SoftPOS : le smartphone, nouveau terminal de paiement ?

Le SoftPOS, solution qui permet au commerçant d'utiliser son smartphone pour accepter les paiements de ses clients, a vocation à compléter les offres de terminaux de paiement.

Voilà plusieurs années que les technophiles ont commencé à utiliser les principaux wallets mobiles tels que Apple Pay, Google Pay et Samsung Pay. Sous l’effet de la Covid-19, de nouveaux adeptes ont rejoint leurs rangs, alors qu’un nombre croissant de consommateurs privilégient les transactions sans contact en magasin.

Il est donc désormais notoire que les smartphones peuvent être utilisés comme moyen de paiement grâce au protocole Near Field Communication (NFC). Mais un certain nombre de gros titres à destination de la communauté des services financiers ont récemment mis en lumière un nouveau cas d'usage : la possibilité d'utiliser un smartphone en mode " lecteur ", tel un terminal de paiement sans contact. Et pour l'activer, il suffirait aux utilisateurs de télécharger une application "SoftPOS".

Bien que les déploiements n'en soient encore qu'à leurs balbutiements, la perspective d'une technologie portée par le smartphone semble attrayante pour adresser les entrepreneurs non équipés. Certains observateurs anticipent même un changement de plus grande envergure sur le marché des solutions d'acceptation de paiement. Nous vous proposons de regarder de plus près.

Que signifie SoftPOS ?

Un SoftPOS désigne une solution logicielle, sous la forme d’une application mobile, permettant aux particuliers d'accepter des paiements sans contact, à partir de cartes ou de e-wallets NFC, sur leur smartphone personnel, sans avoir besoin de matériel supplémentaire. 

Puisque nous traitons de la terminologie POS (Point-of-Sale), apportons des clarifications supplémentaires. Le SoftPOS ne doit pas être confondu avec :

Le POS Mobile, également appelé mPOS, qui désigne un terminal de paiement compact et sans fil.

Le POS Android, qui est le nom communément attribué aux appareils professionnels au format proche d’un smartphone, supportant différentes applications commerciales (ex. gestion des commandes, des stocks, paiement).

Une application SoftPOS peut être installée sur n'importe quel smartphone grand public, aux côtés d'autres applis. L'appareil n'est généralement pas destiné exclusivement à un usage professionnel, ces solutions ciblant en priorité les freelances.

Qui sont les principaux promoteurs du SoftPOS ?

Bien que les fondations technologiques du SoftPOS existent depuis plus de dix ans, les déploiements sur le terrain ont été réalisés sur les trois dernières années. L’adoption massive des méthodes de paiement sans contact était en effet une condition préalable à la mise en place de solutions SoftPOS.

Les réseaux de paiement sont probablement les plus ardents promoteurs du SoftPOS, y voyant l’opportunité d'enrôler des millions de micro-marchands, et ont fait grand bruit d’une série d'initiatives. Visa a publié des normes de certification et lancé un nouveau programme Tap to Phone en octobre 2020. Le 1er réseau mondial a également contribué à l’un des tout premiers pilotes avec Samsung et Fiserv, et a investi dans la société de développement de logiciels Magic Cube. Mastercard a annoncé mi-2020 un pilote en Inde avec Axis Bank et Worldline. Plus tard, début 2021, Mastercard a introduit son système Cloud POS et des SDK pré-certifiés afin de renforcer la sécurité du logiciel d'acceptation, avec une première mise en œuvre de la technologie aux côtés de CEG, NMI et Global Payments. Les réseaux de paiement ont un réel intérêt à encourager les déploiements SoftPOS en mettant des boîtes à outils à disposition des développeurs, en subventionnant et en faisant la promotion des 1ers pilotes ; le tout dans le but d’augmenter continuellement le nombre de transactions qu'ils traitent dans les régions sous-équipées et reposant sur une économie monétaire.

En parallèle, l'acquisition de Mobeewave par Apple en juillet 2020, pour un montant de 100 millions de dollars, a été perçue comme un potentiel catalyseur ; la firme de Cupertino aurait-elle pour projet de  renforcer son activité dans les paiements à l’échelle mondiale, en concurrençant Square et d’autres PSPs de premier plan ? Il est à noter que l'un des principaux rivaux d'Apple, Samsung, avait annoncé seulement 6 mois plus tôt un partenariat avec Mobeewave combiné à un investissement de sa branche VC dans la start-up. En en faisant l'acquisition, Apple s'est assuré de ne pas être à la traîne.

Enfin, de grandes banques acquéreur, comme BBVA, ou plus récemment le Crédit Agricole du Languedoc, testent le concept, mais aucun lancement commercial de solution SoftPOS n'a encore été annoncé.

Y a-t-il des limites à la technologie SoftPOS ?

Le SoftPOS pourrait être un accélérateur pour étendre l'inclusion financière dans les économies en développement et répondre aux ambitions des gouvernements de réduire les flux d'argent liquide. Toutefois, l'histoire de cette technologie est relativement récente, comme en témoignent les événements mentionnés précédemment. Les volumes de transactions et la base d’utilisateurs correspondent encore à une échelle pilote. Les spécifications vont continuer d'évoluer à mesure que la sécurité logicielle sera renforcée. Un écosystème complet et un modèle commercial doivent encore émerger.

Il est également important de rappeler que le SoftPOS n’est pas une solution universelle. La technologie ne peut être utilisée aujourd’hui que sur la dernière génération de smartphones Android, et non sur les iPhones. Alors que les terminaux de paiement doivent répondre aux standards EMV en termes d'interactions sans contact, les smartphones suivent des normes moins exigeantes émises par le forum NFC. À cet égard, on peut s'attendre à des disparités importantes en termes de comportement du téléphone en mode lecteur, et donc d’expérience client. Il est également important de souligner qu’actuellement le SoftPOS ne supporte que les paiements sans contact - la saisie du code PIN n'étant pas spécifiée - ce qui exclut de facto les transactions soumises à des limites de montant.

En outre, il est important de s’attarder sur l'expérience utilisateur, pour les deux parties concernées. Le gérant du commerce doit laisser à de nombreuses reprises son téléphone personnel entre les mains de ses clients. Il est difficile d'imaginer demander à des employés de faire de même. De plus, les smartphones grand public ne répondent pas aux mêmes exigences de robustesse et de durabilité que les terminaux professionnels, qui sont soumis à des tests physiques et logiques approfondis. D’autre part, les clients doivent utiliser leur carte de paiement sur l'appareil personnel d'un inconnu. Lors des 1ers déploiements de cartes sans contact les débats sur la sécurité de la technologie ont montré que la perception de la sécurité pouvait être le plus grand obstacle à surmonter et contribuer à fortement ralentir l’adoption. Avec la Covid-19, l'hygiène et les gestes barrières se sont également ajoutés à la liste des préoccupations des consommateurs.

Enfin, les aspects économiques méritent également d'être examinés attentivement, en gardant à l'esprit qu’un smartphone de milieu de gamme coûte environ 400 euros, soit 10 fois plus qu'un Terminal de Point de Vente (TPV) mobile, performant et léger. Ainsi, le SoftPOS n'a de sens que pour les petits commerçants indépendants qui utilisent leur mobile personnel pour accepter occasionnellement des transactions électroniques. En outre, une approche sans appareil dédié n'élimine pas le prélèvement de commissions d'interchange.

Faut-il s'attendre prochainement à une cannibalisation massive des terminaux de paiement ?

Le SoftPOS apparaît comme une solution facile à déployer pour les personnes réalisant des transactions peu fréquentes et de faible montant. Il est également fort probable que les principales applications soient de type peer-to-peer. Cependant, la technologie, surtout en matière de sécurité, et les solutions disponibles nécessiteront probablement deux années de développement supplémentaires pour être prêtes à être commercialisées à grande échelle. Ce délai pourrait être mis à profit par les équipementiers pour améliorer l'architecture des smartphones, en coopération avec des spécialistes du mPOS, en se concentrant sur la performance NFC en mode lecture.

Les wallets mobiles les plus populaires n'ont pas éliminé les cartes en plastique : en réalité la base mondiale de cartes physiques continue de croître, avec quelques innovations notables (ex. cartes biométriques, cartes de débit cryptomonnaies, cartes proxy), tandis que les cartes sans contact ont mis en évidence la commodité du support plastique. De même, nous ne prévoyons pas de cannibalisation massive des solutions d'acceptation physique, notamment les mPOS, POS Android ou les terminaux traditionnels. Le SoftPOS est un bon complément pour les micro-marchands. Différentes technologies, produits et expériences utilisateur devraient coexister en réponse à la variété des scénarios de paiement que les entreprises souhaitent offrir en proximité.