Vers un boom de la taxtech en Europe ?

Petite sœur discrète de la fintech, la taxtech (technologie au service de la fiscalité) est porteuse d'immenses espoirs par ces temps de crise de la tech.

Les montants investis dans la taxtech se comptent par milliards de dollars et ne cessent de croître. Bientôt, le mandat français de facturation électronique et la transition numérique des administrations fiscales en Europe devrait en parachever l’essor.

Si l’arrivée de la facturation électronique obligatoire pour les transactions B2B concerne toutes les entreprises françaises et sera déployée sur un échéancier de trois ans de 2024 à 2026, plus largement tous les pays UE devraient être visés par la tendance aux contrôles transactionnels en continu.

Les gouvernements veulent récupérer tant les écarts de TVA en éradiquant la fraude, que de gros volumes d’informations économiques en cueillant les données “à la source”.

Une dynamique eurocentrique

D’une part, la pression économique sur les finances publiques, conséquence de la pandémie, du conflit en Ukraine, du ralentissement de l’économie chinoise, de l’inflation, encouragent la digitalisation de l’administration fiscale pour éradiquer la fraude et venir à bout d’un écart de TVA évalué à 134 milliards d’euros dans l’ensemble de l’UE.

D’autre part, Bruxelles, consciente de l’enjeu diplomatique et économique de cette révolution, débarrassée de l’influence juridique de la Common Law par le Brexit, a les mains libres pour appliquer des réglementations d’héritage civiliste aux 24 millions d’entreprises européennes.

Le modèle français : une approche business-friendly

L’entrée en vigueur de la facturation électronique obligatoire s’annonce comme une révolution. Outre transmettre leurs factures B2B, les entreprises françaises devront fournir au fisc les données relatives à leurs ventes auprès d’entreprises et de particuliers français ou étrangers, aux achats auprès d’entreprises étrangères, ainsi qu’aux paiements. 

Sans accompagnement, donc, la marge d’erreur et le risque de non-conformité s’élèvent pour les entreprises. Selon EY, 95% des entreprises redoutent une exposition accrue à des litiges multilatéraux à cause de l’interconnectivité des administrations fiscales.

Second pays européen à imposer la facturation électronique entre entreprises, la France montre en amont une approche souvent considérée comme plus business-friendly que son précurseur, l’Italie. Des portails de dématérialisation partenaires (PDP) de l’Etat, issus du privé, seconderont la plateforme étatique dans l’émission et la réception des factures : c’est ce que l’on appelle “le modèle en Y”.  

Comparativement au modèle dit « en V » établi par nos homologues italiens, le modèle en Y positionnera ces intermédiaires comme des alliés stratégiques pour les entreprises. Contrairement à la plateforme étatique, qui est conçue pour des flux de documents relativement simples, les PDP offrent une flexibilité quasi illimitée pour l’automatisation et le rapprochement entre documents sous forme structurée, le financement des factures par des tiers etc.

Un ROI garanti pour les investisseurs

La crise de la tech enjoint désormais les investisseurs, échaudés par la crise de la tech, à chercher des business models à plus forte garantie de retour sur investissement : quoi de plus sûr que de miser sur une évolution réglementaire qui concerne toutes les entreprises et qui passe par le biais technologique ? 

Les investissements taxtech sont d’ailleurs à la hausse depuis plusieurs années. Certaines levées de fonds conséquentes avaient déjà lieu en B2C ($220 millions pour Taxfix en avril…), mais c’est en B2B que le marché se profile le plus prometteur. L’été 2022, le fonds d'investissement Vista a racheté pour $8,4 milliards le fournisseur de solutions pour la compliance fiscale Avalara !

En Europe, des villes se profilent déjà en hubs sectoriels : en juin dernier, la capitale autrichienne accueillait sa troisième TaxTech conference. Tout semble indiquer que la taxtech sera un séisme techno-réglementaire à fort ROI et que l'Europe en sera l'épicentre.