Les agrégateurs bancaires français s'éparpillent en Europe
Après avoir consolidés leurs places sur le marché hexagonal, Bankin', Budget Insight et Linxo accélèrent à l'international. Objectif : réaliser entre 15 et 50% de leur CA à l'étranger.
Chaque segment de la fintech a son champion européen. Younited Credit pour le crédit consommation, Transferwise pour le transfert d'argent, Raisin pour l'épargne, Lendix pour le prêt aux PME… Mais dans le monde de l'agrégation bancaire, aucun acteur ne s'est encore imposé sur le Vieux continent. Et les Français comptent bien y remédier. Le timing n'est pas un hasard puisque la directive européenne sur les services de paiement (DSP2) est entrée en vigueur le 13 janvier dernier. Celle-ci permettra d'ici mi-2019 aux fintech de se connecter aux données de paiement des banques via des API.
En attendant, les agrégateurs français se connectent aux banques étrangères avec la même technique qu'en France, à savoir le screen scraping, qui permet d'accéder aux données d'un client en utilisant ses codes d'accès. "Une fois les établissements bancaires aux normes DSP2 nous pourrons proposer une offre en partant des API", indique Clément Coeurdeuil, CEO de Budget Insight. La start-up aux 500 000 utilisateurs revendique une dizaine de "connecteurs" au Benelux, une dizaine en Allemagne et un seul aux Etats-Unis. Un connecteur correspond à un site web ou un département. Par exemple, Société Générale Particuliers et Société Générale Corporate sont deux connecteurs différents.
"On a choisi le Luxembourg tout simplement car nos clients voulaient qu'on y soit"
En mai 2017, la jeune société a ouvert une filiale au Luxembourg, qui compte désormais trois salariés. "On a choisi ce pays tout simplement car nos clients voulaient qu'on y soit", explique Clément Coeurdeuil. L'agrégateur a donc commencé à se brancher à plusieurs banques luxembourgeoises pour que ses 100 000 clients entreprises (banques, fintech, logiciels de comptabilité…) permettent à leurs utilisateurs de connecter leurs comptes à leur système d'information. Par exemple, cela permet au client d'un cabinet d'expert-comptable de connecter son compte luxembourgeois à son logiciel de comptabilité. Pour l'heure, le nombre d'utilisateurs étrangers est très marginal pour Budget Insight (la société ne donne pas de chiffres précis) mais ses premiers clients semblent satisfaits. "Depuis la fluidification des systèmes, le trafic a été multiplié par 7 sur l'application des comptes de certains clients banquiers au Luxembourg", note le dirigeant de la start-up, qui espère se développer rapidement en Angleterre, Espagne et en Allemagne. Il a enfin en ligne de mire le Maroc, un pays également réclamé par ses clients. L'entreprise espère tirer entre 10 et 15% de son chiffre d'affaires à l'étranger à terme.
Bankin' a aussi choisi de mettre un pied à l'étranger. L'agrégateur français est connecté depuis plus d'un an à 350 banques françaises, anglaises, allemandes et espagnoles (la répartition par pays n'est pas communiquée). La société aux 2,4 millions d'utilisateurs a choisi ces pays pour plusieurs raisons : "Tout d'abord, ils sont proches de nous. Ensuite, le service bancaire rendu est assez pauvre par rapport aux attentes des utilisateurs", confie Joan Burkovic, patron de l'agrégateur. "L'Angleterre et l'Espagne sont des pays où les grandes banques ont beaucoup de parts de marché et l'Allemagne est un pays stratégique en termes d'épargne et de richesse de la population", ajoute-t-il. Pour l'heure, la start-up préfère se concentrer sur ces pays car elle compte encore très peu d'utilisateurs étrangers. "On continuera notre expansion européenne à moyen terme", avance Joan Burkovic, sans préciser quels pays sont ciblés en premier. Par ailleurs, il prévoit que 50% de son chiffre d'affaires provienne de l'étranger à terme.
Des partenariats étrangers
Bankin' mise également sur les partenariats pour se développer en Europe. Il vient de s'associer avec le spécialiste du transfert d'argent britannique Transferwise, disponible dans 59 pays. Comme Bankin' détecte les mouvements bancaires sur les comptes de son utilisateur, il peut lui recommander d'utiliser Transferwise s'il fait régulièrement des transferts d'argent internationaux. Pour la fintech britannique, c'est un nouveau canal d'acquisition et pour l'agrégateur français c'est un moyen de proposer plus de services financiers, moyennant une commission. Pour l'instant, Bankin' renvoie vers le site de Transferwise mais l'offre devrait être intégrée à terme au sein de l'application. Joan Burkovic compte bien multiplier les partenariats à l'étranger. "Pour devenir un coach financier européen, on ne va pas pouvoir faire tout nous-mêmes. Il existe trop de produits différents en France et à l'étranger. De plus, l'épargne à long terme n'a rien à voir en France et en Espagne, que ce soit d'un point de vue réglementaire ou en termes de produits", explique le dirigeant.
Linxo table sur un chiffre d'affaires de 50% à l'étranger d'ici trois à cinq ans
Son concurrent Linxo a aussi signé un partenariat avec la fintech Raisin. Cette plateforme allemande permet aux épargnants de placer leur argent dans les banques européennes offrant les meilleurs taux d'intérêt sur des comptes à terme (les sommes restent indisponibles pendant un certain temps). Ce partenariat permet aux 1,6 million d'utilisateurs de Linxo d'avoir accès aux meilleurs comptes d'épargne dans toute l'Europe. La start-up assure que ce ne sera pas le dernier partenariat. "Nous cherchons des partenariats BtoB qui peuvent nous emmener dans des nouveaux pays ou alors des nouveaux partenaires qui ont des projets sur plusieurs pays", indique Bruno Van Haetsdaele, CEO de Linxo. En complément de ces collaborations, la start-up cherche à s'implanter dans trois Etats européens, dont les noms n'ont pas encore été arrêtés. "Notre but est d'augmenter notre communauté d'utilisateurs mais aussi de capter des acteurs à qui nous fournirons des produits en marque blanche", explique Bruno Van Haetsdaele. "Cela nous permettra de tester les trois pays pour accélérer en 2019 sur une couverture plus large", annonce le dirigeant. Il table sur un chiffre d'affaires de 50% à l'étranger d'ici trois à cinq ans.
Pays où ils sont présents | Pays où ils souhaitent s'implanter prochainement | |
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Bankin' | Allemagne, Espagne, Royaume-Uni (+les pays où Transferwise est présent) | Aucun à court terme |
Budget Insight | Allemagne, Belgique, Luxembourg, Etats-Unis | Angleterre, Espagne, Maroc |
Linxo | Allemagne (via son partenariat avec Raisin) | Trois états européens dont les noms n'ont pas encore été dévoilés |