Open banking : concrétiser les possibles !

La cinquième édition du Paris Fintech Forum, qui a récemment réuni les banquiers traditionnels et les fintech, n'a pas manqué de véhiculer quelques doutes : l'open banking est-il, oui ou non, l'avenir de la finance ?

Indéniablement, cette tendance à l’ouverture des banques - qui intègrent dans leurs canaux des produits et services de tiers et exposent leurs propres offres à l’extérieur autour d’écosystèmes de besoins clients, gagne peu à peu tous les acteurs du secteur - conscients, dans un contexte d’hyper concurrence et de baisse des marges, du potentiel de différenciation et de croissance qu’elle suppose. 

Des voix sceptiques commencent toutefois à se faire entendre. Le secteur serait-il en train de se tromper de stratégie ? Et si l’open banking n’était qu’une bulle, un effet de mode ? L’enjeu, capital non seulement pour le devenir du secteur mais aussi pour le financement d’une économie qui doit se réinventer face à des défis sociétaux et environnementaux sans précédent, mérite une clarification rigoureuse. 

Certes, les premiers développements de terrain livrent des messages qu’il faut savoir entendre. De l’idée, aussi bonne soit-elle, à sa réalisation, la concrétisation n’est pas toujours simple, ni immédiatement rémunératrice en termes de PNB : les partenaires potentiels des banques sont parfois trop petits ou trop gros, les revenus peuvent être faibles faute de volumes suffisants chez le partenaire ou d’une proposition de valeur assez large, l’appétence du client n’est pas toujours au rendez-vous. Les time-to-market, également sont longs : pour une banque, raccorder une fintech, véritable animal financier avec sa propre culture, ses innovations, ses process… prend nécessairement du temps en termes de compliance, d’ouverture des systèmes d’information, de gestion des risques. Enfin, l’acculturation est clé : travailler en open banking répond à un paradigme très différent de l’intégration verticale traditionnelle des acteurs du secteur. Casser les silos, ouvrir ses API - c’est à dire ses interfaces de programmation applicative, à des partenaires externes qui ne sont pas captifs, suppose une évolution culturelle, organisationnelle et technique profonde. 

Tout cela toutefois relève de la méthode, non du fond du sujet : or en matière d’open banking comme ailleurs, pour éviter les jugements hâtifs, il faut veiller à ne pas confondre le comment et le pourquoi.

Le pourquoi de l’open banking, c’est un potentiel incontestable en termes de développement et de réponse aux besoins des clients dans un monde qui change à grande vitesse. Alors que la pression du régulateur s’accroît, il ouvre de nouveaux relais de croissance libérés notamment de contrainte de consommation de fonds propres. Quand la confiance des citoyens consommateurs envers la banque s’érode et qu’ils attendent toujours plus de réactivité et de simplicité, la possibilité de construire des parcours intégrés et de leur proposer les meilleures compétences du marché pour accompagner leurs projets de bout en bout est une formidable occasion de renouer la relation sur "le dernier mètre". Plusieurs acteurs mondiaux l’ont déjà compris avec succès. 

Le comment, c’est la nécessaire vigilance à avoir sur la façon d’implémenter l’open banking pour qu’il livre pleinement ce potentiel. C’est là que doivent se concentrer les efforts des acteurs du secteur. Sans remettre en cause la pertinence de la démarche, il faut d’abord accepter sa temporalité, ses tâtonnements, ses imperfections : les évolutions profondes prennent du temps. A l’heure d’engager des partenariats et d’ouvrir son système, il faut ensuite ajuster les ambitions quantitatives, et recentrer la mesure du succès sur des indicateurs plus qualitatifs que le nombre de partenariats ou le revenu par client. Les critères de décision doivent rester centrés sur le besoin du client et du marché. Il est également clé de définir et de se tenir à des écosystèmes ciblés, sans éparpiller les initiatives, autour de certains besoins clients clairement identifiés – par exemple le parcours logement, consommation ou épargne. La démarche s’inscrit dans le temps : identifier une niche porteuse de valeur ne suffit pas, il faut aussi la développer avec patience, ténacité et détermination. Enfin, les process doivent être optimisés et les contraintes allégées pour réduire le time-to-market.

Parce qu’il replace le client au centre de tous les parcours et répond aux enjeux de la banque dans l’usage, parce qu’il est agile dans un monde confronté à des défis radicaux, parce qu’il crée toujours plus de valeur à mesure qu’il grandit, l’open banking tient bel et bien l’une des clés de l’avenir de la banque. A condition de l’aborder avec méthode, humilité et conviction. L’open banking ne saurait être une tocade, au risque d’être profondément déceptif. Pour livrer ses fruits, il doit être mené de façon rationalisée, systématique. Face aux attentes croissantes de nos clients et aux mutations de notre environnement, il n’est plus permis de douter.