Charley Cooper (R3) "Nous envisageons l'ouverture d'un bureau en France"

La start-up américaine, qui propose des logiciels blockchain, revendique 300 clients dont 15 en France. Son COO nous en dit plus sur ses projets dans l'Hexagone.

JDN. Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est R3 ?

Charley Cooper, managing director chez R3. © R3

Charley Cooper. Initialement, R3 était un consortium blockchain de banques. On conseillait nos membres sur ce qu'était la blockchain, comment elle fonctionnait, quelles solutions pouvaient s'adapter à leurs business models… Puis, nos membres nous ont demandés de concevoir une solution pour eux car celles qui existaient sur le marché (Bitcoin, Ethereum, EOS…) n'étaient pas adaptées à leurs usages. Nous avons donc travaillé sur une plateforme et sommes devenus un éditeur de logiciels blockchain. La première plateforme que nous avons conçue s'appelle Corda, elle est open source. Elle permet à nos clients et partenaires de réaliser des transactions plus rapides et plus sécurisées en utilisant des smart contracts (des contrats qui s'exécutent automatiquement suite à des conditions définies au préalable, ndlr).

Qui utilise Corda aujourd'hui ?

Quand on a commencé à bâtir Corda, nos membres étaient exclusivement des institutions financières. Au fil du temps, on a découvert que la plateforme pouvait être utilisée par d'autres industries. Aujourd'hui, nous avons 300 clients dans de multiples secteurs comme la banque, l'assurance, la santé, le pétrole, le transport… Mais ce chiffre tend à augmenter très vite.

Pouvez-vous donner des exemples d'applications financières basées sur Corda ? 

Tout d'abord, il y a HQLAx, une solution de gestion des liquidités pour les clients institutionnels sur les marchés des prêts de titres et des opérations de pension. Elle permet notamment une meilleure fluidité des transferts. Ensuite, il y a Marco Polo, une plateforme de trade finance qui permet aux institutions financières et à leurs clients corporate de réduire les coûts et le temps des transactions commerciales. Enfin, nous avons lancé fin 2018 Corda Settler, une application qui permet à nos clients de faire des règlements via n'importe quel moyen de paiement. Nous avons annoncé fin janvier un proof of concept avec Swift. Les clients des banques membres de Swift pourront à la fois effectuer des transactions sur Corda et utiliser GPI (un service de Swift qui permet de connaître le statut en temps réel d'un paiement, ndlr).

Grâce à ce partenariat, vous devenez un concurrent de Ripple, le protocole blockchain qui permet de réaliser des paiements transfrontaliers plus rapides, transparents et traçables ?

Corda Settler a été conçu pour s'associer à n'importe moyen de paiement. Quand on l'a lancé fin 2018, la première crypto que nous avons ajouté sur la plateforme était XRP, celle liée à l'entreprise Ripple. Nous avons tenu à prendre une position agnostique. Les utilisateurs de la plateforme peuvent décider eux-mêmes quel moyen de paiement ils veulent utiliser.

Avez-vous un exemple français à partager ?

Nous avons lancé en 2018 un gros projet pilote avec quatorze entreprises françaises dont cinq institutions financières. Il s'agit d'une application sur le KYC (know your customer, ndlr). Notre but était de fournir une solution efficace et peu chère qui donne aux entreprises le contrôle total de leurs données pour traiter le KYC en temps réel.

"Nous ne ferons plus de levée de fonds car nous n'avons plus besoin d'argent"

Concrètement, les banques ont pu déposer des données sur la plateforme et pouvaient demander l'accès à des données d'une entreprise cliente tandis que les entreprises clientes pouvaient approuver ou révoquer cet accès sur la plateforme. Au total, 232 jeux de données ont été partagés aux banques via Corda.

Quel est votre business model ?

De la vente de logiciels, soit directement aux entreprises soit via des partenaires intégrateurs comme Accenture, Deloitte ou Microsoft qui conçoivent ou déploient des solutions blockchain. Concernant le prix, il varie en fonction du déploiement, des fonctionnalités, de la complexité recherchée…

Prévoyez-vous de lever des fonds ?

Non, nous ne ferons plus de levée de fonds car nous n'avons plus besoin d'argent. Notre situation financière est plutôt bonne, nous générons assez de revenus. Nous sommes en forme.

Quels sont vos objectifs pour 2019 ?

L'adoption de Corda. Qu'il soit déployé dans un environnement réel avec de vraies applications. Ces dernières années, l'adoption a été plus lente que ce que l'on pensait. Nous prévoyons aussi de recruter de façon assez agressive pour soutenir notre croissance. Nous sommes actuellement 200 personnes dans 13 pays. Nos bureaux principaux sont à New York, Londres et Singapour. Nous avons aussi des salariés basés en Allemagne, en Suisse et la plupart des pays européens.

Comptez-vous ouvrir un bureau en France ?

Nous envisageons cette possibilité parce que nous avons beaucoup de clients français et des francophones à Londres.

Que pensez-vous de l'écosystème blockchain français et européen ?

Il est impressionnant. Nous nous attendons à ce que l'écosystème européen blockchain continue à être leader mondial. Nous avons choisi de faire autant de projets et POC en Europe car l'écosystème est très bien développé et que l'environnement réglementaire est très encourageant. La France est un pays dynamique sur la blockchain, nous avons pu y mener de gros projets. De plus, le président de notre board est Frédéric Dalibard, de Natixis (coordinateur blockchain mondial pour le groupe bancaire, ndlr).

Charley Cooper est managing director chez R3 depuis août 2015. Auparavant, il était COO trading et clearing chez State Street Global Exchange. Il a également été COO à la Commodity Futures Trading Commission, l'agence fédérale américaine chargé de réguler les bourses de matières premières.