La place de la femme dans une chirurgie innovante

Aujourd'hui, 70% des étudiants en médecine sont des femmes, or, seulement 30% d'entre elles choisissent de devenir chirurgiennes.

L’accès des femmes à la profession représente pourtant un véritable enjeu social d’émancipation féminine, au cœur de la journée internationale des droits des femmes qui se tient ce 8 mars.

Si les femmes sont de plus en plus représentées et même aujourd’hui majoritaires sur les bancs des universités de médecine, les spécialités chirurgicales figurent parmi celles auxquelles elles se destinent le moins, alors même qu’elles se placent parmi les mieux classées aux examens. Les femmes représentent aujourd’hui plus de la majorité des internes et sont pourtant moins de 40% à choisir de s’orienter en médecine nucléaire, neurochirurgie et chirurgie générale. La proportion de femmes augmente toutefois dans la profession ; elles sont aussi en moyenne plus jeunes que les hommes, ce qui s’explique par leur entrée plus récente dans la profession. Dans le secteur libéral, qui concerne la majorité de la profession, il est aussi bon de noter que les honoraires individuels moyens des chirurgiens femmes sont 27,8% moins élevés que ceux de leurs confrères masculins.

Cette disparité au sein de la discipline chirurgicale n’est que le reflet d’un problème à plus large échelle. 70% des sage-femmes, aides-soignants, infirmiers, sont des femmes. Si la plupart des professions de santé sont traditionnellement féminines, dès lors que l’on s’attache à observer les professions du plus haut niveau d’étude, avec la chirurgie pour premier exemple, les femmes sont moins représentées.

Plusieurs raisons expliquent cette réticence, à commencer par un parcours universitaire complexe à l’environnement hostile, façonné par les cases dans lesquelles la société tend à limiter les jeunes femmes et leurs ambitions. Le milieu universitaire français n’échappe pas à la règle. La formation supérieure est une période cruciale au cours de laquelle les futurs médecins acquièrent les codes et connaissances propres au métier, et où ils apprennent malgré eux à reproduire des schémas sociétaux traditionnels déjà intériorisés.

La discipline de la chirurgie, caractérisée par un niveau de formation d’excellence et un haut prestige social, un environnement déconsidérant et sous-estimant les femmes, les dissuadent de s’y consacrer. Parmi celles qui persévèrent et choisissent la chirurgie contre vents et marées, la plupart délaissent la chirurgie orthopédique, urologique, vasculaire ou viscérale et digestive, leur préférant la chirurgie infantile et la gynécologie-obstétrique, qui correspondent davantage à une idée stéréotypée du rôle maternel que devrait tenir une femme dans la société.

L’équilibre délicat à maintenir entre vie de famille et ambitions professionnelles, point parfois soulevé auprès des chirurgiennes, n’est pourtant en rien un frein à leurs yeux. Les femmes ayant choisi de faire carrière ont d’ailleurs souvent été encouragées dans cette voie par leur famille.

L’ensemble de ces enjeux sociaux, à la fois d’inégalité et de non-mixité, couplé à un manque de sensibilisation des médecins hommes à ces problématiques, freinent l’émancipation des femmes en chirurgie, discipline dans laquelle elles ont pourtant un rôle clef à jouer.

Des atouts à mettre en avant

Malgré les obstacles pointus auxquels elles se retrouvent confrontées, les femmes ont les capacités de changer l’image de la chirurgie du futur, avec des atouts non négligeables à sa pratique. En effet, la chirurgie est en pleine mutation aujourd’hui et les chirurgiens femmes ont une place à prendre dans ce changement. Auparavant, la chirurgie française se cantonnait à des interventions, sous anesthésie pour soigner des pathologies, désormais, cela n’est plus le cas. Une modification du paradigme est en cours pour des traitements moins invasifs, plus précis et plus à l’écoute du patient et de sa douleur.

La chirurgie qui se développe à ce jour, et qui devrait perdurer, est synonyme de retour au patient, à son écoute, avec le moins de traumatismes possibles. C’est dans cette optique que se développent la chirurgie robotique, endoscopique et l’utilisation de l’Intelligence Artificielle dans le domaine médical. Les interventions se veulent moins invasives et les équipes chirurgicales cherchent ainsi à intégrer des outils de précision pour traiter les pathologies avec un minimum d’impact pour le patient. Par exemple, l’utilisation des orifices naturels du corps grâce à des plateformes endoscopiques flexibles permettent de respecter au maximum le corps et les organes du patient, et ces techniques sont désormais mises en avant dans la formation des chirurgiens français. 

Cette révolution de la chirurgie pourrait permettre aux femmes de prendre place dans un monde qui leur est encore restreint. Si le genre du praticien n’a pas d’impact sur la qualité des soins prodigués par les médecins, avec une nouvelle doctrine du patient sans cesse au cœur des préoccupations, les chirurgiennes pourraient tirer leur épingle du jeu. En effet, même si cela ne devrait pas être le cas, la socialisation primaire des enfants pousse les femmes à plus d’empathie et d’écoute que les hommes. Ainsi, on retrouve ces qualités lors de la pratique d’un acte chirurgical, puisqu’une femme médecin aura naturellement tendance à être plus à l’écoute des besoins de son patient et réaliser de ce fait une opération qui aura le moins d’impact possible sur le corps de ce dernier.

De plus, la chirurgie ne se déroule pas aux mains d’une seule personne qui opère, c’est donc bien toute une équipe qui doit travailler dans le même sens vers un objectif commun : le bien du patient. De ce fait, la particularité d’une équipe dirigée par une femme s’ancre dans la verticalité de la relation, de laquelle découle une mise en confiance au long terme du reste du personnel, conscient que leur travail sera valorisé et apprécié.

Finalement, le genre n’importe que peu dans le travail d’un chirurgien, mais il est important de mettre en avant les atouts que chacun possède pour valoriser au mieux son travail et être reconnu. Si le parcours et l’environnement restent compliqués pour une femme dans ce monde d’hommes, une volonté de fer et des atouts mis en valeur pourront permettre aux chirurgiennes, en poste et celles en devenir, de s’implanter au cœur de la chirurgie du futur.