Néobanques : un modèle durable ?
Exploits en matière d’innovation, fractures sur les prix, déboires réglementaires et financiers. Faut-il y voir dans les néobanques les débuts balbutiants d’un modèle solide et stable ou un simple effet de mode ?
N26, Revolut, Orange Bank… Des noms qui reviennent de plus en plus dans les actualités bancaires du monde. Leurs points communs ? Des banques 100% digitales et une croissance fulgurante.
En effet, ces néobanques (banques digitales, souvent 100% mobile, qui proposent une expérience client fluide et des produits basiques gratuits) sont entrées dans le paysage bancaire par la grande porte : des millions de clients en quelques années d’existence, des levées de fonds de plusieurs millions d’euros, de plus en plus de nouveaux entrants…
C’est le cas notamment de la banque N26, qui après une levée de fonds de 300 millions de dollars en 2019, revendique déjà 3,5 millions de clients après seulement 6 ans d’existence. De son côté, la start-up britannique Revolut – concurrente directe de N26 – est déjà valorisée à 1,7 milliard de dollars et compte plus de 3 millions de clients.
Cette croissance se démarque notamment par le développement à l’international (à l’exemple de N26 qui est déjà présent sur 24 pays européens), l’offre 100% digitale permettant une réelle plus-value sur cet axe. Là où les banques traditionnelles sont obligées de passer par un réseau d’agences pour distribuer leurs services, les néobanques jouissent d’une plus grande facilité de développement : en s’affranchissant du réseau physique et en proposant des offres sans frais. Avec une seule licence bancaire européenne, une néobanque pourra ainsi atteindre un plus large segment de clients.
Les banques traditionnelles ne restent néanmoins pas à l’écart de ce développement : c’est le cas notamment d’Orange Bank qui est le fruit d’un accord entre Orange et Groupama, mais aussi Eko lancée par le Crédit Agricole, Nickel racheté par BNP Paribas ou encore plus récemment Ma French Bank proposée par La Banque Postale.
Quels avantages pour les clients ?
Une expérience client unique, un modèle simple et flexible, des coûts faibles : telle est la formule magique du succès des néobanques.
D’un côté, le parcours client a été pensé pour offrir au client une liberté d’actions et une simplicité d’utilisation : ouverture de compte rapide sans obligations de fonds, une offre très simple avec des services basiques, une autonomie totale confiée au client (contrôles des plafonds, commandes de carte, changement de devises directement via l’application mobile). D’un point de vue digital, les applications – notées positivement sur les stores - bénéficient d’une ergonomie et d’un design pensé pour être le plus intuitif possible pour le client, contrairement à certaines applications bancaires traditionnelles où le client se noie dans les services proposés et la multitude de pages de navigation.
De l’autre, des services d’ordinaire premium chez les banques classiques sont proposés à moindre coût – voire gratuitement - au client : c’est le cas notamment du changement de devises proposé entre autres par Revolut, qui demeure très coûteux chez les banques traditionnelles. De plus, les néobanques offrent la possibilité du choix au client : il peut choisir à la carte ses produits et ne paye que pour les services premium dont il a besoin.
Cette association maximisation coût / utilité a permis une réelle percée dans le monde bancaire.
Un modèle au souffle court ?
Ces nouveaux entrants ont apporté une vraie disruption et il est évident qu’ils imposent un nouveau modèle : celui d’une deuxième génération de banque digitale, innovante et mobile first. Mais comme tout acteur digital, il s’accompagne de contraintes qui pourraient s’avérer lourdes sur la durabilité de ce modèle.
Tout d’abord, soulignons que les néobanques font face à une contrainte réglementaire de taille. Concrètement, les banques traditionnelles disposent d’un agrément d’établissement de crédit délivré par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), elles adhèrent et cotisent au Fonds de Garantie des Dépôts et de Résolution (FGDR), qui garantit les dépôts à hauteur de 100 000 euros par client en cas de faillite. Or, la quasi-totalité des néobanques ne disposent pas de cet agrément : ceci implique que les clients n’ont pas de garantie de remboursement lors de leurs souscriptions.
D’un point de vue conformité, certaines néobanques font face à des répercussions sur l’utilisation frauduleuses de leurs services. C’est le cas de N26 qui s’est vue réprimandée par la BAFIN (organisme de régulation financier allemand) sur les règles d’authentification jugées trop faibles pour lutter contre le blanchiment d’argent.
Au-delà de l’aspect réglementaire, l’offre limitée de produits peut également constituer un frein au développement futur. Souvent présentée comme un argument en faveur de la simplicité du modèle, sur le long terme un client risque de se rediriger vers une banque traditionnelle pour bénéficier de produits plus complexes et avoir des conseillers experts.
Enfin, malgré des chiffres surprenants en matière de conquête de part de marché, les résultats nets demeurent moroses. L'ACPR a pu analyser les résultats financiers de 8 établissements sur les 12 retenus et observe que "sauf quelques rares exceptions, ces nouveaux acteurs ne sont pas parvenus à dégager un résultat net positif en 2017". Une des raisons pourrait être la typologie des clients ciblés : clients aux revenus modestes (souvent encore étudiants, les "digital natives") ou clients souhaitant uniquement bénéficier des services innovants sans quitter leurs banques principales.
Le défi est donc de taille : la durabilité du modèle résidera dans la faculté des néobanques à faire face à ces contraintes réglementaires tout en gardant cette dynamique d’innovation.