Le free floating se déconfine entre espoirs et incertitudes

Le free floating se déconfine entre espoirs et incertitudes Durement touché par la crise, le secteur des mobilités en libre-service est de retour dans les rues avec des flottes réduites. Il espère conquérir de nouveaux utilisateurs, mais restera impacté par la poursuite du télétravail et l'absence de touristes.

A cette période de l'année, ils devraient déjà pulluler depuis longtemps. Le déconfinement du 11 mai marque le retour des trottinettes, scooters et vélos en libre-service dans l'espace public. La plupart des opérateurs avaient mis en pause leurs services, mettant en avant leur devoir de responsabilité, même si la demande pour leurs engins s'était de toute façon effondrée. Un retour préparé depuis des semaines pour prendre en compte les nouvelles règles sanitaires et surfer sur les difficultés des transports en commun, le tout dans un contexte d'incertitudes sur la reprise de leur croissance. 

Avant même le déconfinement, les opérateurs ont commencé à rappeler une partie de leurs équipes techniques, afin de les préparer à suivre de nouvelles procédures sanitaires. Aucune loi ni décret pris depuis le confinement ne s'applique spécifiquement aux engins en libre-service, contrairement aux taxis, VTC, et transports en commun qui doivent se plier à de nouvelles contraintes. Les opérateurs ont donc mis en place des procédés comme bon leur semblait, en consultant le ministère des Transports et les villes dans lesquelles ils officient. 

Réveiller les utilisateurs

Ils désinfectent notamment les trottinettes à chaque réparation ou recharge, théoriquement une fois par jour. Mais un appareil pouvant être manipulé par cinq à dix personnes chaque jour, c'est loin d'être suffisant pour éviter les propagations. "Il est impossible de nettoyer l'appareil entre chaque utilisation", assure Driss Ibenmansour, directeur général de Bird en France. L'entreprise américaine, tout comme ses concurrents, compte donc sur la responsabilité des utilisateurs et sur des messages dans les applications invitant à se laver les mains avant et après chaque usage. 

Fait rare pour un service numérique, les opérateurs doivent réveiller une communauté d'utilisateurs endormie de force depuis plusieurs semaines. Ils comptent les faire revenir avec des notifications push et des promotions. Ils espèrent aussi recruter de nouveaux utilisateurs, misant sur la peur des transports publics chez une partie de la population qui cherchera des solutions de déplacement plus individuelles. Et aussi sur la désorganisation des réseaux publics. Le 30 avril, les grands opérateurs de transport français (SNCF, RATP, Keolis, Transdev) ont adressé un courrier à Matignon, dans lequel ils se disent incapables d'augmenter les capacités de transport en respectant les mesures de distanciation sociale. Ils demandent l'aide de la police et alertent sur les risques de tensions et d'arrêt de service en cas de forte affluence. Certaines lignes de RER et de métro étaient d'ailleurs déjà bondées au premier jour du déconfinement.

"Nous pourrions demander aux mairies d'agrandir la taille maximale des flottes autorisées"

Anticipant un report des transports publics vers leurs services, plusieurs opérateurs dont Lime et Dott proposent des abonnements réduisant le prix des trajets, afin de permettre une utilisation davantage quotidienne de leurs engins. "Nous sommes en train de nous rapprocher de plusieurs opérateurs de transport public pour réadapter le déploiement de nos appareils près de leurs stations au sein de structures dédiées", précise d'ailleurs Benjamin Barnathan, directeur général de Lime en France. En cas d'afflux d'utilisateurs, "nous pourrions demander aux mairies d'agrandir la taille maximale des flottes autorisées", veut croire Lucas Bornet, directeur général France de la start-up suédoise Voi. 

Malgré ces sources d'espoirs, les opérateurs ont redémarré avec des flottes de taille réduite afin de tester la demande, et augmenteront progressivement le nombre d'engins déployés. Par exemple, Lime s'est relancé avec seulement 50% de sa flotte pré-confinement. Chez Bird, c'est un tiers. Car les incertitudes demeurent sur la reprise. D'abord, si les utilisateurs de ces services continuent à télétravailler massivement, les difficultés des transports publics n'auront que peu d'effet sur l'activité. Et dans des villes comme Paris, l'absence de touristes continuera de peser sur les volumes de trajets. "Ils représentent 30% de nos courses en moyenne à l'année, et 50% en août", illustre Driss Inbenmansour chez Bird. "S'ils ne reviennent pas, il y aura forcément un impact, à moins que les nouveaux utilisateurs locaux permettent de compenser ce manque". 

"Nous avions planifié entre 8 et 16 semaines d'interruption en France. Nous avons confiance dans une reprise graduelle et saine du service. Lime s'est déjà relancé à Tel-Aviv ainsi qu'en Allemagne et nous y observons un retour progressif des utilisateurs", assure Benjamin Barnathan. Lucas Bornert abonde, avec les exemples des marchés nordiques déconfinés sur lesquels Voi est très présent "La demande y est normale voire légèrement supérieure". Pas de grand soir après le déconfinement, mais un timide retour à la normale.