Le PDG de Michelin alerte sur une compétitivité européenne à bout de souffle
Florent Menegaux, PDG de Michelin, a récemment exposé devant le Sénat français les défis majeurs auxquels l'industrie européenne est confrontée. Entre coûts de production élevés, fiscalité écrasante et complexité réglementaire, il dresse un constat alarmant sur la perte de compétitivité du Vieux Continent.
Coûts salariaux et énergétiques
Lors de son audition devant la Commission des affaires économiques du Sénat, Florent Menegaux a souligné la flambée des coûts de production en Europe, particulièrement dans l'industrie pneumatique, qui est très énergivore.
"Si l'on prend une base 100 pour Michelin en Asie en 2019, on est toujours à 100 en 2024. Les prix n'ont presque pas évolué, et on a fait de la productivité pour compenser l'inflation. En 2019, l'Europe était à 134, donc on était 34% plus cher qu'en Asie mais c'était gérable. Aux États-Unis, on était à 127. Maintenant, on est à 176 aux États-Unis et à 191 en Europe. On est devenu deux fois plus chers en Europe qu'en Asie", a-t-il déclaré, cité par L'argus.
Le coût de l'énergie est un facteur clé de cette envolée. "Le coût de l'électricité en Europe est de 132 euros le mégawattheure, contre 68 euros en Amérique du Nord", a-t-il ajouté, selon l'Opinion. Cette différence, combinée à l'inflation salariale, complique la compétitivité des entreprises européennes.
Les coûts salariaux représentent un autre obstacle majeur. En France, pour 100 euros bruts versés par une entreprise, le salarié ne perçoit que 77,5 euros, contre 80 euros en Allemagne et 85 euros au Canada. Cette disparité, selon Florent Menegaux, désavantage fortement les entreprises françaises et pénalise également les salariés. "le coût salarial pour l'entreprise est trop élevé et le net perçu par les salariés est trop faible", a-t-il martelé.
Une réglementation instable qui freine l'innovation
Florent Menegaux a également critiqué la complexité et l'instabilité des réglementations européennes, qui rendent difficile le retour sur investissement pour les entreprises industrielles. Il a pointé du doigt les 27 déclinaisons nationales des directives européennes, qu'il a qualifiées de "cauchemar administratif".
"Quand vous mettez vingt ans à développer une technologie et que vous avez une réglementation qui change tous les ans, c'est très difficile d'investir et de se projeter", a-t-il expliqué devant les sénateurs. Ce constat illustre les difficultés auxquelles est confrontée Michelin pour déployer des innovations majeures, telles que ses presses électriques permettant de réduire la consommation d'énergie fossile de sept fois.
Une concurrence asiatique de plus en plus agressive
L'industrie pneumatique est confrontée à une surcapacité mondiale, notamment en raison de l'essor des manufacturiers asiatiques. "En vingt-cinq ans, il s'est créé 200 manufacturiers de pneus en Chine", a rappelé Florent Menegaux. Cette concurrence a fait chuter les parts de marché des principaux acteurs mondiaux, y compris Michelin, qui est passé de 20% à moins de 15% des parts de marché globales depuis 2004.
En parallèle, la capacité d'exportation à partir de l'Europe s'est drastiquement réduite. "tout notre modèle de croissance au cours des cinquante dernières années a été d'utiliser l'Europe comme moyen d'investir le monde. Mais on n'a plus d'espace pour pouvoir exporter et pour pouvoir faire des produits d'entrée de gamme.", a-t-il déploré.