Occupation des bureaux : la fin de l'ère du télétravail ?

Le télétravail a eu et continue d'avoir des conséquences sur l'usage des espaces. Aujourd'hui, il semble pourtant perdre du terrain : comment l'immobilier de bureau s'adapte à ces évolutions ?

Démocratisé au moment du Covid (2019), le télétravail a eu et continue d’avoir des conséquences sur l’immobilier de bureau et notamment sur l’usage des espaces. Les entreprises proposent plus de télétravail, pour s’adapter aux attentes des salariés, dont certains ont quitté la métropole pour aller chercher une surface habitable plus grande et à moindre coût. Aujourd’hui, le télétravail semble pourtant perdre du terrain : comment l’immobilier de bureau s’adapte à ces évolutions ?

Les conséquences du télétravail sur l’utilisation des espaces de bureaux

Le télétravail favorise la mobilité des salariés. Cela a pour conséquence d’amplifier et de mettre en évidence le besoin d’espace et la désaffection pour les zones urbaines centrales pour nombre d’entre eux. Toutefois, le besoin d’accessibilité au bureau reste très marqué, et un effet 'donut' s’est installé, avec une relocalisation en périphérie : en conséquence, les prix des logements ont diminué à Paris. Cependant, il est probable que cette diminution soit en partie attribuable au travail hybride et devrait être expliquée par d'autres éléments. La relocalisation du travail hors des bureaux a également entraîné un ralentissement économique dans l’immobilier commercial, avec une demande moindre et une diminution des prix. Selon une étude McKinsey (2023), le télétravail risque de réduire de 800 milliards de dollars la valeur des immeubles de bureaux. 

Le télétravail a durablement diminué le taux d’occupation des immeubles de bureau, aujourd’hui entre 30% et 40% en moyenne en France et en Europe. Ce taux est inégal en fonction des jours : 30% de présence le lundi, 34%-38% le mardi, mercredi et jeudi, et 22% le vendredi. En 2023, on observe que les pics d'occupation des bureaux se produisent presque toujours pendant la fenêtre allant du mardi au jeudi, oscillant entre 45 % et 70 %, les salariés ayant besoin d'un endroit pour se réunir. Cette tendance est constante, et les employés choisissent de se rendre au bureau lorsque tout le monde s’y trouve également.

Certains employeurs s'efforcent de stimuler leur personnel en vue de favoriser un retour au bureau, que ce soit de manière partielle ou totale. Cette démarche s'explique par les incitations économiques liées aux coûts de location des espaces, ainsi que par les avantages managériaux associés à l'engagement et à la fidélisation des collaborateurs. Des éléments tels que la réduction des arrêts maladie et la rétention du personnel sont activement recherchés dans cette perspective.

Cette quête du retour au bureau est surtout due au besoin de lien social, de qualité d'environnement supérieure (air conditionné, espace, restaurant…) et d'accès à des équipements (équipement technique, salle de réunions…). La présence au bureau est également ressentie comme essentielle à l'intégration et déterminante pour la progression de carrière. Cependant, de nombreux travailleurs peinent à renoncer totalement aux avantages offerts par cette nouvelle flexibilité. Il est important de souligner que travailler depuis chez soi engendre des coûts non négligeables. Bien que cela soit devenu un élément attractif pour les entreprises, les employeurs se trouvent dans une position délicate avec une marge de manœuvre limitée. Il semble que le modèle de travail hybride soit destiné à perdurer.

Un nouvel équilibre doit donc être trouvé. Le retour au bureau demandé par les employeurs et soutenu par les propriétaires, oui, mais dans d'autres conditions pour attirer les salariés.

Redéfinir l'espace de travail : Comment les propriétaires immobiliers peuvent optimiser leurs espaces pour répondre aux nouveaux modes de travail ?

Face à ces évolutions, les entreprises et les gestionnaires de bureaux doivent ajuster leurs stratégies pour optimiser l'utilisation des espaces. En se basant uniquement sur les chiffres moyens ou le taux d'occupation du vendredi, les gestionnaires d'actifs pourraient craindre une réduction de la surface moyenne demandée par les locataires lorsque ces derniers optent pour le travail à distance presque total. Cependant, cette approche n'est pas la plus adaptée pour la majorité des locataires engagés dans le travail hybride, qui souhaitent conserver un lien physique avec le bureau. En effet, la simple moyenne d'occupation ne suffit plus à raconter toute l'histoire ; il est désormais essentiel de se pencher sur le pic d'occupation en milieu de semaine, qui reflète les besoins réels.

Le retour au bureau impose donc un nouveau modèle, hybride, qui s’adapte au besoin persistant de télétravail partiel du salarié, et au retour du présentiel : c’est le cas du flex office, qui permet d’aménager les surfaces occupées et d’en faire des économies substantielles. 

Aujourd’hui, la majorité des entreprises réorganisent donc leurs espaces pour s’adapter au nouveau mode de travail hybride. Les entreprises peuvent réduire légèrement le nombre de bureaux, mais elles doivent en conserver un nombre suffisant pour que leurs employés se sentent bien accueillis : tout gain de m2 doit être converti en espaces communs et en salles de réunion, car sur le modèle de travail hybride, les employés se rendent au bureau principalement pour interagir. Dans cet environnement, le défi pour les gestionnaires d’actifs est d'aider leurs locataires à comprendre les habitudes d'utilisation des bureaux de leurs employés et les inciter à revenir en leur fournissant un bâtiment centré sur les personnes, avec les services et les équipements appropriés. 

Le travail hybride permet aux salariés d’avoir du télétravail tout en profitant des conversations informelles et des réunions en personne. La flexibilité de l’espace de travail (coworking, tiers lieu, etc.); le confort (bornes de recharges, cantine, etc.); l’aménagement des bureaux et la connectivité des immeubles permettent d’accompagner les travailleurs qui retournent  au bureau et d’assurer leur bien-être. Si le bureau s’adapte correctement aux besoins des salariés, c’est un gain de productivité et une rétention des talents pour l’entreprise, qui a tout à y gagner.

Pour une stratégie performante, les gestionnaires d'actifs doivent collaborer de manière proactive avec les employeurs. En créant un environnement attractif, avec une gestion attentive de la qualité de l'air et du confort thermique, ils peuvent attirer les employés vers des espaces de travail agréables. Il y a une nécessité d’évoluer vers un rôle de conseil, en recommandant des équipements et services attractifs tels que des cafés avec barista ou des térasses et d’utiliser les données d'occupation pour aider les locataires à optimiser la taille de leur bureau en se basant sur les pics d'occupation. Cette approche proactive favorise une utilisation plus efficiente de l'espace de bureau.

La crise sanitaire annonçait une montée en puissance durable du télétravail, mais le constat est plus nuancé aujourd’hui : s’il s’est implanté durablement dans certains secteurs, il est remis en question par des salariés en quête de lien social, soucieux de leur confort au bureau, qui passe par plus de services. L’amélioration des conditions de travail passera donc par la mesure et le monitoring des espaces. Les gestionnaires d’actifs immobiliers doivent répondre à ces enjeux en faisant appel à des experts du secteur, comme les proptech, pour les aider à garantir le meilleur environnement de travail possible aux salariés.