Réalité augmentée et réalité virtuelle : mythe ou réalité pour les gestionnaires immobiliers ?

Mieux connues du public depuis l'arrivée de la Covid qui limite les visites physiques des biens immobiliers, la réalité virtuelle et la réalité augmentée sont déjà largement utilisées par les professionnels de l'immobilier et l'ingénierie. De là à en généraliser la pratique au quotidien, il y a un grand pas qui n'est pas encore franchi, notamment du fait de contraintes techniques et financières.

Il y a 5 ans, si l’on voulait utiliser la réalité augmentée, il fallait presque réaliser une maquette spéciale. Aujourd'hui, grâce à des outils qui se géolocalisent ou se ciblent sur des repères, nous avons beaucoup gagné en autonomie et la préparation en amont est plus légère. De même, pour la réalité virtuelle : auparavant, il fallait s’enfermer dans une grande salle avec des capteurs partout, ce qui n'était pas pratique sur les chantiers ou chez les clients. Aujourd'hui, les nouveaux casques sont sans capteur et même sans fil. Mais si ces technologies progressent très vite, leur mise à la disposition de tous les acteurs du métier semble prématurée, en raison notamment des contraintes technologiques et des coûts. 

Trop tôt pour le contrôle du chantier et la gestion du bâtiment

L’une des grandes promesses de la réalité augmentée sur tablette tient à la possibilité de superposer réalité et maquette. Sur un chantier, à l'aide de casques qui projetteraient les maquettes sur le réel, cela permettrait de contrôler ce qui a été réalisé et de rendre des plans qui soient totalement conformes au réel. Or, cette promesse rencontre aujourd'hui deux limites : la première concerne la complexité de la technologie. Lorsque l’on se trouve sur un plateau de bureaux par exemple, la tablette doit d’abord reconnaître à quel étage du bâtiment on se trouve.

Après, plus nous avançons, plus nous observons des décalages entre la maquette et la réalité, ce qui va nécessiter un certain temps pour les recaler. Ceci est particulièrement vrai quand il y a un trop plein de données, ce qui arrive régulièrement sur les projets de 2 000 à 50 000 mètres carrés. Cette complexité technique et la question de la fiabilité expliquent que ces outils ne sont pas à la portée de tous les utilisateurs ; ils peuvent être assez chronophages. D’autre part, le second frein à un déploiement rapide de la réalité virtuelle et augmentée est lié au surcoût énorme qu’elles génèrent, que tous les clients ne sont pas prêts à intégrer. Celui-ci est dû, en plus de l’acquisition du matériel (casques, ordinateurs performant, licences logiciels), au temps humain à passer en relevé sur chantier et en analyse de ceux-ci, ce qui nécessite presque une cellule dédiée.

Néanmoins, les développeurs de logiciels travaillent d'une part avec les industriels qui fabriquent les casques ou tablettes mais aussi avec les constructeurs. SPIE ou BOUYGUES s'intéressent à cette technologie pour suivre leurs chantiers en temps réel et certains bureaux de contrôle (SOCOTEC, VERITAS) commencent à développer des solutions de maquette "as built". Quant à la gestion du bâtiment, si on imaginait il y a quelques années assurer sa maintenance depuis une salle virtuelle à partir d'un casque, cela paraît encore prématuré aujourd'hui. Mais si les outils continuent de se développer à cette vitesse, il n’est pas exclu que nous arrivions bientôt à une technique bien maîtrisée.

Des technologies à réserver aux projets les plus stratégiques  

Si un usage quotidien s’avère encore trop lourd et que leur plus-value doit toujours être évaluée, ces technologies ont fait leurs preuves dans certains cas d'usage ou sur des jalons spécifiques d’un projet, lors de présentation sur des salons, ou encore dans la communication à destination de non-sachants. La réalité virtuelle s'applique particulièrement bien aux concours auprès d'élus locaux pour présenter le projet, à fortiori s’il est à la pointe de la technologie.

Elle permet en effet de s’immerger dans un ouvrage encore en conception, que l’on observe alors dans un casque tout autour de soi, à échelle réelle, afin de beaucoup mieux l’appréhender, en comparaison à une lecture de plans et de perspectives 2D classiques. Sur la future gare du RER E de La Défense, par exemple, le parcours en visite immersive réalisé a permis de valoriser la qualité architecturale du projet et d’y faire adhérer les nombreux décisionnaires. On peut se rendre compte comme si on y était des grandes hauteurs sous plafonds, soutenus par de hautes colonnes de plus de 20 mètres, qui donnent un aspect de cathédrale à ces quais. Les outils de réalité augmentés eux, se destinent plus à des fins techniques, comme du contrôle de conformité, ou des aides à la formation précieuses, notamment sur des aspects pédagogiques de la maintenance technique, ou encore pour travailler et fiabiliser des processus théoriques.

Bien choisir son écosystème en fonction de l’usage recherché

Dans la jungle des outils, logiciels, supports et formats (photos réalistes fixes, vidéos, visites virtuelles, temps réel, visites immersives…), il est indispensable de déterminer ce dont on a vraiment besoin. Le choix du bon écosystème outils/support/type de livrable doit être parfaitement ajusté à la demande et au besoin final. Si l’on reprend le cas d'une visite virtuelle sur un bâtiment neuf, il peut y avoir tout un tas de déconvenues – par exemple, si les visiteurs se promènent sur des endroits non préparés à cause d’une trop grande liberté de mouvement, ou si ces logiciels encore parfois instables plantent – ce qui dégrade l'expérience client. La technologie dernier cri n'est pas forcément celle qui est la plus adaptée à tel ou tel projet. Face à ces limites techniques, l’important reste de comparer les alternatives afin de trouver la plus pertinente et la plus économique dans un environnement correctement évalué.