Marjan Delatinne (Ripple) "Plus de 200 institutions financières sont en production chez Ripple"

La responsable banking du système de paiement international basé sur la blockchain nous en dit plus sur sa stratégie et ses chantiers en Europe.

JDN. Pouvez-vous nous présenter Ripple ?

Marjan Delatinne, global head of banking chez Ripple. © Ripple

Marjan Delatinne. Ripple est une entreprise technologique qui propose des solutions d'envoi d'argent à l'international basées sur la blockchain. Nous avons bâti un réseau, le RippleNet, sur lequel nos clients peuvent réaliser des transferts d'argent de façon quasi instantanée, fiable et pour un prix raisonnable. Les systèmes de paiement à l'international actuels ne sont pas très rapides, ils manquent de transparence et la gestion de liquidités n'est pas optimale. En tant que global head of banking, je m'assure que nous étendons sans cesse notre réseau. Nous visons les institutions financières, que ce soit les banques ou les fournisseurs de paiement mais aussi toute entreprise qui a besoin de bénéficier de notre réseau décentralisé mondial.

Vous êtes donc un concurrent de Swift…

On nous compare beaucoup à Swift mais je peux vous assurer que nous ne faisons pas la même chose car j'ai travaillé pour Swift. Tout d'abord, Ripple est un réseau décentralisé alors que Swift ne l'est pas. Ensuite, Swift est un système de messagerie, c'est-à-dire que pour faire une transaction, une entreprise envoie en quelque sorte un email qui passe par différents intermédiaires dont des banques correspondantes, ce qui est vraiment long et coûteux. Ripple procède différemment car elle  utilise le pouvoir de la blockchain et fournit l'infrastructure de paiement en plus d'une messagerie. De plus, nous avons développé un système de pré-validation de paiement qui permet de réduire les échecs de transaction, qui sont assez fréquents chez les systèmes de paiements classiques.

Combien avez-vous de clients ?

Depuis fin 2018, plus de 200 institutions financières sont en production chez Ripple. Cela veut dire que ces entreprises sont allées au-delà du simple POC (proof of concept, ndlr). Nous avons mis deux ans pour signer les 100 premières et un an pour les 100 autres. En moyenne, nous signons environ deux à trois institutions financières par semaine.

Avez-vous des clients européens ?

Nous ne donnons pas le nombre exact de clients en Europe mais je peux vous dire que de grandes banques européennes comme Santander sont live sur le réseau et que Crédit Agricole est en POC.  L'Europe est un marché important pour nous en raison des volumes de transactions effectués chaque année. Selon l'ISAD, l'International fund for agricultural development, 150 millions de personnes dans le monde reçoivent de l'argent de personnes résidant en Europe. 

Pouvez-vous nous parler de votre projet avec Santander ?

C'était la première banque à créer une application mobile basée sur Ripple pour les paiements transfrontaliers. Elle a utilisé xCurrent, notre produit phare, qui permet de faire des transferts de monnaie fiat à monnaie fiat (euro, dollar, livre…, ndlr). Depuis avril 2018, l'application, qui s'appelle One Pay Fx, permet de réaliser des transferts d'argent à l'international le jour même ou celui d'après dans certains cas.

Elle permet également de connaître le montant exact qui sera reçu dans la devise destinataire, avant l'envoi. Pour l'instant, elle est disponible pour les clients particuliers espagnols, britanniques brésiliens et polonais. La prochaine étape est d'étendre l'application dans d'autres pays et supporter l'instant payment.

Quel est l'intérêt principal pour Santander de passer par Ripple au lieu de se mettre à l'instant payment ?

Santander fait face à l'arrivée de nouveaux entrants comme TransferWise et veut donc s'assurer qu'elle ne va pas perdre des parts de marché sur le segment des paiements à l'international. Sa présidente a été surprise par la facilité d'envoi d'argent sur Transferwise et a donc cherché la technologie qui pourrait fournir cette même expérience, voire une meilleure. C'est un scénario qu'on voit de plus en plus chez les banques traditionnelles, surtout en Europe avec l'open banking.

Vous avez évoqué le Crédit Agricole. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Nous ne pouvons pas donner plus de détails que ce que le Crédit Agricole a annoncé il y a 18 mois (des transferts des salaires en francs suisses de ses 90 000 clients frontaliers qui travaillent en Suisse, ndlr).

Avez-vous des bureaux en Europe ?

Nous avons ouvert un bureau à Londres en mars 2016 qui compte aujourd'hui 40 collaborateurs. C'est notre cœur européen. Ce choix est assez évident car Londres est une des places financières les plus importantes au monde. Dans la zone EMEA, nous avons aussi un bureau à Dubaï. Nous recrutons massivement pour supporter notre base de clients en Europe.

Avez-vous prévu d'ouvrir d'autres bureaux en Europe, notamment en raison du Brexit ?

Il y a encore des incertitudes sur le dénouement du Brexit. Nous allons attendre de voir comment la situation va évoluer. Être basé seulement à Londres ne pose pas de problème, même si nous couvrons de plus en plus de pays.   

Travaillez-vous avec d'autres acteurs français ?

Nous sommes en discussion avec différentes institutions financières françaises, mais nous ne pouvons pas donner les noms.

Vous avez assisté à la première édition du Paris Blockchain Week Summit en avril dernier. Qu'en avez-vous pensé ?

C'était très intéressant. Le but principal d'un tel événement est de rassembler les gens pertinents du secteur afin de réaliser des échanges productifs. Je pense que cet objectif a été atteint pendant ces deux jours. J'ai pu rencontrer des leaders pertinents du secteur de différents milieux comme eToro (plateforme de trading, ndlr), Binance, le projet blockchain Tezos… J'ai beaucoup apprécié le fait que ce ne soit pas un événement centré sur la France mais ouvert à l'international. La loi Pacte votée juste avant l'événement (au Sénat, ndlr) a envoyé un signal fort aux entreprises que le marché français est attractif. Il y a désormais un cadre réglementaire clair.

Marjan Delatinne est global head of banking chez Ripple depuis janvier 2018. Avant de rentrer dans le monde de la blockchain, elle a passé près de neuf ans chez Swift où elle a occupé différents postes de commerciale. De novembre 2015 à décembre 2016, elle a pris la direction commercial de Swift GPI, un service qui permet aux clients des banques d'effectuer des paiements transfrontaliers plus transparents et traçables.