On a testé le futur de l'impression 3D

On a testé le futur de l'impression 3D Des figurines personnalisées, des chaussures ou des organes malades : la fabrication additive a montré tout son potentiel au 3D Print Show.

L'impression 3D, on en parle souvent mais on la touche rarement. Le 3D Print Show, organisé à Paris les 16 et 17 octobre derniers, a été l'occasion de prendre la température du secteur. C'est aussi le seul endroit au monde où l'on peut à la fois se transformer en statuette de résine, chausser une paire de chaussures imprimées et apprendre à enlever une tumeur sur le rein d'une patiente reproduit grandeur nature.

Ce vendredi matin au Carrousel du Louvre, au fin fond du sous-sol du mythique musée parisien, une armée de machines à l'allure futuriste s'active. Des imprimantes 3D, alignées à perte de vue. Derrière les odeurs de plastique fondu, une étrange cabine attire le regard. Elle a beau être truffée de capteurs et de lumières blanches plutôt angoissantes, difficile de résister à la tentation. "Ne bougez plus et fixez l'appareil droit devant vous", me dit-on une fois à l'intérieur. A peine le temps de réaliser ce qu'il se passe qu'il faut déjà sortir : en une seconde, l'installation m'a complètement numérisé en 3D. A cette vitesse, n'importe qui et n'importe quoi peut y passer, même un animal difficile à tenir en place.

"Nous pouvons maintenant recréer votre corps dans les moindres détails et le reproduire sous la forme d'une figurine en résine, par exemple", explique Clifford Bergh, directeur marketing de Trideis, spécialiste belge de l'impression 3D. En revanche, pour récupérer mon mini-moi, il faudra repasser : si je choisis le modèle de 15 cm, par exemple, sa production prendra plus de 8 heures et coûtera 178 euros. Et de toute façon Trideis n'a pas ramené d'imprimante, contrairement à tous les stands voisins.

Car l'impression 3D n'est pas la priorité de l'entreprise. Sa spécialité : proposer aux professionnels une solution clés en main. Pour 30 000 euros, il est possible de repartir avec sa cabine de numérisation 3D. Et à ce prix-là, Trideis s'occupe même de la personnaliser, avec une partie extérieure aux couleurs du client, par exemple.

"Grâce aux figurines personnalisées imprimées en 3D, les photographes ont l'occasion de relancer leur business"

30 000 euros, cela peut paraître énorme, mais Clifford Bergh assure proposer la solution la moins chère du marché : "Notre produit n'a besoin que de 90 caméras de 5 millions de pixels, qui sont beaucoup moins coûteuses que  les appareils photos numériques réflex à minimum 500 euros pièce qu'utilisent nos concurrents." Résultat : le Scanning Booth afficherait un tarif trois fois inférieur au prix moyen du marché.

Selon la société belge, il s'agit là de l'avenir des photographes. "Aujourd'hui, n'importe qui peut acheter un excellent réflex et faire de très bonnes photos. Grâce aux figurines personnalisées imprimées en 3D, les photographes ont l'occasion de relancer leur business", promet Clifford Bergh. Il s'agirait là de l'avenir de la photographie de famille, en quelque sorte.

Bien d'autres secteurs pourraient se mettre au Scanning Booth, comme l'évènementiel, qui peut en faire un outil marketing. Une marque de prêt-à-porter serait par exemple capable d'envoyer une version miniature de leurs mannequins portant leur nouvelle collection à leurs clients potentiels.

Ce Photomaton reproduit le visage en 3D.  © JDN

Et quand on parle du business de la photographie, il y a une entreprise historique du secteur qui entend aussi se servir une part du gâteau de l'impression 3D : Photomaton. Coïncidence ou pas, quelques pas suffisent pour tomber sur le leader des cabines-photos. Ici, rien d'extraordinaire : un simple appareil, semblable à ceux qui truffent les stations de métro et les grandes surfaces. Le responsable du stand m'invite à m'asseoir dans la cabine. Comme dans un Photomaton traditionnel, il faut choisir le type de tirage souhaité. Il y a l'officiel, pour les papiers d'identité, les classiques, pour la carte de transport, par exemple, et, comme si de rien n'était, une figurine 3D.

Trois modèles sont proposés : 10, 12 ou 15 centimètres, respectivement vendus à 20, 30 et 40 euros. Je choisis la figurine de 12 centimètres. Comme pour une photo classique, il faut régler la hauteur, ne pas bouger pendant trois secondes et confirmer ou relancer la prise de vue. Sauf qu'à la fin, ma tête apparaît en trois dimensions sur l'écran. Elle sera imprimée en 3D sur une figurine de mon choix, comme par un exemple un footballeur.

Une fois la commande validée, je m'attends à voir ma figurine tomber dans le bac de réception. Déception : seul un récapitulatif arrive. Un sous-traitant se chargera de livrer l'objet sous 7 jours. La cabine 3D-Me peut également être directement raccordée à une imprimante 3D, ce qui accélèrerait considérablement le processus.

Car le délai, encore une fois, gâche l'expérience. Mais l'idée est là : accessible en termes de prix et facile d'accès, connu de tous, ce Photomaton peut toucher un public très large. Le responsable marketing présent sur place jure que la quarantaine de prototype déjà en service en France connaît un franc succès.

La chaussure 3D est étonnament souple. © JDN

Un peu plus loin dans les allées du Carrousel du Louvre, un professionnel me tend enfin autre chose que les vases ou personnages en tous genres exhibés par la grande majorité des exposants. Je ne peux m'empêcher d'enfiler la paire de chaussures futuristes. Imprimées dans un plastique souple, elles s'enfilent rapidement et se plient  à volonté. Et une fois chaussées, elles se révèlent étonnamment confortable. Elles ont aussi un autre avantage, et de taille : leur coût. Elles ne nécessitent qu'une trentaine d'euros de matière première, confie leur créateur. Et de m'imaginer, demain, imprimer la paire de chaussure de mes rêves directement depuis mon bureau. De quoi bouleverser tout le secteur de la chaussure.

Après plusieurs heures de déambulation, une question finit par tarauder l'esprit : l'impression 3D ne serait-elle qu'un gadget ? Où sont les applications plus "sérieuses" ? C'est au fond de l'exposition que surgit la réponse, inattendue.  Jean-Christophe Bernhard, chirurgien urologue au CHU de Bordeaux, est submergé de questions par une poignée de journalistes. Il faut dire qu'il tient dans ses mains un outil efficace pour sauver des patients atteints d'un cancer : le rein d'une patiente atteinte d'une tumeur, scanné puis imprimé en 3D. Un outil précieux pour planifier l'opération de manière optimale, explique le chirurgien :

"L'impression 3D au service de la chirurgie"

Outre l'aspect purement médical, ce dispositif permet au patient de mieux visualiser ce contre quoi il se bat,  ajoute Jean-Christophe Bernhard. Il n'y aurait rien de plus stimulant que de visualiser cet ennemi invisible qui tue chaque année plusieurs dizaines de milliers de français. Si le dispositif reste très marginal, avec seulement 12 patients (dont 7 en France) qui y ont pour l'instant eu accès dans le monde, son coût modéré (environ 430 euros) pourrait lui ouvrir rapidement les portes des hôpitaux. Son succès au 3D Print Show, a, en tout cas, de quoi inspirer les spécialistes du secteur médical.