Avec les contech, le BTP rattrape son retard digital

Avec les contech, le BTP rattrape son retard digital Logiciels de gestion de projet, outils collaboratifs, nouvelles méthodes de construction… Ces start-up numérisent tous les pans d'une opération immobilière, de sa conception à sa livraison.

Estampillée secteur parmi les moins digitalisés par McKinsey dans un rapport de 2016, la construction est en train de rattraper son retard. "A bien des égards, la contech (Construction Technology, ndlr) a devancé d'autres segments de l'immobilier, tels que les bureaux, le résidentiel et l'hôtellerie, en intégrant et en développant des start-up de la proptech (property technology, ndlr)", lance Philip Russo, partner chez MetaProp, accélérateur et fonds d'amorçage spécialisé dans la proptech.

Le VC en veut pour nouvelle preuve la récente acquisition par Autodesk de PlanGrid pour 875 millions de dollars. Fondée en 2012, la jeune pousse californienne propose des apps de BIM, pour building information management, sur smartphones et tablettes pour permettre aux équipes de construction d'accéder aux plans de chantier, de placer leurs réserves de matériaux, partager des photos, réaliser des rapports…

Utiliser un logiciel de gestion de projet de construction permet d'économiser 216 000 dollars par an sur un projet, d'après Procore. © Base10

Nombreuses sont les start-up qui, comme PlanGrid, se sont aventurées sur le terrain du logiciel de gestion de projet de construction. Grâce aux nouveaux outils de collaboration, de surveillance et d'analyse que ces contech leur fournissent pour rationaliser et optimiser leurs opérations, les constructeurs réalisent des économies considérables : plus de 215 000 euros par an et par projet, selon les estimations de Procore Technologies. Cette start-up propose  des solutions de gestion basées sur le cloud, notamment une plateforme d'enchères avec des outils d'analyse, permettant d'évaluer les fournisseurs.

Son concurrent BuilderTREND édite un logiciel de gestion qui offre aux parties prenantes à un projet de construction un accès en temps réel au calendrier de l'opération, aux ordres de modification, aux documents et aux plans. Dans la même lignée, Fieldwire, propose aux entreprises de constructions, maîtres d'œuvre et maîtres d'ouvrage des applications permettant d'assigner des tâches, d'accéder aux derniers plans, planifier les travaux…

Via son système de collecte de données automatisé, OnTarget permet aux constructeurs d'anticiper les retards sur les chantiers

Pour continuer avec cet inventaire, non exhaustif, à la Prévert, la Française FINALCAD propose des solutions BIM 3D afin de gérer et planifier des projets de construction, à travers une appli qui numérise les plans. Tricolore elle aussi, BulldozAIR a développé des apps web et mobile permettant à ses clients d'organiser leurs tâches ou celles de leurs équipes chronologiquement, géographiquement, par collaborateur ou bien selon des catégories spécifiques. Pratique pour les majors de la construction, qui œuvrent sur un grand nombre de chantiers simultanément. Les utilisateurs de BulldozAIR peuvent également se servir des images prises sur le chantier pour créer un calendrier de suivi des progrès, accessible à toutes les équipes.

Dans la famille des outils collaboratifs, la New Yorkaise OnTarget fournit une plateforme d'analyse visuelle pour atténuer les risques de dépassement de coûts et de retards dans l'industrie de la construction. En septembre dernier, la start-up a lancé Kwant.ai, un système de collecte de données entièrement automatisé qui permet notamment aux constructeurs de déterminer si davantage de travailleurs sont nécessaires pour respecter le calendrier du projet.

Autre branche majeure de la contech, la construction modulaire. Née Etats-Unis en 2015, Katerra fait figure de fleuron en la matière. Il n'y a qu'à regarder les investisseurs inscrits à son tableau de chasse : DFJ Growth, Greenoaks, Khosla Ventures ou encore le conglomérat japonais des télécoms SoftBank, qui a injecté 865 millions de dollars en début d'année. Ce qui les séduit ? La start-up intègre verticalement toutes les phases d'un projet de construction : conception des bâtiments, production et distribution de bois massif et CLT, assemblage en usine des modules préfabriqués, montage sur chantier… Le tout relié par une plateforme digitale maison qui permet la réalisation des plans en BIM, génère instantanément la fabrication des éléments nécessaires à l'usine et rend possible le suivi de toute la chaîne de valeur par l'équipe chargée du projet. Un scénario bien ficelé sur le papier, mais pas pour autant dépourvu de péripéties : Katerra accuserait des retards majeurs sur ses chantiers en raison d'éléments préfabriqués arrivant de l'usine de Phoenix découpés aux mauvaises dimensions, et assemblés par un personnel trop peu qualifié, d'après le journal en ligne The Information.

Grâce à la construction modulaire, l'installation d'une maison se fait 2 à 3 mois après l'obtention du permis de construire contre 10 à 13 mois en construction traditionnelle

Son ainée et compatriote Blu Homes déploie peu ou prou la même stratégie. Elle propose une poignée de modèles de maisons prédéfinies et personnalisables, fabriquant un maximum de pièces hors chantier avant de les expédier pour les assembler sur place. "Notre conception optimisée et notre processus de fabrication en usine permettent aux projets d'être terminés 2 à 3 mois après le permis de construire contre en moyenne 10 à 13 mois dans l'ouest des Etats-Unis", vante la start-up.

D'autres jeunes pousses entendent disrupter la phase de construction avec l'impression 3D. C'est le cas de l'Américaine Branch Technology qui, grâce à une imprimante aux dimensions hors du commun, peut construire les murs, la toiture ainsi que certains éléments d'architecture intérieure d'une maison à assembler, là encore, sur place. L'offre de la start-up comprend l'ingénierie, la fabrication et l'installation de la maison. Si elles sont amenées à se multiplier, les prouesses de ce genre ne sont pas nouvelles : en 2014 déjà, la société chinoise Winsun avait fait sensation en imprimant dix maisons d'un étage en un jour.

Les étapes qui précèdent le premier coup de marteau n'échappent pas à la digitalisation. Building Connected, par exemple, propose aux entrepreneurs des outils d'analyse pour la gestion des offres. "De plus en plus de constructeurs nous choisissent pour envoyer des invitations à soumissionner, qualifier les fournisseurs et suivre les opportunités", se félicite la start-up sur son site. Post-chantier aussi, les contech sont au rendez-vous, comme celles qui digitalisent la vérification du chantier liée à l'assurance. C'est le cas d'OnSiteIQ, qui s'adresse à la fois aux particuliers et aux promoteurs. Son réseau de collecteurs de données utilise des caméras haute résolution à 360 degrés et effectue une analyse hebdomadaire des chantiers. La plateforme OnSiteIQ associe automatiquement le parcours à pied au plan d'étage et offre une expérience de visite virtuelle à 360 degrés. Sa fonctionnalité "Voyage dans le temps" permet de comparer les mêmes emplacements à différents moments. OnSiteIQ permet également à ses utilisateurs d'annoter efficacement les problèmes en 3D et de partager les informations avec leurs équipes.