Modernisation numérique du secteur de la santé : et si l'on revoyait les bases ?

En dépit de l'explosion de l'offre numérique en santé des deux dernières années, le personnel médical rencontre toujours des difficultés liées aux matériels informatiques les plus basiques.

Lorsque la Covid-19 s'est répandue à travers le monde en 2020, les établissements médicaux du monde entier ont été débordés, créant des retards dans le traitement des cas non couverts par la Covid. Le numérique avait offert des solutions efficaces pour répondre à ces défis et il n’est dorénavant plus possible d’envisager les soins de santé sans l’appui de la technologie. Pourtant, le personnel médical rencontre toujours des difficultés liées aux matériels informatiques les plus basiques que sont les imprimantes, les scanners et autres appareils communément appelés périphériques informatiques.

Savoir marcher avant de courir

En mai 2020, le 1e ministre Edouard Philippe affirmait à l’occasion du lancement du « Ségur de la Santé » la volonté du gouvernement de « trouver les moyens d’accélérer la rénovation en profondeur notre système de santé », notamment grâce au numérique pour bâtir « l’écosystème qui nous permettra de les utiliser [nos données], au service de la médecine et au service du patient ». Aujourd’hui en 2023, nous vivons donc l’ère de l’e-santé où les consultations à distance se démocratisent et où le recours à l'automatisation numérique peut aider les professionnels de santé dans la gestion de leurs patients en les libérant de la paperasse. Les praticiens peuvent (enfin) consacrer plus de temps à l’accomplissement de leur métier : diagnostiquer et soigner leurs patients grâce à l’analyse des données recueillies auprès d’eux, puis les comparer à celles d’autres malades pour définir le meilleur traitement. Sous réserve bien sûr, que les documents de santé soient numérisés.

Nous faisons face à un paradoxe technologique qui veut que nous louions les bienfaits du numérique en santé, sans nous être suffisamment intéressés à la numérisation des documents médicaux eux-mêmes. Dans un secteur comme la santé où l’information manuscrite demeure prépondérante, numériser un document signifie simplement le scanner pour le rendre gérable et accessible par ordinateur. En effet, une fois scanné, tout document est converti en fichiers de texte grâce à la technologie de reconnaissance optique de caractères (OCR), sauvegardé en toute sécurité, consultable et partageable entre les personnels concernés et accrédités. Pourtant, 65% des professionnels de santé français perçoivent la numérisation comme un défi majeur des 3 prochaines années. Ils sont d’ailleurs 43 % à préciser que l’adoption de technologies de scan est l’un des trois investissements prioritaires avec les vidéoprojecteurs et les tablettes.

Donner le temps aux professionnels de santé de nous soigner

Utiliser et exploiter numériquement des données de santé suppose donc de rendre possible la numérisation des documents par le personnel médical, mais il est également nécessaire d’assurer son interopérabilité technique pour que la donnée soit partagée sur un même canal. Avant d’atteindre une dimension nationale, l’exploitation d’une donnée de santé au sein même de la structure qui l’a émise et numérisée est déjà un atout de taille.

La « pénurie technologique hospitalière » s’étend en effet jusqu’aux équipements bureautiques, ce qui pousse 19% des professionnels de santé, français comme européens, à déclarer perdre entre 4 et 5 heures par mois du fait de problèmes informatiques ou d’équipements défectueux. Pire encore, 7% perdraient jusqu’à 10 heures par mois c’est-à-dire l’équivalent d’un service quotidien complet dans la fonction publique hospitalière. Ramené à l’échelle de l’AP-HP et ses 100 000 professionnels de santé, cela signifierait que 7 000 médecins, internes, personnels soignants, paramédicaux et socio-éducatifs perdraient chaque mois une journée complète de travail. Ces problématiques matérielles peuvent pourtant être résolues grâce à des investissements relativement modestes, d’autant que certaines de ces technologies pourraient jouer un rôle dans la réduction des coûts énergétiques. Pour poursuivre le développement technologique initié pendant la pandémie, les responsables informatiques doivent donc prendre des mesures simples et ciblées en concertation avec le personnel soignant afin d’être en mesure de répondre à leurs besoins par ordre d’urgence.

Qu’il s’agisse de doter un service d’un nouvel appareil plus performant ou tout simplement d’en assurer le fonctionnement continu en anticipant les maintenances nécessaires, toute action entraîne une augmentation de la productivité du personnel soignant allant de pair avec sa satisfaction. Deux critères prépondérants pour la préservation de la qualité de notre système de santé, sur lequel nous n’avons jamais autant compté.