Zéro artificialisation nette : demain on arrête de construire ?

Lors de son discours à Chamonix, le 13 février dernier, Emmanuel Macron a annoncé la nouvelle stratégie du gouvernement en termes d'urbanisation. Avec pour feuille de route, le zéro artificialisation nette des sols, l'Etat part en guerre contre l'habitat individuel en prenant le risque de rendre l'accession à la propriété de plus en plus difficile.

Vers la fin du logement individuel ?

L’artificialisation des sols est une question centrale en matière de logement. Et pour cause, d’après une enquête réalisée par l’INSEE en 2017*, près de la moitié de la valeur d’un bien immobilier serait représentée par le terrain sur lequel il est bâti. En interdisant totalement l’artificialisation des sols, le gouvernement menace le marché de l’immobilier, notamment dans les zones où il est le plus tendu, et initie le déclin de l’accession à la propriété. 

Et pourtant, les chiffres sur la progression du parc individuel ainsi que les préférences déclaratives de nombreux organismes de sondage (INSEE, CREDOC, Century 21...)** placent la maison individuelle au sommet des options d’habitat plébiscitées par les ménages français. Un garage, un étage maximum, de la luminosité et du calme sont, par ailleurs, les options les plus enviées.

Si ce désir d’investissement immobilier a pu se réaliser pour 56% des Français, il n’est pas prêt de devenir réalité pour les autres… Pourquoi ? Parce que le pavillon est dans le collimateur du gouvernement. Avec son objectif zéro artificialisation nette, Emmanuel Macron se lance dans la guerre contre toute forme d’habitat individuel. Au risque de rendre l’acquisition d’un logement impossible... D’autant plus si le parc ancien était amené à subsister, car il deviendrait tout naturellement de plus en plus cher et donc, loi de l’offre et de la demande oblige, de moins en moins accessible. 

L’objectif du gouvernement n’appelle donc pas à une modération de l’urbanisme, à un encadrement des constructions, comprenant des mesures strictes, mais tend vers le zéro artificialisation nette. Au revoir alors barbecue et repas d’anniversaire dans le jardin et bienvenue au phalanstère de Fourier ou au familistère de Godin. Car ne nous y trompons pas, il ne s’agit pas d’imposer la version collectiviste de l’habitat uniquement dans les villes où la pression foncière agit de facto dans ce sens, mais également dans les tissus périurbains et ruraux. 

Si ne pas détruire d’espaces naturels semble apparaître comme un engagement intelligible, interdire toute construction sur des terres d’agriculture intensive qui n’ont plus rien de naturel, ou sur de petites parcelles de pelouse où la biodiversité n’est qu’un lointain souvenir, il n’y a qu’un pas… Et celui-ci a désormais été franchi ! Car oui, zéro artificialisation signifie bien cesser de construire, sauf sur des sites déjà bâtis tels que les friches industrielles ou sous réserve que des espaces naturels soient créés en quantité égale à ceux artificialisés. 

Alors qu’Emmanuel Macron promettait un “choc de la construction” et que la loi Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique (ELAN), adoptée le 23 novembre 2018, ambitionnait de “construire plus, plus vite et moins cher”, c’est l’inverse qui se produit. On bâtira désormais moins et pour plus cher. Adieu alors l’objectif des 400 000 nouveaux logements par an. Celui-ci sera désormais difficilement atteignable.

Les entreprises ont elles aussi besoin de se développer !

Ce qui est valable pour le logement l’est tout autant sur l’immobilier des entreprises. Si vous êtes un patron de PME dont l’activité prend un virage positif et qu’un déménagement dans des locaux plus grands ou une extension de votre site vous semblerait utile, sachez que cela risque d’être difficile après mi-2020, date prévisionnelle de présentation du plan Zéro Artificialisation Nette en Conseil des Ministres. 

Certes, la consommation de foncier naturel a connu des excès et un pas vers la frugalité foncière semble nécessaire. Les acteurs de l’immobilier d’entreprise souhaitent d’ailleurs eux aussi prendre part au débat. Construire avec plus de densité sur des friches industrielles, démolir pour reconstruire sont autant de pratiques déjà mises en place, mais régulièrement contraintes par une réglementation contradictoire. Donc oui à la sobriété foncière à condition tout de même de permettre aux entreprises de pouvoir se développer et donc de construire. 

Sur le plan législatif, tout va très vite. Une loi zéro artificialisation nette sera-t-elle le cadeau surprise offert aux professionnels de l’immobilier à la rentrée scolaire de 2020 ? Grand débat ou concertation citoyenne pour discuter de ce nouveau principe avec les français ne semblent pas des options pour le gouvernement. Pourtant, si le rêve de la maison individuelle doit disparaître de l’esprit de la plupart des concitoyens, il est important de prendre le temps d’expliquer et de débattre mais aussi de leur offrir des alternatives acceptables.

Sources

*Statistiques INSEE sur la valeur des terrains bâtis en 2017

**Enquête menée par Century 21 en 2017