Les DAF face à la hausse des tarifs douaniers : sortir de la solution "simpliste" d'augmentation des coûts

Les tensions sur la politique tarifaire repartent de plus belle, les entreprises n'ont d'autre choix que d'envisager de répercuter une partie des coûts sur leurs clients. Mais est-ce la bonne option ?

Après la "pause" de 90 jours sur les droits de douane annoncé, le 9 avril 2025 par Donald Trump, les tensions et de rebondissements sur la politique tarifaire repartent de plus belle puisque l’imposition de droits de douane de 30 % pour l’Union européenne devrait prendre effet à partir du 1ᵉʳ août. La guerre commerciale est donc loin d’être enterrée. 

Toutefois, le mal est fait et les entreprises doivent composer avec cette incertitude et surtout évaluer si elles doivent oui ou non repenser leurs stratégies financières. Face à la hausse des coûts d'exportation qui touche de nombreux secteurs, de nombreuses entreprises n'ont d'autre choix que d’envisager de répercuter au moins une partie des coûts sur leurs clients. Mais est-ce vraiment la bonne option ? 

Sortir des schémas trop simplistes

D’après une étude de Gartner, 30 % des directeurs financiers envisagent de répercuter la quasi-totalité (91 à 100 %) des coûts tarifaires sur leurs clients. À l’inverse, 29 % préfèrent absorber cette hausse en interne. En moyenne, les entreprises prévoient de répercuter 73 % de la hausse tarifaire sur leurs clients. Mais cette approche, aussi logique semble-t-elle, est loin d’être sans risque : car qui dit hausse des prix dit potentielle baisse de la demande. Sans oublier une concurrence toujours plus vive, prête à séduire les clients déçus par des hausses jugées injustifiées.

Autre piège fréquent : sacrifier la qualité ou rogner sur l’expérience client pour réduire les coûts. Or, dans un contexte déjà tendu, une dégradation de la prestation peut se transformer en véritable bombe à retardement pour la réputation de l’entreprise.

Trouver des schémas alternatifs

Face à la pression tarifaire, certains DAF privilégient des ajustements mesurés. Par exemple, plutôt qu’une hausse générale des prix, ils appliquent des hausses ciblées sur les produits directement touchés, ou instaurent des "surtaxes douanières" temporaires, clairement identifiées et réversibles.

D’autres leviers sont à explorer tels que la renégociation des contrats fournisseurs pour lisser l’impact, l’automatisation des processus financiers pour gagner en efficacité ou l’analyse fine des abonnements et dépenses récurrentes pour éliminer les postes inutiles.

Néanmoins, certains vont encore plus loin pour sortir de la dépendance face aux Etats-Unis. La Chine en fournit l'exemple le plus clair. Dernier exemple en date, Huawei qui lance ses alternatives aux puces de Nvidia. 

Depuis 2018, la Chine réduit sa dépendance en remplaçant les importations américaines par des produits alternatifs en provenance du Brésil, de l'Argentine et d'ailleurs. Les fabricants chinois confrontés aux droits de douane américains se réorientent vers les marchés intérieurs et d'autres régions, les géants du commerce électronique créant de nouveaux canaux pour ces marchandises.

Mais elle n’est pas seule : les constructeurs automobiles européens se concentrent également davantage sur l'Asie, en particulier sur l'énorme marché chinois et les exportateurs de biens de consommation se tournent vers les régions à croissance plus rapide d'Afrique et d'Amérique latine.

La pratique qui se dessine est une « approche de portefeuille » des marchés, à l'instar de la diversification des investissements, les entreprises limitant sciemment leur exposition aux politiques commerciales d'un seul pays. Ce changement redessine les schémas commerciaux mondiaux de manière mesurable, les exportations américaines des pays de l'ANASE augmentant alors que celles de la Chine diminuent.

De leur côté, les multinationales restructurent leurs cadres financiers internes afin de répartir les charges tarifaires puisque nombre d'entre elles ajustent les prix de transfert. De plus, elles reconfigurent leurs chaînes d'approvisionnement pour optimiser les droits de douane, certaines entreprises expédiant des composants non assemblés plutôt que des produits finis à leurs filiales américaines, afin de profiter des droits de douane moins élevés sur les composants. D'autres veillent à aligner parfaitement les déclarations douanières et fiscales, en séparant soigneusement les paiements de redevances de l'évaluation des marchandises.

Les mesures les plus importantes comprennent des acquisitions stratégiques de fournisseurs dans des pays à faibles tarifs douaniers ou la cession d'unités commerciales fortement exposées. Cette tendance reflète une réorganisation fondamentale du commerce mondial, les structures financières étant désormais conçues explicitement en fonction de l'évitement des droits de douane plutôt que de l'efficacité purement opérationnelle.

Utiliser (enfin) la donnée comme arme stratégique

Toutefois, la plupart des DAF le reconnaissent : ils manquent de visibilité. Résultat des courses : des décisions prises à l’aveugle, faute de données fiables et partagées.

Dans ce contexte, la modernisation des outils financiers n’est donc plus une option, elle devient un passage obligé. Face à ces pressions, les entreprises ne peuvent pas absorber les hausses en totalité mais elles peuvent mieux les anticiper, notamment par le biais de technologies intelligentes et de stratégies tarifaires plus fines.