Shanghai : que va changer la future mise à jour d'Ethereum ?
Le 12 avril prochain (si le jour ne change pas d'ici là), le protocole Ethereum va vivre une nouvelle révolution. La mise à jour Shanghai revêt en effet une importance capitale, car elle achève la transition du réseau vers la preuve d'enjeu (PoS pour Proof of Stake).
Cependant, cette mise à jour fait moins la Une de l'actualité crypto quand on la compare avec la couverture médiatique de The Merge, en septembre 2022. Il faut dire que la précédente mise à jour était exceptionnelle, au sens où c'était la première fois qu'un protocole aussi important faisant évoluer son mécanisme de consensus de validation.
Mais The Merge n'était en fait qu'une mise à jour incomplète. Il lui manquait quelque chose et c'est la mise à jour Shanghai qui va le lui donner. Elle aura une conséquence pour les validateurs, les personnes ayant immobilisé leurs ETH en staking, le protocole en lui-même et peut-être l'écosystème crypto dans son ensemble.
Shanghai : la suite logique de The Merge pour Ethereum (ETH)
Premier objectif : achever la transition vers la preuve d'enjeu
Si The Merge est l'étape la plus connue du changement de mécanisme de consensus sur Ethereum, elle est en fait au milieu d'autres étapes tout aussi importantes.
Pendant plusieurs années, le réseau Ethereum a rencontré des défis majeurs, notamment la forte congestion de la blockchain et l'envolée des frais de transaction. Cela a incité l'équipe d'Ethereum à développer ce qu'on appelait alors Ethereum 2.0. Or, cette mise à jour prévoyait quelque chose d'unique : le passage de la preuve de travail à la preuve d'enjeu.
En avril 2021, un hard fork (une scission au sein de la blockchain) appelé Berlin fut la première mise à jour de cette transition, suivie de London en août 2021. Les utilisateurs grand public ont pu alors immobiliser (staking) des ETH sur des protocoles comme Lido, dans le but de préparer à la preuve d'enjeu. Les premiers validateurs ont pu le faire dès décembre 2020.
The Merge a été la mise à jour ayant permis le changement de mécanisme de consensus, la Beacon Chain (la blockchain en preuve d'enjeu) devenant la seule et unique blockchain d'Ethereum. Mais il restait encore un élément qui faisait dire que la transition n'était pas achevée : le déblocage des ETH immobilisés.
Second objectif : permettre le déblocage des ETH immobilisés
Le consensus de la preuve d'enjeu implique d'immobiliser des jetons afin de pouvoir valider les transactions et sécuriser le réseau. A tout moment, les validateurs peuvent débloquer les tokens immobilisés, moyennant souvent un temps d'attente. Cependant, cela n'est pas possible sur Ethereum.
En effet, depuis la mise en place de la Beacon Chain, soit bien avant The Merge, les validateurs ne peuvent pas débloquer leurs ETH, certains depuis décembre 2020. C'est une condition prévue dès le départ et votée par la communauté Ethereum. Ce déblocage ne pourra avoir lieu qu'au moment d'une mise à jour ultérieure à The Merge. Et c'est cette mise à jour Shanghai qui aura lieu le 12 avril.
Plus précisément, Shanghai va permettre le déblocage des ETH que l'on trouve, en partie mais pas seulement, sur les protocoles de staking comme Lido. Lorsque l'on souhaite participer au réseau en bloquant des ETH, on reçoit en échange des stETH (staked ETH). Les validateurs peuvent manipuler ces stETH, mais pas les vendre. Or, les validateurs doivent au minimum immobiliser 32 ETH, ce qui fait dire à certains que le prix va chuter.
Quelles seront les incidences à moyen terme de cette mise à jour pour Ethereum (ETH) ?
Le cours de l'ETH va-t-il chuter ?
C'est la première crainte de la mise à jour Shanghai et elle est somme toute logique. En pouvant débloquant les stETH, qui "redeviennent" des ETH une fois débloqués, d'aucuns se disent que les validateurs vont s'empresser de les vendre. D'autant plus que certains auront fait un joli bénéfice.
Bien que les craintes d'une pression sur le prix de l'ETH soient justifiées, les analystes prévoient cependant un impact limité principalement pour deux raisons. La première, c'est qu'une sorte de file d'attente va se former et tout ne pourra pas être débloqué en même temps. La seconde, c'est que les retraits seront un système à deux niveaux, ce qui va encore accentuer la lenteur du processus.
Enfin, grâce aux stETH, qui sont des équivalents d'ETH pour les tokens immobilisés, les retraits ne devraient pas être massifs. En effet, tout le monde peut utiliser les stETH pour qu'ils génèrent eux-mêmes des revenus. Or, en débloquant les ETH, on perd en même temps les stETH. Pour faire simple, il y a un intérêt pour les validateurs à conserver des ETH immobilisés pour profiter d'une double rente, grâce aux ETH, mais aussi aux stETH.
L'inconnue : la réaction du régulateur financier américain
On le sait, le régulateur américain est parti en guerre contre le staking en ce début d'année 2023. La plateforme d'échange Kraken a notamment dû payer 30 millions de dollars à la SEC, l'équivalent de l'Autorité des Marchés Financiers aux Etats-Unis, pour l'utilisation de titres financiers non enregistrés. En l'occurrence, pour la SEC, les récompenses de staking sont des titres financiers. Ce qui reste à prouver.
Or, certains observateurs pensent que la SEC pourrait s'attaquer à autre chose que des plateformes centralisées telles que Kraken ou Coinbase : le réseau Ethereum. Selon Gary Gensler, le patron de la SEC, seul le bitcoin n'est pas un titre financier. En d'autres termes, l'ETH est un titre financier non enregistré en raison du mécanisme de récompense. Quelques semaines après The Merge, la CFTC, un autre régulateur financier aux Etats-Unis, a estimé qu'une majorité du réseau Ethereum se trouvait aux Etats-Unis, car plus de la moitié des nœuds serait soumise à l'OFAC américain. Conséquence ? Le réseau pourrait faire l'objet de sanctions voire d'une censure. Néanmoins, il est peu probable que cela arrive à court terme.