle d’un cabinet de recrutement est aujourd’hui d’identifier les talents capables de rassurer sur les trois points de vigilance évoqués. Mais ce n’est pas tout : il faut aussi et surtout des convictions et une vision assez solide des transformations qu’impliquent ces quatre fonctions-clés, pour que les Directions générales acceptent de les porter en interne. Sans oublier un soft skill incontournable : savoir faire preuve de pédagogie auprès des conseils d’administration pour emporter leur adhésion.