Utilisation de Visa et Mastercard : pourquoi les grands pays se désengagent-ils ?

Les grands pays se désengagent de l'utilisation de Visa et Mastercard sur leur propre territoire et pour leurs ressortissants lorsqu'ils payent hors de leurs frontières. Plusieurs raisons l'expliquent.

C’est un mouvement que l’on constate aux 4 coins du monde : une volonté, de la part des grands pays, de se désengager de l’utilisation de Visa et Mastercard, sur leur propre territoire et pour leurs ressortissants lorsqu’ils payent en dehors de leurs frontières. Plusieurs raisons viennent expliquer cette dynamique.

Des commissions de plus en plus exorbitantes

L’augmentation très significative ces 7 dernières années des commissions « carte » imputées aux marchands est une des explications.

Il faut avoir en tête que lors d’un paiement carte, la commission payée par le marchand permet de rémunérer :

o   Sa banque acquéreur

o   La banque émettrice de la carte

o   Le réseau d’autorisation et d’authentification en e-commerce (CB, Mastercard, Visa ...)

o   Apple, dans le cas d’utilisation d’Apple Pay (alors que Google Pay et Samsung Pay ne prennent pas de commissions sur l’usage du wallet)

Le modèle économique actuel rémunère l’émetteur de façon disproportionnée par rapport à l’acquéreur, et encore plus si les cartes sont des cartes Business.

Si la réglementation européenne a encadré les commissions des cartes des particuliers (0,2% pour une carte de débit et 0,3% pour une carte de crédit), elle a laissé libre les tarifs des cartes Business. Aujourd’hui, une transaction CB Business est plafonnée à 0.9% alors qu’une transaction VISA ou MasterCard Business peut aller jusqu’à 2% (en Hors Europe) ! Certains établissements de paiement gagnent sur les deux tableaux (acquisition & émission de cartes) : d’un côté ils proposent aux marchands de gérer leurs flux Visa Mastercard (et pas CB) en facturant des commissions d’acquisition, de l’autre ils gagnent une commission « émetteur » lors de l’utilisation des cartes Business fournies à leurs marchands.

La riposte des pays

Face à ces tarifs chaque jour plus prohibitifs, les grands pays ont non seulement développé leur propre moyen de paiement en local, mais ont également cherché à diffuser son acceptation hors de leurs frontières.

Les Chinois avec UPOP (carte China Union Pay) ont été les premiers à convaincre les banques européennes d’accepter leurs cartes sur les terminaux de paiement européens en s’interconnectant directement avec le réseau chinois.

L’Inde, quant à elle, a constaté une croissance exceptionnelle des paiements par QR code grâce à l’utilisation massive de l’application BHIM UPI. Fort de ce succès, après Singapour, BHIM UPI déploie pour les citoyens indiens l’acceptation de son moyen de paiement chez les marchands européens. La tour Eiffel est le premier site internet acceptant en Europe le QR code de BHIM UPI.

Au Brésil, Pix, qui a détrôné l’usage de la carte, cherche, lui aussi, à se déployer en Europe, avec un avantage important pour les ressortissants brésiliens : lorsque ces derniers paient à l’étranger avec une carte Visa Mastercard, ils sont imposés par l’État brésilien. Une taxe que l’utilisation de Pix viendra réduire.

Il reste donc aux institutions financières européennes à déployer un vrai moyen de paiement pour limiter les frais de réseau de Visa et Mastercard ! On espère que le projet WERO répondra à cet enjeu.

L’importance de la marque : le cas CB

Faisons un petit rappel historique : après la vente en 2016 par les banques européennes de Visa Europe à Visa Inc., Visa est entrée en concurrence directe avec les marques locales de cartes de débit/ crédit, Carte Bancaire (CB) pour la France, Girocard pour l’Allemagne, Bancontact pour la Belgique, Bancomat pour l’Italie…

Dans le cas de cartes co-brandées qui représentent quasiment 100% dans tous les pays, Visa a alors demandé qu’on permette aux consommateurs de choisir leur marque préférée - le fameux choix de la marque - sur tous les canaux de paiement (terminal de paiement, page de paiement en ligne, …). Une évolution qui n’a pas été sans conséquence : avant ce choix de la marque en 2019, CB représentait 94% des transactions e-commerce contre 6% pour Visa et Mastercard ; aujourd’hui en 2024, selon nos chiffres, CB ne représente plus que 67% en e-commerce !

Une décroissance impressionnante en à peine 5 ans qui s’explique par de multiples facteurs, de l’émission de cartes Visa / Mastercard « only » par certaines banques (Revolut, N26, Bunq, Qonto, Shine, Orange Bank, Nickel, …) à l’émission de carte cadeau Visa / Mastercard (Cado Carte, …) par exemple. Contrairement à Girocard en Allemagne ou Bancontact en Belgique, en France, la méconnaissance de la différence entre la marque locale CB et la marque du co-branding, amène les acheteurs à choisir plus facilement la marque connue, Visa ou Mastercard, sur les pages de paiement. Autant d’éléments qui viennent confirmer la faiblesse de notre marque locale CB, souvent nommée à tort Carte Bleue et dont le logo est d’ailleurs souvent caché au dos de la carte…

Cette perte de vitesse de CB constatée ces dernières années devrait inciter les Français à suivre l’exemple des Chinois, Brésiliens et Indiens en prenant conscience des avantages de notre marque locale. Et au-delà de la France, en fédérant une solution européenne et en espérant que la solution Wero sera capable de répondre aux questions d’indépendance et de souveraineté d’un moyen de paiement européen.