GCollect, Moment, Rubypayeur et Upflow : 4 pépites françaises contre les impayés

GCollect, Moment, Rubypayeur et Upflow : 4 pépites françaises contre les impayés Assurance de facture, marketplace de recouvrement, gestion de factures avec paiement… Avec ces nouvelles solutions, les fintech françaises attaquent un marché de plusieurs milliards d'euros.

Chaque année, près de 56 milliards d'euros de créances ne sont pas acquittées en France, d'après le syndicat national des cabinets de recouvrement de créances de renseignements commerciaux (ANCR). Et seulement 1,5 milliard sont finalement recouvrés par les 600 cabinets spécialisées français. Il existe donc un énorme marché à prendre, que souhaite s'accaparer une nouvelle vague de fintech spécialisées. Chacune à leur façon.

A première vue, Rubypayeur est un énième cabinet de recouvrement en ligne. Mais cette start-up lancée en janvier 2019 se démarque sur plusieurs points. Tout d'abord, elle s'est spécialisée dans le recouvrement de créances de moins de 1 000 euros, qui n'est pas pratiqué par les cabinets classiques car trop coûteux. Surtout, la jeune pousse pratique le "name and shame", un principe assez controversé visant à dénoncer les mauvais payeurs mais qui fait partie de la loi Pacte. Désormais, les entreprises sanctionnées pour des retards de paiement ont l'obligation de faire publier cette sanction à leurs frais dans la presse locale.

"Ce n'est pas un mur des sorcières avec une liste d'entreprises qui ne paient pas mais un moteur de recherche"

Chez Rubypayeur, les mauvais payeurs sont affichés sur le site. Si un débiteur ne régularise pas sa situation sans pour autant la contester, son retard de paiement est signalé sur la plateforme Rubypayeur dans un moteur de recherche maison qui référence 11 millions d'établissements français (via l'API Siren). Et ce, peu importe la raison du non-paiement de la facture. "Nous ne sommes pas là pour être juge mais pour se baser sur des faits. Ce n'est pas un mur des sorcières avec une liste d'entreprises qui ne paient pas mais un moteur de recherche", se défend Alexandre Bardin, fondateur de la fintech, qui compte 600 clients, majoritairement des petites entreprises et des freelances. Plus de 75% des factures confiées sont payées en moins de 20 jours dans le cadre de la procédure de recouvrement à l'amiable (recommandé électronique, emails avec lien de paiement...), qui précède la procédure judiciaire, plus coûteuse. 

Du recouvrement en mode marketplace 

A l'opposé, Rubypayeur a aussi mis en place du "name and fame", avec un label et une charte délivrée aux entreprises qui paient en temps et en heure. "Elles peuvent ainsi rassurer l'ensemble des parties prenantes et attirer des prospects", souligne Alexandre Bardin. L'obtention de ce label ne fait pas l'objet d'un audit. "C'est impossible à gérer car c'est du déclaratif. Mais si une entreprise labelisée ne paie pas un client, elle perd la labelisation", explique le dirigeant. 

Pour se rémunérer, la start-up prélève une commission comprise entre 5% et 10% de la facture (avec facturation au succès) alors que les cabinets de recouvrement prélèvent entre 10 et 20%. Si la procédure à l'amiable ne donne pas de résultat, le débiteur peut aller en procédure judiciaire et Rubypayeur prend alors 149 euros pour une injonction à payer, ce qui est le prix du marché. "Mais on ne mise pas dessus", précise le fondateur puisque très peu d'entreprises vont jusqu'à ce stade. La fintech tire aussi des revenus de la labelisation, avec un abonnement mensuel de 19,99 euros HT (la moitié de ses clients sont labelisés). Rubypayeur souhaite traiter 10 dossiers de recouvrement par jour en 2020en 2020 contre deux aujourd'hui. Elle prépare une levée de fonds pour le début de l'année de 750 000 euros, qui lui permettra de développer une API pour se connecter notamment à des logiciels de facturation.

"J'ai déjà retiré des prestataires qui ne faisaient pas le travail ou qui faisaient du recouvrement judiciaire très rapidement"

 

Autre fintech du recouvrement, GCollect se place au-dessus de Rubypayeur et ses concurrents, en proposant une marketplace de recouvrement, qui met en relation les professionnels du secteur (cabinets, huissiers) avec les entreprises qui réclament d'être payées. GCollect calcule l'honoraire de recouvrement le plus compétitif en fonction de 40 paramètres (volume des factures,taille de l'entreprise...). Elle a mis en place un système de rotation de créances. Si la facture n'est pas encaissée dans "x jours", elle basculera chez un autre prestataire pour multiplier les chances de recouvrement.

Last but not least, les professionnels du recouvrement sont notés par les entreprises. "Nous ne voulons que les meilleurs. J'ai déjà retiré des prestataires qui ne faisaient pas le travail ou qui faisaient du recouvrement judiciaire très rapidement", raconte Fabrice Develay, patron de GCollect. La marketplace compte une vingtaine de professionnels du recouvrement qui paient 490 euros par an pour apparaître sur la plateforme. Les entreprises peuvent opter pour un abonnement freemium qui permet de déposer ses factures de façon illimitée et Gcollect prélève 5% de la somme recouvrée. Si elles choisissent le modèle premium (249 euros par an), la commission s'élève à 2,5%. La jeune société a développé une API, notamment utilisée par la néobanque pour PME Anytime, et prépare une application pour le premier trimestre 2020. 

S'assurer contre les impayés 

Dans la famille des start-up qui se battent contre les impayés, il y a aussi les traditionnels logiciels de relance client historiques et les nouveaux, comme Upflow. Cette jeune pousse issue du start-up studio d'eFounders a fait parler d'elle suite à sa levée de fonds en seed de 2,5 millions d'euros en septembre 2019. Elle propose une solution de suivi de factures qui va de la relance classique (automatisée, personnalisée…) jusqu'au paiement, ce qui n'est pas le cas de tous les logiciels. "Upflow récupère la facture, gère le workflow, s'occupe des relances et proposent ensuite le paiement le plus adapté pour que le débiteur soit payé le plus rapidement possible", explique Alexandre Louisy, CEO d'Upflow. Pour ce faire, elle a le statut d'agent de paiement via la plateforme Treezor. Aujourd'hui, la jeune pousse compte une centaine de clients qui ont vu chuter de 20% leurs délais de paiement, selon elle. Elle a noué des partenariats avec des logiciels renommés comme Sellsy (CRM) et Quickbooks (facturation). Un abonnement mensuel compris entre 200 et 600 euros et sans engagement est facturé aux clients. En 2019, Upflow a encaissé 500 millions d'euros.

La start-up Moment est la benjamine de cette famille puisqu'elle s'est lancée fin octobre 2019. Ce courtier propose une assurance contre les retards de paiement pour les TPE-PME. Une entreprise peut souscrire à l'assurance jusqu'à 10 jours avant la date d'échéance. Par exemple, si l'échéance de la facture est au 30 janvier, elle peut assurer sa facture jusqu'au 20 janvier. Le 30 janvier, un bouton "payez-moi" apparaît sur le tableau de bord et l'entreprise reçoit 90% de la somme tout de suite puis Moment se charge de la relance par mail. "Environ 35% des créanciers paient pendant la phase de relance à l'amiable", précise Raphaël Kakon, patron de Moment. Si le créancier ne paie pas au bout de 60 jours, c'est le partenaire de Moment, Euler Hermès (qui est aussi actionnaire), qui s'occupe des relances. Si l'argent est récupéré, Moment verse les 10% restant au client.

Moment prélève une commission fixe de 2% du montant de la facture. "On a mesuré que les entreprises gagnent 19 jours de trésorerie par facture assurée", souligne Raphaël Kakon, qui vise des TPE-PME avec des charges fixes incompressibles et qui n'ont pas de modèles récurrents. En décembre 2019, Moment a atteint 1 million d'euros de factures assurées. Comme la majorité des acteurs du secteur, la start-up va développer des partenariats avec des éditeurs de logiciels de facturation et de comptabilité en 2020. Autre chantier prévu : une API qui permettra à une entreprise de savoir si un acheteur a des chances de payer en retard. Si le risque est élevé, il pourra alors s'assurer. Et se rassurer.