Les rétrogradations de Standard & Poor’s : objectivement motivées ou subjectives?

Les répercussions de la rétrogradation récente de la note de crédit de neuf pays membres de la Zone Euro n’affectent pas totalement les marchés. Ceux-ci l’avaient en effet anticipé puisque l’intention de l’agence Standard & Poor’s était annoncée depuis plusieurs semaines.

Plusieurs critiques à l’égard de ce déclassement se font sentir, tant par les pays rétrogradés que par leurs voisins.
Nombreux sont les analystes qui avancent que les rétrogradations sont de plus en plus subjectives et politiquement motivées. Cela est-il vrai ?
Si nous nous intéressons à la crise de 2007-2008 et au rôle déterminant qu’ont joué – ou pas – les agences de notation, nous comprenons très vite l’impact de leurs choix. Beaucoup pensent que les « Big Three » (Standard & Poor’s, Fitch et Moody’s) ont perdu de leur crédibilité auprès des investisseurs après avoir échoué en surévaluant des courtiers peu fiables. Rappelez-vous de Lehman Brothers et AIG. Jusqu’au dernier moment où elles ont demandé à être sous le statut protecteur de « faillite », ces deux banques d’affaires disposaient d’une excellente note de confiance.
Il est en outre assez intéressant d’apprendre que les représentants de Standard & Poor’s et de Moody’s ayant témoigné devant le Congrès Américain ont défendu les décisions de leurs analystes. En substance, ils ont affirmé que le plan de sauvetage de la banque d’investissement Bear Stearns leur avait également été proposé par le gouvernement fédéral. Le processus d’analyse a ainsi été remis en question mais est resté sans réponse.
Il semble que les agences de notation, toutes basées aux Etats-Unis, pourraient aujourd’hui exagérer leurs décisions concernant leur confiance dans les pays de la Zone Euro, afin de ne pas reproduire les erreurs passées. Plusieurs dirigeants européens les ont publiquement accusées d’un traitement préférentiel à l’avantage des Etats-Unis. Avec un déficit incomparable et une dette publique qui croît de manière exponentielle depuis de nombreuses années, ce n’est qu’en août dernier que la note de crédit des Etats-Unis a été déclassée. José Manuel Barroso, le Président de la Commission Européenne, a expressément déclaré que, selon lui, « il peut y avoir un biais dans les marchés quand il s’agit de l’évaluation de questions spécifiques à l’Europe. »

Le président de Chypre a, sans équivoque, été irrité par la décision de déclassement de son État, la décriant comme « totalement injuste et chargée d’arrière-pensées ». Selon lui, l’économie chypriote commençait à présenter des signes de sortie de crise et était près d’assurer ses besoins en financement avant que Standard & Poor’s ne décide de la rétrograder.
Les membres de la Commission Européenne ainsi que ceux de l’Euro groupe soulignent que les gouvernements de la Zone Euro travaillent, collectivement et singulièrement, à prendre des mesures décisives pour réformer leur économie respective, renforcer les capacités des banques et, de manière générale, prendre toutes les mesures nécessaires pour sortir l’Europe de la crise et rétablir la croissance. Cependant, selon Standard & Poor’s, ces mesures « peuvent êtres insuffisantes ». L'Allemagne déclare ainsi que « les agences de notations américaines sont de plus en plus motivées par leurs propres objectifs ».

Les précédentes tentatives de création d’une agence de notation européenne indépendante sont très probablement susceptibles d’être remises au goût du jour afin de museler les Big Three. Angela Merkel a d’ores et déjà déclaré qu’elle soutiendrait une telle initiative.
Bien que certains analystes mettent en avant que les rétrogradations ne sont que des opinions subjectives et que les investisseurs ne devraient  pas les prendre pour argent comptant, la véritable préoccupation est de savoir quel est l’impact réel de ces rétrogradations sur la situation réelle. Mohamed El-Erian, PDG de Pimco, a déclaré que ces révisions à la baisse auront un effet multicouches sur la Zone Euro, se traduisant par une réduction des flux d’investissements ainsi qu’une pression supplémentaire et plus persistante sur les marchés. En d’autres termes, cela signifie, pour les pays rétrogradés, alors même qu’ils tentent d’encourager leur croissance économique, une augmentation du coût de l’emprunt, ce qui rendra d’autant plus difficile la réduction du niveau de leur dette.