Appel à candidature euro digital : des banques retenues et des start-up déçues

Appel à candidature euro digital : des banques retenues et des start-up déçues La Banque de France, qui a lancé en mars dernier un appel à candidature pour mener des expérimentations sur une monnaie digitale de banque centrale, a retenu huit candidats.

Ils sont finalement huit. Suite à un appel à candidature lancé en mars dernier pour mener des expérimentations de monnaie digitale de banque centrale, la Banque de France a retenu huit candidats sur un maximum de dix. Tous ont travaillé sur au moins l'un des trois cas d'usage requis : le paiement en monnaie centrale contre livraison d'instruments financiers cotés ou non cotés, le paiement en monnaie centrale contre monnaie digitale d'une autre banque centrale et le paiement en monnaie centrale contre actifs numériques. Sans grande surprise, on retrouve des acteurs spécialisés dans la blockchain et des banques. Les heureux élus sont Accenture, Euroclear, HSBC, Iznes (start-up blockchain), LiquidShare (projet blockchain cocréé par plusieurs acteurs financiers et institutionnels), ProsperUS (start-up blockchain), Seba Bank (crypto-banque suisse) et Société Générale Forge. Le nom de Société Générale était très attendu puisque la banque française est bien avancée sur le sujet de la tokenisation des actifs financiers. Elle a déjà réalisé deux émissions de security tokens (titres financiers sur la blockchain) : une première de 100 millions d'euros en avril 2019 et une deuxième de 40 millions d'euros en mai dernier.

BNP Paribas, Crédit Agricole et Société Générale font partie des élus

BNP Paribas et Crédit Agricole font aussi partie de la liste puisqu'ils sont actionnaires du projet LiquidShare. La banque mutualiste est également présente via deux autres candidatures, selon nos informations. Les huit noms communiqués par la Banque de France sont en fait des chefs de file, qui ont travaillé avec d'autres petits ou grands acteurs sur leur candidature. Une sorte de consortium, comme il est courant d'en rencontrer dans le monde de la blockchain. Contactée, la Banque de France ne compte pas diffuser tous les noms ni la nature des projets. D'après nos informations, Société Générale Forge s'est notamment associée à l'américain ConsenSys, Nomadic Labs (le laboratoire de R&D de la blockchain Tezos,) Ledger ou encore l'exchange LGO. Ces derniers ne pouvaient de toute façon pas postuler seuls car un des critères d'éligibilité consistait à détenir des agréments bancaires spécifiques.

L'absence de petits candidats

Certains noms retenus peuvent en revanche surprendre à l'image d'Accenture, mais le cabinet de conseil a racheté en 2017 Octo Technology, spécialisé dans l'IT et qui a développé une expertise en blockhain ces dernières années. Nul doute qu'il se soit allié avec une institution financière pour pouvoir proposer sa candidature.

L'écosystème blockchain et crypto français est de son côté assez déçu de cette sélection du fait qu'elles en soient exclues. En plus de devoir s'allier à un acteur bancaire, il fallait aussi prévoir un certain budget. Les expérimentions ne seront pas rémunérées et tous les déplacements liés à celles-ci sont à la charge des candidats, comme il était spécifié dans l'appel à candidature. "Les conditions de cet appel à candidatures n'était pas très fairplay. Il n'y avait aucune contrepartie", estime Vidal Chriqui, fondateur de la start-up blockhain BTU Protocol. "Quand on a vu que c'était du bénévolat, cela nous a refroidi", renchérit Clément Jeanneau, cofondateur du cabinet spécialisé Blockchain Partner.

"Quand on a vu que c'était du bénévolat, cela nous a refroidi"

"Déjà avant la crise ce n'était pas envisageable, mais maintenant c'est encore pire. Sans compter que ces expérimentations n'ont pas vocation à être mises en production mais uniquement à nourrir des réflexions", ajoute un autre entrepreneur du secteur. En effet, la réalisation de l'expérimentation "n'implique nullement le déploiement ultérieur de la solution expérimentée", précise la Banque de France. Même un partenariat avec un "grand" candidat n'a pas tenté de nombreuses pépites françaises de la blockchain. "Nous avons hésité à rejoindre d'autres acteurs mais cela allait nous demander beaucoup de temps pour in fine pas grand-chose", confie Mark Kepeneghian, CEO de la jeune pousse Kriptown. "Le vrai problème est que c'est trop politique pour nous. On s'essoufflerait à parler avec tous ces acteurs", complète Clément Francomme, CEO de la start-up Utocat.

Le sujet de la monnaie digitale n'est évidemment pas franco-français mais européen. Les expérimentations serviront à contribuer "à la réflexion plus globale conduite par l'Eurosystème sur l'intérêt d'une monnaie digitale de banque", précise la Banque de France dans un communiqué. Quant au calendrier de ces tests, rien n'est précisé à part qu'il s'agit d'une affaire de plusieurs mois.