Laurent Probst (Île-de-France Mobilités) "Les trajets en covoiturage ont été multipliés par 5 pendant les grèves"

Le directeur général de l'autorité des transports franciliens dresse le bilan des grèves et évoque le futur de l'expérimentation de subvention du covoiturage, qui doit devenir pérenne grâce à la loi mobilités.

JDN. L'expérimentation de subvention du covoiturage courte distance en Île-de-France, qui rend les trajets gratuits pour les détenteurs de pass Navigo, devait s'arrêter le 31 décembre. Quelles suites avez-vous décidé de lui donner ?

Laurent Probst est DG d'Ile-de-France-Mobilités, l'autorité des transports franciliens (ex-Stif). © Ile-de-France Mobilités

Laurent Probst. Nous venons de décider en conseil d'administration de la prolonger temporairement jusqu'en juin. Nous étions censés tout cesser fin 2019 pour passer à un mécanisme pérenne. Mais la loi mobilités a pris du retard et nous attendons donc la parution de décrets d'application qui vont augmenter les barèmes de défraiement du covoiturage. Aujourd'hui, le dispositif ne peut se faire que sous le régime de l'expérimentation car nous indemnisons les conducteurs bien plus que ne le permet la loi (10 centimes par kilomètre, ndlr).

Lors d'un précédent bilan, vous trouviez les chiffres décevants (2 000 voyageurs par jour en moyenne début 2019), bien qu'en croissance. Qu'en est-il aujourd'hui ?

Avant la grève,  entre septembre et octobre 2019, nous étions à 3 000 voyageurs par jour en moyenne. La croissance se poursuit donc. Et pendant les grèves, nous avons connu des pics à 21 000 utilisateurs quotidiens, et une moyenne à 15 000 voyageurs, soit une multiplication par 5. Nous-mêmes et la région avons fait un travail de promotion du dispositif spécial de subvention que nous activons pendant les grèves (jusqu'à 4 euros subventionnés par trajet au lieu de trois, ce qui permet de couvrir des distances au-delà de 30 kilomètres, ndlr). Mais en effet, nous visons plutôt des volumes de 100 ou 200 000 voyageurs quotidiens. 

Les plateformes ne trouvent pas assez de chauffeurs par rapport au nombre de passagers qui cherchent des covoiturages. Vous avez pris des mesures incitatives, comme le fait de rémunérer les conducteurs jusqu'à trois euros par passager, contre, auparavant, deux euros par trajet quelque soit le nombre de passagers.  Ont-elles permis de corriger ce problème ?

Objectivement, il manque toujours beaucoup de chauffeurs. Nous aurons davantage de demandes le jour où nous pourrons proposer davantage de trajets. Avant la grève, j'ai essayé de convaincre l'Etat d'afficher des incitations aux conducteurs sur les panneaux lumineux, sans succès.

A quoi ressemblera ce futur modèle de subvention pérenne que vous préparez ?

Il s'agira soit d'un mécanisme similaire à ce qui existe aujourd'hui, avec un certain nombre de conditions à respecter pour en faire partie, soit d'un appel d'offre qui accordera un monopole à un opérateur sur tout le territoire. L'avantage du premier modèle est de permettre à plusieurs start-up d'exister et d'innover avec différents modèles économiques et stratégiques, par exemple Klaxit avec les entreprises, Karos directement avec les territoires ou BlaBlaLines avec une base nationale d'utilisateurs grand public issue du covoiturage longue-distance. Il incite aussi les entreprises à trouver des revenus et une rentabilité qui ne provient pas seulement de l'argent public, sans quoi elles n'auraient pas forcément de motivation à développer davantage leur activité. Si nous allons vers le choix d'un opérateur unique avec une rémunération via un contrat de délégation de service public, l'opérateur sera moins incité à croître, mais l'avantage serait de donner davantage de visibilité au covoiturage. Ce sera aux élus de trancher au mois de juin.