L'IoT refait une beauté à l'industrie cosmétique

L'IoT refait une beauté à l'industrie cosmétique Si le secteur de l'e-beauté grand public en est à ses prémices, les start-up lancées sur le créneau du BtoB séduisent déjà les multinationales du secteur pour concevoir des objets connectés.

Activ'feel ressemble à s'y méprendre à un produit grand public. Ce galet connecté blanc comme un smartphone d'Apple tient dans le creux de la main de son utilisateur et s'intègre facilement à son rituel beauté. Il suffit de poser la crème fournie dans le package sur le visage, puis de promener doucement d'appareil sur les joues, le front… Cet objet connecté, fabriqué et commercialisé par la start-up tricolore Feeligreen depuis un peu plus d'un an, a pour promesse d'améliorer la pénétration cutanée des actifs cosmétiques grâce aux micro-courants et à la luminothérapie.

"L'e-beauté éveille l'attention des grands groupes car ils n'ont historiquement pas de compétences technologiques"

"Nous n'avons pour le moment vendu que quelques milliers de nos Activ'feel", indique le PDG de la jeune pousse Christophe Bianchi. De faibles chiffres qui n'ont pas l'air d'affoler le patron, car le grand public n'est pas la véritable cible de ce produit. "Activ'feel est un objet connecté de démonstration que nous avons développé pour présenter aux grandes marques de cosmétique et aux laboratoires pharmaceutiques notre savoir-faire", explique-t-il. L'entreprise s'est construite dès sa fondation en 2012 comme une société BtoB et réalise aujourd'hui 80% de son chiffre d'affaires sur ce segment de marché.

"Le secteur de la beauté connectée grand public n'en est qu'à ses prémices. Il ne devrait pas véritablement décoller avant cinq ans, et encore, c'est un minimum", analyse Julien Romestant, directeur de l'intelligence économique de la Cosmetic Valley, une structure financée à 30% par l'Etat pour promouvoir les PME et les start-up hexagonales de ce secteur et les mettre en relation avec de grands groupes.

La Cosmetic Valley organise chaque année le salon Cosmetic 360. L'Oréal, LVMH… Au cours de l'édition 2016, six géants du marché de la beauté ont passé au crible 200 projets présentés par de jeunes entreprises. Une bonne partie étaient des innovations IoT. "Ce secteur éveille l'attention des grands groupes car ils n'ont historiquement pas de compétences technologiques. Ils ont tout intérêt à s'adosser à des start-up spécialisées pour commencer à travailler sur des gammes de produits connectés", poursuit Julien Romestant.

Le parcours de Feeligreen confirme cette analyse. "Lorsque nous avons lancé notre premier appareil, nous avons eu des coups de téléphone de plusieurs multinationales. Mais avant de signer quoi que ce soit avec nous, elles ont voulu s'assurer que nous étions une entreprise pérenne, capable d'innover sur le long terme et pas seulement sur un one shot", se souvient Christophe Bianchi. Lorsque la jeune pousse sort un an plus tard sa deuxième machine, c'est gagné : elle engrange ses premiers contrats. Concrètement, Feeligreen aide ces firmes à créer en marque propre des objets connectés intégrant sa technologie, et à adapter les formules de leurs crèmes pour qu'elles soient compatibles avec ces équipements.

Les appareils de Feeligreen sont made in France, un atout dans le secteur de la beauté notamment sur le marché asiatique qui est très friand des marques tricolores

Les produits de Feeligreen respectent les réglementations européennes qui encadrent la fabrication d'appareils médicaux. "Cela nous a permis de nous distinguer par rapport aux 11 000 références souvent bas de gamme qui apparaissent sur Alibaba lorsque l'on tape l'expression connected beauty dans le moteur de recherche", explique le dirigeant. Feeligreen fabrique l'intégralité de ses objets connectés à moins de 100 kilomètres de ses locaux. "Le made in France est un atout dans le secteur de la beauté, notamment sur le marché asiatique qui est très friand des marques françaises", note Julien Romestant.

L'entreprise a tissé des partenariats avec cinq titans de la cosmétique et de la pharma, comme l'américain Johnson and Johnson et le laboratoire dermatologique Galderma, filiale de Nestlé. Elle espère passer à dix d'ici la fin de l'année et tripler son chiffre d'affaires entre 2016 et 2017 (Feeligreen n'a pas souhaité communiquer le montant exact de son CA). Les premiers produits co-créés avec ces groupes sortiront sur le marché mi-2017. "Aujourd'hui, nous produisons pour eux de petites séries d'appareils. Nous mettrons en place un modèle de licence par la suite, lorsque les quantités à fabriquer deviendront importantes", précise le patron.

Même si le secteur de la beauté connectée BtoC n'a pas encore totalement éclos de son œuf, certaines start-up ont décidé de s'y lancer directement, sans passer par l'intermédiaire des grands groupes. "Le marché des appareils cosmétiques devrait peser 54 millions de dollars à l'échelle mondiale d'ici 2020, selon une analyse de Persistence Market Research. Nous comptons nous positionner sur ce créneau", indique Stanislas Vandier président de Wired Beauty. La jeune pousse tricolore a lancé en janvier 2016 sur le site de financement participatif Kickstarter un masque intelligent dénommé Mapo qui se fixe sur le visage après la pose d'une crème ou d'un soin pour les faire mieux pénétrer. L'appareil sera commercialisé courant 2017.  La jeune pousse française a également conçu Mapo Sun, un capteur UV qui se fixe sur les vêtements de son utilisateur, et lancera ce produit à l'été 2017.

"Le marché des appareils cosmétiques devrait peser 54 millions de dollars à l'échelle mondiale d'ici 2020"

"Nous espérons avoir vendu 100 000 pièces de chaque appareil d'ici un an et demi. Nous croyons beaucoup en l'appétence du marché asiatique pour ces objets connectés, notamment le Mapo Sun, car les consommateurs essayent là-bas de lutter par tous les moyens contre les taches cutanées provoquées par le soleil. Le fait que nos produits soient entièrement fabriqués en France devrait jouer en notre faveur", prévoit le dirigeant.

Mapo et Mapo Sun coûteront respectivement 300 et 60 euros à l'achat. Trop cher ? "Non. 60 euros, c'est moins que le prix de nombreuses crèmes cosmétiques", répond le patron. Il n'empêche : l'usage de ces appareils devra entrer dans les habitudes des consommateurs pour qu'ils acceptent de payer ces tarifs. "Nous comptons commercialiser nos objets connectés dans des instituts, des salons de coiffure, des spas…" Autant d'espaces où leur utilisation pourra être expliquée, et (peut-être) convaincre les clients.

Plutôt que d'attendre que ces nouvelles routines cosmétiques se mettent en place, des entrepreneurs malins ont décidé d'exploiter un objet connecté qui est déjà dans toutes les mains : le smartphone. La start-up taiwanaise Perfect Corp a lancé l'application YouCam Makeup. Grâce à un logiciel qui cartographie le visage des utilisateurs, l'entreprise est capable d'apposer sur leurs selfies différents types de maquillage. "Le succès de cette application, qui a été téléchargée plus de 100 millions de fois, atteste du potentiel de la beauté connectée accessible à toutes les bourses. Le marché commencera par décoller avec ce type de solutions", affirme Julien Romestant.

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