Descartes Underwriting lève 15,7 millions d'euros pour secouer l'assurance paramétrique

Descartes Underwriting lève 15,7 millions d'euros pour secouer l'assurance paramétrique Cette assurtech française propose des solutions d'assurance aux grandes entreprises et Etats contre les catastrophes naturelles. Elle vise trois millions de dollars de primes par mois d'ici l'année prochaine.

Les assureurs sont sous pression. Selon l'agence de notation S&P Global Ratings, le Covid-19 avait coûté fin juin entre 35 et 50 milliards de dollars au secteur dans le monde. Certains s'en sortent mieux que d'autres, à l'image de Descartes Underwriting, assurtech spécialisée dans les catastrophes naturelles. La start-up française, fondée en 2018 par des anciens assureurs et réassureurs, annonce une levée de fonds de 15,7 millions d'euros auprès de Serena, Cathay Innovation et son investisseur historique BlackFin Capital Partners. Ce tour de table intervient 18 mois après une première levée de 2 millions d'euros. 

Descartes Underwriting propose des solutions d'assurance contre les risques climatiques et catastrophes naturelles, ce qu'on appelle dans le jargon, l'assurance paramétrique. Elle modélise les risques et distribue ensuite ses solutions via des courtiers. Les risques sont assurés par des grands assureurs et réassureurs mondiaux, dont Generali. A la différence des acteurs traditionnels, l'assurtech française utilise des sources de données peu exploitées dans le secteur (satellites, objets connectés, drones…) pour évaluer les risques et leur donner un prix. Par exemple, en cas d'ouragan, la start-up va récupérer des données sur la vitesse du vent par satellite.

"Tout dépend du risque mais en général, on peut tout traiter en moins de cinq jours"

Le recours à des algorithmes et des systèmes d'automatisation lui permettent également de raccourcir les délais de traitement des sinistres et le versement des indemnités. "Tout dépend du risque mais en général, on peut tout traiter en moins de cinq jours, contre au moins 18 mois chez les acteurs traditionnels puisqu'ils doivent notamment faire venir des experts sur place", explique Tanguy Touffut, CEO de Descartes Underwritting et ancien patron d'Axa Climate (branche d'assurance paramétrique de l'assureur français).

Un produit spécial pandémie

La start-up s'adresse majoritairement à de grosses PME, multinationales et des Etats. Elle compte une centaine de clients dans son portefeuille réparti dans une vingtaine de pays. "Le changement climatique impacte l'ensemble de la planète. Mais pour qu'on tienne le choc, il faut réussir à être présent dans plein de géographies", souligne Tanguy Touffut. La France n'est pas un gros marché pour Descartes Underwritting. L'assurtech revendique travailler pour de grands groupes français… à l'étranger. Elle vient seulement de recruter un business developper pour l'Hexagone. Les Etats-Unis sont en revanche une grosse zone d'activité pour la jeune pousse, sans grande surprise.

La levée de fonds va d'ailleurs permettre à la société d'ouvrir un bureau à New York et à Singapour. Le timing n'est pas encore arrêté en raison de la crise sanitaire. La Chine viendra dans un second temps. Les données sont difficilement accessibles pour un acteur étranger. D'où l'arrivée du fonds Cathay Innovation, qui dispose d'un bureau à Shanghai.

"Utiliser des données à partir de satellites et de l'IoT nous a procuré un avantage concurrentiel énorme ces derniers mois"

 

Ce nouveau financement servira aussi à élargir la gamme de produits de la start-up, dont un autour de l'inondation par la mer. "Si on prend les ouragans qui ont eu lieu en Louisiane et au Texas il y a quelques semaines, le risque d'inondation principal venait du vent qui poussait l'eau de la mer. C'est ce qu'on appelle le "storm surge" là-bas (onde de tempête en français, à savoir le rehaussement important du niveau de la mer, ndlr). Pour répondre à ce cas, il faut combiner des données issues de satellites, de drones et de jauges qui calculent la hauteur de l'eau", illustre Tanguy Touffut. Epidémie du Covid-19 oblige, l'assurtech travaille également sur un produit paramétrique pandémique. L'objectif consisterait à déclencher rapidement une petite partie de l'indemnité aux commerçants à partir d'un certains nombres de cas de contamination dans un pays et que le gouvernement impose un confinement. Le gouvernement verserait le reste des indemnités plus tard. Mais impossible de délivrer le produit tout de suite. "Il faut attendre que l'incendie cesse pour développer des produits. On ne peut pas assurer une plateforme qui est en train de brûler. Sans compter qu'un épisode comme celui-ci coûte quatre à cinq fois plus à un assureur qu'un gros événement comme l'ouragan Irma", justifie le dirigeant.

3 millions de primes par mois

La crise sanitaire a eu plutôt un effet bénéfique pour l'activité de Descartes Underwritting, qui travaille majoritairement avec des grandes entreprises, plus résistantes que les PME en période de crise. Ces grandes entreprises ont commencé dès le mois de mars à réduire leurs budgets et donc "à réduire les couvertures d'assurance non essentielles à leur activité pour se recentrer sur les couvertures de catastrophes naturelles", atteste Tanguy Touffut. Surtout, "elles cherchaient des produits qui permettaient de tout gérer à distance. Utiliser des données à partir de satellites et de l'IoT nous a procurés un avantage concurrentiel énorme", ajoute-t-il.  

Ce nouveau financement permettra enfin à Descartes Underwriting de recruter une trentaine de personnes en 2021. L'assurtech, qui compte une vingtaine de salariés, a d'autres ambitions, notamment en termes de collecte. Elle vise trois millions de dollars de primes par mois d'ici l'année prochaine, contre 1,5 million aujourd'hui. "Dans l'industrie, on ne regarde pas les primes mais la capacité, c'est-à-dire combien d'argent on peut perdre. Nous allons grossir notre capacité au-delà de 100 millions de dollars par contrat contre 75 millions aujourd'hui", confie Tanguy Touffut, qui compte se focaliser sur le haut du Cac 40 et le Fortune 500.