Les règles de financement des start-up ont changé

Union Square Ventures, investisseur de Del.icio.us, a constaté que les nouveaux services Web en cours de développement n'ont plus autant besoin de capital que les sociétés Internet il y a quelques années. L'effet réseau.

Dans le passé, la plupart des start-up IT financées par des fonds d'investissement avaient un parcours similaire. Il fallait entre un an et 18 mois pour amener un produit sur le marché, un an supplémentaire pour créer des réseaux de distribution et quelques années de plus pour atteindre une rentabilité solide. Les besoins en capitaux pour financer ce parcours dépendaient bien entendu du type de produit développé, mais étaient assez facilement prévisibles dans chaque secteur d'activité. Il était aussi facile, pour un fonds d'investissement, de prévoir ses encours de cash : à peu près un tiers des sociétés fournissait la plus grande partie du retour sur investissement ; un tiers était tout juste rentable ; et sur le dernier tiers vous perdiez votre chemise !

 

Si le produit ne fonctionnait pas comme prévu, l'apport en capitaux s'arrêtait après la première phase de développement. S'il fonctionnait mais qu'il n'arrivait pas à se différencier ou arrivait trop tard, l'apport en capitaux s'arrêtait après la seconde phase. Et très rarement, les fonds finançaient des entreprises qui se révélaient des échecs. Si bien que sur un portefeuille de 15 à 20 entreprises, il était relativement aisé de prévoir le cash-flow sur la durée de vie d'un fonds d'investissement.

 

Aujourd'hui c'est beaucoup plus complexe.

 

L'économie subit une transformation radicale, par la généralisation des technologies de l'information et par les connexions à Internet omniprésentes. C'est une période très excitante pour investir en amorçage dans des services Web. De très nombreuses entreprises vont être créées et seront fortement valorisées. Mais ces sociétés sont différentes. Leur rapport produits développés / capital employé  est plus important. Leur succès est souvent basé sur le réseau, plus que sur des technologies propriétaires. Résultat : il est beaucoup plus complexe de prévoir leurs besoins en financement. Et il est encore plus difficile de prévoir un cash-flow, même sur un portefeuille de 15 à 20 entreprises.

 

Del.icio.us, dans lequel Union Square Ventures avait investi, constitue un cas d'étude très intéressant. Nous avions prévu d'investir à plusieurs reprises dans Del.icio.us. Mais lorsque son fondateur a reçu une proposition de rachat attractive pendant la préparation du deuxième tour de financement, il a mis en balance la dilution du capital qu'allait provoquer le deuxième tour et la valeur future de l'entreprise et fait un choix [la société a été cédée à Yahoo, NDLR]. Il pouvait se permettre de faire un choix car Del.icio.us avait déjà démontré son intérêt à ses utilisateurs et s'était protégé contre la concurrence avec très peu d'investissements. S'il avait fallu 2 à 3 millions de dollars d'investissement avant même le lancement du produit, sa réflexion n'aurait pas du tout été la même.

 

Qu'est ce que cela implique pour une entreprise spécialisée dans l'amorçage qui s'intéresse au financement de web services ? Cela veut tout simplement que notre travail va être plus difficile. L'efficacité économique des web services implique que peu d'entrepreneurs expérimentés vont rechercher un investissement important avant de tester leurs produits sur le marché. Et si ces services deviennent des succès, leurs fondateurs peuvent choisir une vente rapide plutôt que de subir la dilution imposée par plusieurs tours de financement. Et, de l'autre côté, s'il y a quelques synergies évidentes à se rapprocher d'un portail, les fondateurs peuvent être intéressés par une opération qui leur apporte des liquidités tout en restant indépendants et en gardant une possibilité pour une sortie plus importante.