Vers un monde financier sans intermédiaire

La blockchain représente une alternative aux systèmes financiers traditionnels et, avec l’émergence des crypto-monnaies, un accès universel au système d’échange.

On appelle l’intermédiation le procédé par lequel un agent se place en interface entre deux individus, par exemple un acheteur et un vendeur. Le terme est souvent employé dans l’écosystème bancaire, car les systèmes financiers modernes (notamment en Europe) reposent sur ce principe : ce sont les banques, les assurances, les sociétés d’investissement. En tant que tiers de confiance, ces intermédiaires peuvent prendre en charge la tenue des comptes bancaires, gérer les outils de paiement et arbitrer d’éventuels conflits. Leur position centrale dans l’écosystème financier leur permet donc de mettre en relation des acheteurs et des vendeurs ou encore d’agréger des informations provenant de sources diverses pour fournir des produits ou services adaptés.

La désintermédiation : un tournant financier

La crise de 2008 a eu pour conséquence indirecte l’apparition d’un phénomène économique nouveau dans l’horizon bancaire. C’est la désintermédiation, qui se traduit par la réduction du rôle de ces intermédiaires dans le circuit de distribution financier. Ce phénomène est accentué par l’émergence des blockchains et l’adoption de monnaies digitales. En effet, depuis une dizaine d’années, avec le bitcoin et les autres crypto-monnaies, de nouveaux procédés d’échange émergent, qui redessinent le circuit de la transmission de valeur.

Le rôle des intermédiaires financiers traditionnels est affecté par cette mutation structurelle. Traditionnellement, ceux-ci se placent en centralisateur et déséquilibrent de fait considérablement l’accès aux informations. À l’inverse, les blockchains sont, elles, fondées sur le principe de décentralisation ; impliquant que les informations sont accessibles à l’ensemble du réseau. Il n’est donc plus nécessaire de faire appel à un intermédiaire pour des requêtes telles qu’obtenir la preuve d’origine des fonds, les titres de propriété ou retracer l’historique des transactions.

Blockchains : l’émergence d’une finance décentralisée

Les services tels que la tenue de comptes, la conservation de l’épargne ou la gestion des transferts d’argent sont rendus obsolètes par cette nouvelle technologie. Au sein des blockchains, les tâches de vérification et de validation sont réparties au sein du réseau sécurisé, ce qui lui permet de se garantir contre les tentatives frauduleuses. De plus, les registres sont mis à jour et rendus disponibles à chaque fois qu’une transaction est validée.

Une autre fonction remise en cause par l’émergence de cette technologie est bel et bien celle de la médiation, jusqu’ici notamment assurée par les assureurs et les notaires, dont le rôle est d’incarner objectivité et impartialité. Grâce aux blockchains, il est désormais possible de gérer soi-même les modalités d’un contrat à travers l’utilisation de contrats intelligents (smart contract). Ce sont des programmes informatiques dans lesquels plusieurs individus inscrivent les termes d’un contrat. Une fois lancé, ce programme exécute automatiquement les termes prédéfinis, sans pouvoir être modifié a posteriori par l’une des parties. Le rôle de médiateur peut donc être incarné par l’exécution d’un code informatique, plutôt que par un agent susceptible d’être influencé.

La désintermédiation : une alternative au système bancaire traditionnel ?

Il ne s’agit là que d’exemples de désintermédiations possibles avec la blockchain. Cette technologie n’est encore qu’à ses premiers stades, mais nombreuses sont les entreprises qui explorent de nouvelles applications, et il est probable que des axes de désintermédiation encore inconnus soient développés dans un avenir proche. Les avantages économiques résultants de ce nouveau procédé sont évidents ; les particuliers n’ayant plus à payer un intermédiaire pour un service désormais accessible à travers une blockchain. On peut sans doute anticiper que les acteurs traditionnels seront contraints d’adapter leur modèle de rémunération pour intégrer ces nouvelles technologies, ce qui aboutira à une réduction des coûts pour les particuliers et une redistribution des gains au profit d’acteurs plus innovants.

Mais par-delà l’aspect économique, le développement des blockchains est aussi une alternative pour ceux qui n’ont pas accès au système bancaire traditionnel. C’est par exemple ce que pourrait permettre Libra, la future crypto-monnaie lancée par le géant américain Facebook, qui fait beaucoup parler d’elle. Avec cette monnaie virtuelle, Facebook vise à donner un pouvoir d’achat international aux habitants de pays soumis à des contrôles drastiques en matière de change de devise et de commerce en ligne. Aujourd’hui, 1,6 milliard d’adultes restent en marge du système bancaire : avec Libra, Facebook a l’ambition de créer le plus grand marché virtuel au monde, avec 2,4 milliards d’utilisateurs potentiels.

Souvent décrié pour son aspect volatil, l’écosystème des monnaies numériques s’est consolidé depuis l’éclatement de la bulle spéculative de janvier 2018. Aujourd’hui, les agences de réglementation autorisent progressivement les investissements en crypto-monnaies. Un Gafam qui lance sa crypto-monnaie est donc un signal fort pour l’adoption massive de cette nouvelle classe d’actif, qui participe à une économie de plus en plus désintermédiée.