Banque et digital : accélèrera ou n'accélèrera pas ?

Banque et digital : accélèrera ou n'accélèrera pas ? Avec le confinement, de nombreux acteurs bancaires français ont décidé d'avancer sur leurs projets numériques. Mais pas dans toutes leurs branches.

Contrairement à de nombreux commerces de proximité ouverts pendant le confinement, les banques n'ont pas connu de longues files d'attente devant leurs agences. Plusieurs explications à cela : certaines ont seulement accueilli les clients ayant pris des rendez-vous au préalable, d'autres ont tout bonnement fermé leurs agences au public. Surtout, la majorité des opérations bancaires peuvent aujourd'hui s'effectuer à distance, pour un besoin quotidien comme pour un besoin ponctuel tel la contraction d'un crédit immobilier. Pendant le confinement, les consommateurs, même les plus réticents, sont donc massivement passés par les espaces en ligne de leurs banques.

"Depuis le début de la crise, nous constatons une accélération de l'utilisation de la banque à distance pour effectuer un certain nombre d'opérations en selfcare. Nous avons par exemple eu plus de 30% de demandes de mot de passe en plus et une augmentation de plus de 80% d'échanges sur notre chatbot Telmi", indique Céline Ansquer, directrice marketing et digital retail de la banque de détail en France chez BNP Paribas. Chez Crédit du Nord, habituellement 40% des dossiers de prêt personnel sont signés électroniquement. Depuis la crise, ce chiffre est monté à 60-65%.  

"Nous étions en négociation avec des banques depuis près de huit mois et avec le confinement, nous avons eu des accords immédiats"

Globalement, les établissements bancaires ont accéléré la numérisation de leur offre ces dernières semaines. "Nous avons doublé le nombre de contrats signés ces trois derniers mois, comparés à ceux de l'année dernière", se réjouit Steve Fogue, CEO de Particeep, société spécialisée dans la commercialisation de produits et services financiers en ligne. "Nous étions en négociation avec des clients et prospects depuis près de huit mois et avec le confinement, nous avons eu des accords immédiats et décroché des contrats. Ils se sont rendus compte que ça allait être plus compliqué de ne pas proposer certaines offres en ligne même avec le déconfinement", ajoute-t-il. La start-up a aussi enregistré une hausse de 50% de demandes de démo depuis le confinement. "Quand ça touche au PNB (produit net bancaire, le chiffre d'affaires d'une banque, ndlr), les décisions peuvent être prises très rapidement. Aujourd'hui, certains clients nous demandent de livrer au plus vite", raconte Steve Fogue. 

De l'ouverture de compte à la signature électronique

Particeep a par exemple signé plusieurs contrats pour digitaliser les garanties d'assurance hospitalisation, essentiel en temps de crise sanitaire. La fintech a également permis au Crédit Agricole Brie Picardie de déployer une solution d'ouverture de compte en ligne. Auparavant, il fallait toujours prendre rendez-vous avec un conseiller en agence. Cette situation peut paraître ubuesque alors que la majorité des banques permettent d'ouvrir un compte en ligne mais "les plus petites banques n'en sont pas au même niveau que les grandes", atteste Steve Fogue.

Les grandes banques sont plutôt bien outillées sur la banque au quotidien. Et la crise leur a donné raison. "Cette période conforte la trajectoire que nous avions de poursuivre cette digitalisation et mettre à disposition encore davantage des parcours omnicanaux, c'est-à-dire donner la capacité aux clients de naviguer entre les différents canaux à leur convenance. Nous poursuivons dans cette direction", souligne Céline Ansquer. 

"Crédit du Nord accélère pour proposer des offres promotionnelles sur l'e-commerce, par exemple"

Au Crédit Nord, on accélère le déploiement de la signature électronique, indispensable pour qu'une offre soit complètement digitale. Par exemple, la signature électronique sur les prêts immobiliers sera opérationnelle fin 2020, au lieu de courant 2021. La "pochette numérique", sorte de coffre-fort dans lequel le client rassemblera tous ses documents financiers, sera aussi disponible à la fin de l'année. Autre chantier important : l'open banking, ou l'ouverture des données bancaires à des acteurs tiers. "Nous déployons peu à peu une nouvelle vitrine digitale pour les neuf banques du groupe Crédit du Nord, où nous proposerons des offres rigoureusement choisies. Nous accélérons pour proposer des offres promotionnelles sur l'e-commerce, par exemple", illustre Ludovic Van de Voorde, directeur retail, paiements et innovation chez groupe Crédit du Nord. 

Pas d'avancées sur la branche professionnels

Ces accélérations ne sont pas uniformes dans la banque. La clientèle professionnelle n'a pas autant de choix digitaux que les particuliers. "Nos clients professionnels plébiscitent davantage la rencontre avec leur conseiller que les particuliers.", assure Ludovic Van de Voorde. Aucune nouveauté prévue de ce côté, sauf pour les fervents adeptes du tout digital. Crédit du Nord prépare le lancement de Prismea, une banque en ligne dédiée aux professionnels, actuellement en tests, et qui devrait être généralisée en septembre prochain. Son lancement a d'ailleurs été un peu décalé en raison du confinement. Chez BNP Paribas, pas d'accélération du calendrier non plus pour les pro. La banque de la rue d'Antin planche sur un coach financier pour la gestion du quotidien (prévisionnel de trésorerie, création et relance de devis/factures, pilotage du résultat d'activité et catégorisation des opérations bancaires…). Mais aucune deadline n'est précisée. 

Un outil pour les professionnels aurait d'ailleurs bien eu besoin du numérique : le Prêt garanti par l'Etat (PGE). Particeep a proposé à Bpifrance et au gouvernement une solution qui permet d'accélérer l'octroi de PGE. A ce jour, les entreprises doivent échanger une série de mails avec leur conseiller, leur envoyer des tonnes de documents… Sans compter le temps nécessaire pour analyser un dossier. La solution de Particeep permettrait à chaque banque de pouvoir intégrer, en fonction des cas, les documents à télécharger, proposer un parcours complètement en ligne, et indiquer en temps réel si une entreprise est éligible ou pas au PGE. A ce jour, la start-up n'a pas eu de retour des autorités.