Les néo-banques remporteront-elles le marché des PME européennes ?

Insatisfait par l'expérience des banques traditionnelles et peu préempté, le marché des PME en Europe, évalué à 300 milliards de dollars, reste à saisir pour les néo-banques B2B.

L'Union européenne regroupe 24 millions de PME, soit environ une pour vingt citoyens. Selon la Commission européenne, les PME emploient près des deux tiers de la main-d'œuvre de l'UE. En France, les presque 3,5 millions de TPE-PME emploient 6,3 millions de salariés et réalisent 43% de la valeur ajoutée.

De telles statistiques révèlent le poids économique considérable des petites et moyennes entreprises et leur importance pour les économies de l'UE. Pourtant, ces entreprises ont historiquement été négligées et mal servies par les banques traditionnelles.

Contrairement à ces dernières, les néo-banques (entreprises fintech également connues sous le nom de "challenger banks") sont ravies d'attirer cette clientèle en mal d’efficacité. Nous assistons actuellement à une croissance explosive des produits et services destinés spécifiquement aux entrepreneurs, aux indépendants et aux petites entreprises. Néanmoins, si l'on considère qu’une PME consacre en moyenne 74 % de son temps à des activités hors de leur cœur de métier comme les paiements, la comptabilité, la paperasse, la recherche d'investissements ou de prêts, ce potentiel est loin d'être épuisé.

Banques traditionnelles contre néo-banques : quelles différences ?

À la différence des banques traditionnelles, les néo-banques ne sont pas ampoulées dans des process handicapants, bureaucratiques et chronophages. Elles peuvent donc fournir des services plus agiles à leur clientèle.

Les frais : Souvent, les banques traditionnelles ont une structure tarifaire complexe qui comprend des frais mensuels, des frais de banque en ligne, des commissions de mouvement et d'autres frais cachés - pouvant atteindre jusqu'à 30 euros par mois dans certains cas. Il peut donc être difficile pour les PME de prévoir leurs frais bancaires. En revanche, les néo-banques proposent des niveaux de tarification clairs, avec des frais mensuels fixes. Certaines vont jusqu’à proposer des formules gratuites ! Aussi, nombre de néo-banques ne pratiquent pas de taux d'intérêt négatifs.

L’onboarding : L'ouverture d'un compte professionnel auprès d'une banque traditionnelle peut être une expérience lente et laborieuse : 56 % des entreprises ont trouvé l'ouverture d'un compte bancaire professionnel pénible. Il y a de fortes chances que chaque PME ait connu au moins un moment où l'ordinateur dit non. En revanche, les néo-banques proposent généralement une expérience d'ouverture de compte entièrement numérique, qui peut être réalisée en quelques minutes, plutôt qu'en quelques jours.

Assistance à la clientèle : Il en va de même pour les demandes générales du service clientèle. Alors que les banques traditionnelles peuvent vous demander d'appeler ou de vous rendre dans une agence, les néo-banques proposent généralement une assistance par chat en ligne, ce qui signifie que les PME n'ont pas à écouter une heure de musique d'attente à chaque fois qu'elles ont une question à poser. Plus important encore, les fonctions d'assistance en ligne des néo-banques sont de haute qualité. Ainsi, l'absence d'une agence bancaire traditionnelle ne sera pas regrettée et les avantages d'une expérience client numérique joueront pleinement.

Fonctionnalités supplémentaires : Pour différencier davantage leur offre des banques traditionnelles, de nombreuses néo-banques développent des outils logiciels qui facilitent la vie des PME en manque de temps. Il s'agit notamment de tableaux de bord bancaires conviviaux basés sur le web et les applications, ainsi que de fonctionnalités automatisées pour la facturation, le rapprochement et plus encore. De plus, de nombreuses néo-banques proposent des intégrations avec les principales plateformes de logiciels comptables - Lexoffice, DATEV Online, sevDesk, FastBill, Sorted, etc.

Une offre en cours d’amélioration

Malgré les avantages sus-évoqués et la présence croissante de néo-banques européennes, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant que les néo-banques ne dominent le marché bancaire européen des PME. Il s’agit d’un marché évalué à plus de 300 milliards de dollars où les fintechs ne servent actuellement que 3% des clients potentiels. Qonto, l'acteur le plus important dans ce domaine, compte 220 000 clients, soit 0,8 % des PME européennes.

Au-delà des berges du Vieux continent, le modèle proposé par les néo-banques a un immense succès. Le Brésil, le Royaume-Uni et la Russie sont à la pointe de la prestation de services aux PME. Par exemple, la fintech B2B britannique Tide compte 350 000 clients, soit plus de 5 % de toutes les PME britanniques. De même, la banque brésilienne NuBank sert 1,1 million de PME, soit 15 % du marché, et sa valorisation est estimée à 41 milliards de dollars.

Il paraît souhaitable de s’interroger quant à comment les néo-banques de l'UE peuvent accroître leur part de marché.

Premièrement, la réglementation autour de la DSP2 et la législation sur l'Open Banking vont accentuer la concurrence néo-bancaire dans le marché des PME. Les néo-banques pourront ainsi faire levier sur des opportunités supplémentaires pour faire émerger les avantages de leur offre sur la lenteur des banques traditionnelles, en affaiblissant la position de ces dernières sur le marché.

Aussi, il convient de considérer que les PME pourraient commencer à se montrer plus exigeantes avec leurs banques. Si tout à chacun s’est habitué en tant que consommateur à la commodité des services bancaires numériques (96% des Français consultent leur compte bancaire en ligne ou utilisent l’application selon l’Ifop), il ne faudra nullement s’étonner du même engouement de la part des personnes morales. Pour les néo-banques, cela se traduit par une occasion de séduire une clientèle insatisfaite par les banques traditionnelles.

Un créneau sur lequel les néo-banques peuvent améliorer leur offre est celui des prêts. Obtenir un prêt auprès d’une banque traditionnelle est un chemin du combattant pour une PME. Si les néo-banques raccourcissent les délais et simplifient les démarches, le recours à l’intelligence artificielle et à l’analyse de données donnerait naissance à de nouvelles solutions de financement innovantes.

À bien des égards, l'UE, et la France en particulier, présentent le terreau fertile pour soutenir la croissance des néo-banques B2B : de grandes économies, des acteurs traditionnels mal positionnés et des entreprises désireuses d'adopter les nouvelles innovations technologiques. Dans cette optique, nous pouvons nous attendre à voir l'émergence d'un nombre important de licornes fintech locales en 2022 et au-delà.