G20 : des avancées mais une vision conformiste du monde

Pascal de Lima, chef économiste chez Altran Financial Services, explique combien, selon lui, le G20 a une vision conformiste de l'économie mondiale.

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Pascal de Lima est aussi enseignant à Sciences-Po Paris. © de Lima

Les ministres des finances se sont réunis lors du récent sommet du G20 pour résoudre les déséquilibres économiques mondiaux. Il est assez communément accepté parmi les économistes que les déséquilibres – des surplus commerciaux importants en Chine, en Allemagne, en Russie, en Corée du sud, au Japon ou en Indonésie combinés à des déficits commerciaux importants aux Etats-Unis, au Royaume-Unis ou en France - ont largement renforcé la récente crise économique. Dans ce cadre, l'essentiel des indicateurs retenus pour diagnostiquer à l'avenir les déséquilibres et prendre des mesures sont : la dette publique et privée, l'épargne et le déficit commercial ainsi que le déficit public. Ici, les solutions d'un rééquilibrage potentiel pourraient être que la Chine stimule sa demande domestique pour réduire ses exportations. Les Etats-Unis, eux, pourraient augmenter leur taux d'épargne pour réduire leur dépendance vis-à-vis de la dette tout en stimulant la consommation.  

Le G20 a trouvé les paramètres d'un équilibre comptable fondamental assez bien connu en macroéconomie : l'excès d'épargne privée par rapport au volume d'investissement doit toujours être égal à la somme du déficit public et de l'excédent de la balance commerciale. Dès lors, le secteur privé n'a que trois alternatives pour utiliser son épargne : il peut la prêter au secteur public pour financer le déficit public; il peut la prêter au secteur privé pour financer l'investissement mais il peut aussi la prêter aux résidents étrangers pour financer ses exportations, ce qui est le cas aujourd'hui de la Chine !

"Si l'économie ressemble aux tensions entre l'ex-URSS et les Etats-Unis dans la conquête de l'espace, il y a fort à parier que des trahisons conduisent à la victoire d'un seul."

Nous avons donc les objectifs économiques (dépenses publiques, investissements ou exportations) et le moyen d'y arriver : l'épargne. Mais qu'est-ce qu'un bon niveau d'épargne ? Le seuil admissible d'excédent de la balance des paiements par rapport au PIB ne peut pas être identique, que vous viviez dans des pays aujourd'hui excédentaires comme l'Arabie Saoudite, l'Allemagne ou la Chine, ou que vous viviez dans la quasi-totalité des autres pays, aujourd'hui en déficit. S'il a été difficile d'en arriver là, imaginons les difficultés à venir... A quel niveau se situe le déficit soutenable ? Et que se passerait-il si les gouvernements échouaient dans l'atteinte des objectifs, ce qui est déjà le cas en Europe avec les critères de Maastricht. Que de longs débats à venir sur les modalités de sanction ! Pire encore, quelles seraient la part conjoncturelle internationale et la part structurelle nationale responsables des déséquilibres internationaux ? L'intérêt collectif passera t-il devant l'intérêt individuel ? La coopération sous la forme d'un dilemme du prisonnier est la base de la réussite du G20. Mais si l'économie ressemble à la guerre des étoiles et aux tensions entre l'ex-URSS et les Etats-Unis dans la conquête de l'espace, il y a fort à parier que des trahisons conduisent à la victoire d'un seul.

"On considère toujours que le PIB est l'indicateur clé sous-jacent à l'analyse des déséquilibres."

Certes, il ne faut pas critiquer les avancées quand elles existent et elles ont aujourd'hui le mérite d'exister. Mais il se cache aussi dans les débats du G20 une vision uniformisée du monde et derrière ces indicateurs traine toujours l'éternel PIB comme unique indicateur macroéconomique. On retombe sur des sujets assez connus. Mais s'ils sont connus, pourquoi la pédagogie ne parvient-elle pas à faire modifier cette vision du monde ? Car on considère toujours que le PIB est l'indicateur clé sous-jacent à l'analyse des déséquilibres alors qu'il ne prend pas en compte le niveau de pollution, la vitesse de dépréciation des actifs et la part de croissance qui revient aux populations locales.

Le PIB correspond à la valeur de marché des biens et services produits par le travail et la propriété dans un pays, sans prend en compte le critère de nationalité. Le PNB est la valeur de marché des biens et services produits par le travail et la propriété des nationaux, indépendamment de leur localisation. Par exemple, la production de Renault en Argentine est incluse dans le PIB de l'Argentine. Toutefois, du fait que c'est une entreprise française, sa production n'est pas inclue dans le PNB argentin, mais dans le PNB de la France.

"La prise en compte du revenu national net serait socialement plus juste."

La prise en compte du revenu national net serait socialement plus juste (revenu qui revient à la population locale déprécié des actifs sans valeur) ou le PNB (produit national brut des nationaux) cf. encore le PNB vert prenant en compte les dégâts causés sur l'environnement. Cela poserait aussi la question des inégalités entre les pays pauvres et les pays riches et les modalités du progrès social et économique apparaîtraient plus facilement au grand jour.

Finalement, le G20 traite ces dossiers de façon assez conformiste et la vision du monde reste inchangée avec des problèmes de fonds que l'on retrouve assez souvent après chaque sommet, chaque forum, même dans le cadre du G8 et G7 qu'il faudrait enfin supprimer pour éviter d'en rajouter encore...