Employeurs dans la mobilité : ces acteurs indispensables au report modal

Quel rôle les employeurs peuvent-ils effectivement jouer ? Se saisissent-ils du sujet et agissent-ils pour accompagner ces transformations ? Quels sont les risques pour eux à ne rien faire ?

Accentués par la pandémie et de nouvelles réglementations restrictives, les rythmes et pratiques de travail évoluent, induisant des transformations rapides dans la mobilité du quotidien. Celles-ci impactent l’organisation du travail et in fine l’employeur. Réalisée à 74% en voiture individuelle, la Mobilité Domicile-Travail représente une part importante de l’empreinte carbone liée à la Mobilité en France.

Dans le même temps, le rapport annuel 2023 de la Cour des Comptes nous rappelle que l’organisation administrative du territoire (multiplicité des échelons, des périmètres géographiques et dispersion des compétences) freine le déploiement d’offres de mobilité alternatives à l’autosolisme pertinentes.

Une étude menée par Collectif Mobilités en novembre 2022 souligne qu’environ trois quarts des franciliens et lyonnais interrogés estiment que proposer des solutions alternatives à l’autosolisme est du ressort de l’employeur.

De nouvelles réglementations mises en place… avec une efficacité encore relative

La congestion aux abords des grandes métropoles est due à un allongement continu des trajets domicile-travail depuis les années 60 et à l’éloignement grandissant des zones résidentielles des bassins d’emploi. Sortir la voiture du centre-ville devient l’objectif principal pour libérer de l’espace et améliorer la qualité de l’air.

Ainsi, deux familles de mesures sont progressivement déployées par les collectivités territoriales, pour limiter les émissions de GES et le trafic. La Loi Climat contraint 43 Métropoles françaises à instaurer des ZFE (Zone Faible Emission) d’ici 2025 en limitant l’accès des centres villes à certaines vignettes Crit’Air.

En parallèle, l’espace réservé à la voiture diminue au rythme des aménagements piétons, des nouvelles pistes cyclables, voies de bus et de covoiturage. Plus restrictives encore, les ZTL (Zone à Trafic Limité) délivrent des autorisations de circuler essentiellement aux riverains.

Pourtant, les populations directement touchées par ces restrictions habitent souvent en périphérie des agglomérations, ont des revenus souvent modestes et/ou ne sont parfois pas éligibles aux subventions accordées aux habitants des villes centre. Les outils pour les accompagner sont en inadéquation avec la réalité des bassins d’emplois qui diffèrent des frontières administratives. Aussi, le calendrier des ZFE, comme à Lyon, est repoussé.

Les employeurs deviennent donc un relais incontournable pour accompagner le report modal des travailleurs

La LOM contraint sous certaines conditions les entreprises de plus de 50 employés sur un même site à élaborer un plan d’action Mobilité. Elle incite les entreprises à mutualiser leurs efforts en travaillant avec les Autorités Organisatrices (AO).

Des regroupements d’employeurs proposent déjà des initiatives en ce sens comme la démarche Orly'Pro'Mobilité (qui prévoit la construction de pistes cyclables, de stationnement vélo, et une application de covoiturage pour ses 10 000 employés) ou encore l’EPA Saclay qui développe son propre MaaS.

Les employeurs, avec la fourniture du FMD, peuvent aussi allouer jusqu’à 700€ par employé afin de financer aussi bien un abonnement TC que l’achat d’un vélo électrique.

Les AO peuvent collaborer avec les entreprises pour communiquer sur des solutions, voire les inciter financièrement. A Grenoble, les entreprises de la communauté M’Pro bénéficient de tarifs réduits sur les transports. Elles développent également des offres de mobilité adaptées aux zones d’activités, comme à Fos-sur-Mer où des navettes ont été instaurées pour irriguer la zone industrielle.

Enfin, la création de Syndicats Mixtes ou d’Etablissements Publics Locaux auxquels différents échelons de collectivités territoriales délèguent leurs compétences mobilité permet d’articuler l’action publique à la bonne échelle, celle des mobilités du quotidien sur un bassin de vie. Pour autant, ces structures de gouvernances sont longues à installer et lentes à décider, car sous-tendues par des processus de concertation et d’alignement souvent complexes entre des parties prenantes très variées, y compris politiquement.

Conclusion

Les nouvelles restrictions et les changements de comportements transforment le rapport des employés à la Mobilité. Les collectivités seules peineront à instaurer des mesures d’accompagnement efficaces pour tous, c’est pourquoi l’employeur devient un maillon essentiel de la chaîne. De premières initiatives voient le jour, mais restent encore limitées. Sous la pression des employés, les employeurs doivent aujourd’hui se saisir du sujet au risque d’en payer le prix fort en termes de marque employeur et d’attractivité.