Banques et fintech : balle au centre

Alors que l'open banking et la DSP2 sont remis en cause, il faut rappeler que la collaboration entre banques et fintech contribue à la croissance économique française.

Au lieu que banques et fintech se tournent le dos, il est au contraire primordial de faire preuve du même esprit de collaboration que nous avons vu à maintes reprises au cours des 18 derniers mois. Les communautés scientifique et médicale se sont admirablement unies pour lutter contre la pandémie… le secteur financier serait-il incapable d'une telle union ?

L'Europe dispose des systèmes bancaires les plus développés au monde, qui jouent un rôle essentiel en tant que moteur de notre reprise économique. Cependant, des doutes subsistent et les banques traditionnelles continuent de se sentir menacées par les fintech.

Pour certains le secteur "très prospère" des fintech serait destiné à "ringardiser les banques" et "prendre leur part de marché". Pour l'essentiel, cette idée d'un conflit larvé dans un jeu à somme nulle entre les banques en place et les challengers fintech est erronée. Le succès des fintech ne dépend pas de la disparition des banques, et vice-versa. En réalité, toutes dépendent de la prospérité du même écosystème : l'économie européenne. Il est clair que les banques comme les fintech perçoivent de plus en plus la valeur de ce partenariat. Selon une étude récente, "9 établissements financiers sur 10 appréhendent la collaboration avec les fintech comme un levier de réussite". 

De l'autre côté de la Manche, ces partenariats deviennent de plus en plus la norme ; Barclays et Flux, Codat et Virgin Money, Lloyds et Thought Machine... Au Royaume-Uni, la collaboration, et non la concurrence, est le mot d'ordre pour tous les acteurs du secteur.

Si nous voulons que l'économie française prospère dans les années à venir, nous devons aussi adopter cette approche. Les banques et les fintech devront collaborer étroitement, et les chantiers ne manquent pas. Pour certaines petites entreprises, il est encore bien trop difficile d'accéder à des capitaux, de gérer leurs flux de trésorerie et de vendre simplement à l'international. Au Royaume-Uni, pourtant déjà en avance sur la digitalisation des services financiers, neuf PME sur dix demandent que les prêteurs offrent davantage de services numériques. Alors que le plan de relance européen pourrait changer le visage économique et social de l'Europe et que le gouvernement français insuffle une dynamique pro-entrepreneuriat, nous devons aider nos PME à accéder plus facilement aux services financiers pour soutenir leur croissance, et nos grandes entreprises à s'adapter rapidement à une économie en mutation.

Nous avons tous le même objectif : contribuer à la croissance économique. Imaginez un monde où il faudrait moins d'une minute à une petite entreprise pour ouvrir un compte bancaire, accepter des paiements, automatiser la facturation et la gestion des flux de trésorerie, obtenir un prêt et remplir une déclaration d'impôts. Il faut penser aux millions d'heures que cela permettrait d'économiser et du temps que les managers et dirigeants  pourraient consacrer à leur cœur de métier et à mieux servir leurs clients.

Un exemple récent de réussite collaborative qui a permis de démontrer la façon dont les banques, les fintech et les régulateurs peuvent travailler ensemble, est la mise en œuvre de l'authentification forte du client. De nouvelles règles ont été déployées à travers l'Europe, qui visent à réduire la fraude en rendant les paiements en ligne plus sûrs. Cette mesure aurait pu rendre l'achat de biens en ligne beaucoup plus difficile et, selon les estimations, les entreprises européennes risquaient de perdre 57 milliards d'euros d'activité économique au cours des 12 premiers mois, les paiements diminuant et les consommateurs abandonnant leurs achats. Si les banques et les fintech n'avaient pas travaillé ensemble, les dommages causés à l'économie auraient été importants. En dehors de la France, les collaborations entre les banques et les fintech qui permettent aux entreprises de se créer et de se développer plus rapidement se multiplient. L'entreprise irlando-américaine Stripe en est un exemple : elle a travaillé avec les banques traditionnelles pour accélérer l'accès aux prêts, ce qui a permis aux petites entreprises de se développer plus rapidement et aux banques de toucher de nouveaux clients. 

L'Europe a ouvert la voie avec la DSP2 et a montré qu'une concurrence accrue dans le secteur des services financiers engendre de meilleurs résultats à la fois pour les entreprises et les consommateurs. Certaines banques ont choisi de s'y opposer pour préserver leurs intérêts, d'autres de prendre le changement comme une opportunité. Alors que le pays transitionne lentement mais sûrement de la lutte contre la pandémie à la reprise économique, il est vital que cet esprit de coopération devienne la norme dans les mois et les années à venir.