Renaud Laplanche (Upgrade) "Upgrade est rentable depuis décembre 2019"

Le patron français de la plateforme US de prêts personnels nous en dit plus sur sa nouvelle carte bancaire et son futur compte courant, à l'occasion du Paris Fintech Forum 2020.

JDN. Après les prêts personnels pour refinancer les encours de carte de crédit aux Etats-Unis, vous avez lancé une carte bancaire en octobre dernier. Quel premier bilan tirez-vous ?

Renaud Laplanche, CEO d'Upgrade. © Upgrade

Renaud Laplanche. Nous avons octroyé un million de dollars de lignes de crédit en octobre, 7 millions en novembre et 13 millions en décembre. Le but est d'atteindre un milliard de dollars d'encours de carte cette année. Nous sommes très fiers de cette carte, qui est unique sur le marché. Elle peut être utilisée pour des paiements chez tous les commerçants car c'est une carte Visa. Et elle est associée à une ligne de crédit. A la fin du mois, l'encours de crédit se transforme en prêt personnel avec un amortissement linéaire qui oblige le consommateur à rembourser le montant total sur un, deux ou trois ans. C'est un taux fixe avec des paiements mensuels fixes qui permettent de le budgéter. Le taux dépend des qualités de crédit de la personne. La carte Upgrade commence à 6,5%. A titre de comparaison, les taux moyens aux Etats-Unis commencent à 12-13%. L'Apple Card commence à 13%.

L'Apple Card est accusée d'être sexiste. Est-ce le cas de celle d'Upgrade ?

Non (rires) ! Mais nous vérifions régulièrement qu'il n'y ait pas de biais dans l'algorithme. Nous comparons les taux entre hommes et femmes mais aussi entre origines ethniques, par exemple.

Plus sérieusement… Où en est Upgrade ? Combien de prêts avez-vous octroyés depuis le lancement en avril 2017 ?

Nous avons atteint 2,5 milliards de dollars de prêts fin 2019. Le but est de faire 2 milliards sur 2020. Nous avons aujourd'hui 250 000 clients. L'âge moyen de nos clients est de 42 ans, ce qui représente l'âge moyen de la population américaine. Nous avons des clients dans les 47 Etats où nous avons des licences. Le revenu moyen d'un client Upgrade est de 90 000 dollars par an, soit deux fois et demi plus que la moyenne du pays. Nos clients sont donc des gens qui ont beaucoup recours au crédit mais qui ont les moyens de faire des remboursements mensuels.

En septembre 2018, vous aviez indiqué au JDN un objectif de rentabilité en 2019. Objectif atteint ?

Oui, nous sommes rentables depuis décembre 2019. Ce qui nous a notamment permis d'être bénéficiaire, c'est de ne pas avoir trop augmenté les effectifs. On est environ 300 personnes réparties entre trois bureaux (ils étaient 300 en septembre 2018, ndlr) : le siège social à San Francisco compte une centaine de collaborateurs, 160 personnes en charge des opérations sont basées à Phoenix et 35 ingénieurs sont à Montréal. Il y a également quelques personnes à Chicago. Nous avons aussi beaucoup investi dans des systèmes qui permettent de réaliser le processing des prêts de manière plus automatisée qu'auparavant.

Avez-vous prévu de rester rentable ou de procéder à une nouvelle levée de fonds ?

Cela dépend de la vitesse à laquelle on veut développer de nouveaux produits mais on pense rester rentable. Ce n'est pas impossible de faire une levée de fonds mais elle sera uniquement dédiée à développer de nouveaux produits. La partie prêt et carte restera bénéficiaire car elle n'aura pas besoin de ressources supplémentaires.

Quid d'une entrée en bourse ?

 Avec Lending Club (son ancienne société dont il avait été évincé de la direction pour conflit d'intérêts et non-respect des règles de fonctionnement interne, ndlr), on a probablement fait notre IPO un peu trop tôt dans la phase d'avancement de la société. Je pense qu'avec Upgrade, on fera sûrement une IPO plus tard à un moment où on aura un niveau de maturité plus avancé et quand on aura davantage de produits. 

Vous lancerez un compte courant en 2020. Pouvez-vous nous en dire plus ?

C'est un compte courant gratuit et sans frais de retrait. Si le client fait un virement automatique de son salaire sur le compte, il aura un taux d'intérêt plus faible sur ses crédits. De notre côté, cela nous permet de vérifier la provenance et la régularité de son salaire, ce qui diminue le risque. Le compte aura aussi un système de cashback associé à la carte Upgrade. Sur la partie carte de débit, le consommateur pourra recevoir entre 1 et 2% de remise sur le montant de ses achats. Aux Etats-Unis, il y a très peu de cashback sur les cartes de débit car les taux d'interchange sont plus faibles sur les cartes de débit que de crédit. Les banques encouragent donc les consommateurs à utiliser des cartes de crédit. Sur la partie carte de crédit, il y aura un cashback de 1% quand le consommateur paiera sa mensualité. Chaque mois, il paiera 99% de son solde. Et nous paierons le pourcentage qui reste. Nous espérons ouvrir un million de comptes Upgrade un an après le lancement.

La carte Upgrade sera à la fois une carte de débit et de crédit ?

Ce sera la même carte associée à une application qui permettra de passer de crédit à débit. Le consommateur pourra établir ses propres règles. Par exemple pour toute dépense de moins 50 euros, le montant pourra être prélevé sur la carte de débit et au-delà sur la carte de crédit.

Quels sont vos autres chantiers pour 2020 ? 

Nous allons proposer une version sécurisée de la carte Upgrade pour ceux qui n'ont pas les qualités de crédit requises (une carte de crédit sécurisée permet d'obtenir une ligne de crédit égale au montant d'un dépôt de garantie, ndlr). Ils pourront utiliser une partie des fonds sur leur compte bancaire pour sécuriser une carte. Par exemple, si une personne a déposé 2 000 dollars sur son compte, elle peut affecter 500 dollars sur un compte qui permet d'émettre une carte Upgrade sécurisée. Ainsi, Upgrade ne prend pas de risque. Et cela permet de construire un historique de crédit, ce qui est super pour les étudiants ou les immigrés qui viennent d'arriver dans le pays. Quand le consommateur effectue un paiement mensuel, cela augmente son score de crédit.

Tout le monde pourra donc avoir une carte Upgrade ?

Tout à fait. Un peu comme Ford dont le rêve était d'avoir une voiture pour chaque Américain. On refuse beaucoup de clients sur l'offre de crédit. Avec la carte sécurisée, on espère diminuer la part de clients qui ont des revenus élevés et accepter plus de clients. On essaie d'être plus utile pour un maximum de personnes.