L'intelligence artificielle va-t-elle remplacer les conseillers de vente en magasin ?

Alors que beaucoup s'inquiète du remplacement des professionnels par l'intelligence artificielle, David Oks, Regional Vice President chez Bayretail, pense qu'au contraire elle va les valoriser.

“Le client a toujours raison”. Cette Maxime employée par les pionniers du retail américain et qu’aimait à répéter César Ritz au 19e siècle fera probablement plus que jamais sens avec l’avènement de l’intelligence artificielle. L’industriel et économiste Auguste Detoeuf allait même plus loin en proclamant “Ne vous plaignez jamais du client à caractère difficile car il est la cause de vos progrès. Traitez les autres mieux encore : ils sont les raisons de vos bénéfices”. 

Dans le retail comme pour les autres industries, l’intelligence artificielle ne va probablement pas remplacer les professionnels mais les “replacer” pour répondre aux attentes toujours plus exigeantes et changeantes des clients, quels que soient les gammes et segments de clientèle. Qualité, choix, délais, personnalisation… Rien ne va changer au fond et tout va radicalement changer pourtant, tant dans la proposition de valeur faite aux clients que dans l’allocation des ressources que dans le glissement de valeur opéré entre la machine et l’humain. 

Comme cela a été le cas avec l’avènement de toutes nouvelles technologies de rupture, les nombreuses tâches et fonctions qui pourront être mieux exécutées par une machine le seront, poussant les individus à s’adapter et se réinventer à son contact. L’intelligence humaine correspond à sa faculté d’adaptation disait André Gide, une notion d'adaptation qui est en mutation profonde et accélérée. Tels deux miroirs l’un face à l’autre générant une infinités de reflets, l’intelligence artificielle s’adapte à l’intelligence humaine qui s’adapte à l’intelligence artificielle et ainsi de suite pour créer de nouveaux espaces de réflexions et d’exécution, de nouveaux univers et terrains de jeux cognitifs et créatifs, de nouvelles relations au monde… Mais jusqu’où ? 

L’enjeu pour les retailers comme c’est le cas depuis des décennies, sera de comprendre et adapter, selon leur positionnement, la place juste et équilibrée qu’ils donneront à la technologie afin de répondre aux besoins de leurs clients tout au long de leur parcours changeants. D’aucuns prédisaient l’apocalypse des magasins en quelques années avec l’avènement du e-commerce. Or malgré une baisse de la fréquentation dans les points de vente (-19,6% en 2022, par rapport à 2019, selon Procos) la réalité est que la technologie a fait naître une nouvelle forme de commerce hybride. Une relation polarisée entre le web, le magasin et les enseignes qui ont su en capter tout le potentiel pour délivrer de la valeur à leurs clients et sont parvenues à fabriquer beaucoup de revenu rentable en peu de temps. Les autres sont déjà morts ou mourront inéluctablement, comme une sélection naturelle par l’artificiel. Notons au passage, selon la National Retail Federation, que c’est 7860 magasins qui ont ouvert aux USA en 2022 face à 1680 fermetures, soit un ratio de 4,6 ouvertures pour 1 fermeture… 

La valeur est peut être donc toujours au cœur du sujet : Quelle est la valeur attendue ? Pour qui ? Et comment la délivrer ? À titre indicatif, les détaillants américains détiennent environ 1,43 dollar de stock pour chaque dollar de chiffre d'affaires. Les enseignes qui implémentent les bonnes briques d’intelligence artificielle combinées à la robotique (détection des tendances de consommation, ciblage prédictif et personnalisé des ventes, automatisation et adaptation de processus et tâches fastidieuses du cycle global de production depuis l'approvisionnement jusqu’au recyclage, prévention des pertes, optimisations des stocks et des approvisionnements, efficience des coûts et des ressources tant énergétiques que naturelles employées…) sur l’ensemble de la chaîne (du choix proposé au client jusqu’à la livraison) voient un impact significatifs tant sur l'efficacité de l’expérience délivrée au client que sur l’optimisation des marges. 

Force est de constater que les multiples complexités induites par les ventes omni commerces et le gigantisme des données éparses qui sont captées sont mécaniquement mieux traitées, digérées et exploitées par une machine que par l’esprit humain. Les retailers l’ont bien compris : le marché de l’intelligence artificielle dans l'industrie du retail prévoit de passer de 6MD$ en 2023 à 31MD$ en 2028, selon le World Economic Forum. 

Mais revenons sur la valeur. Dans certains secteurs qui nécessitent une valeur conseil tels que le textile, l’ameublement, le luxe, l'électroménager, la beauté… Nous pouvons imaginer un scénario où les conseillers de vente, libérés par des machines toujours plus sophistiquées de tâches chronophages, fastidieuses et sources d’erreurs, pourront peut-être pleinement se concentrer sur ce qui fait leur essence en tant qu’être humain, à savoir leur créativité et leur adaptabilité situationnelle. Ceci pour créer un climat de confiance, incarner l’attitude, la culture et les valeurs d’une enseigne dans laquelle ils se sentent à l’aise, détecter habilement les attentes d’un client en situation, fidéliser et créer des marqueurs d’affect différenciants en magasin grâce à son tact et son sens du relationnel. 

Les clients ne se rendront pas (espérons pas avant longtemps en tout cas) en magasin pour parler à des robots anthropomorphes qui leur lisent des fiches produits personnalisés par une IA, mais vivre une expérience qui combine de la valeur rationnelle et émotionnelle : “J’adore cette marque, c’est le produit que je voulais et ils sont vraiment sympa et attentionnés”. Libéré de tâches rébarbatives qu’une machine saura mieux exécutée, le “bon” conseiller de vente, épaulé par la technologie, aura appris à progresser dans sa valeur humaine, cette valeur deviendra plus que jamais cardinale pour se hisser encore plus comme un avantage compétitif déterminant entres les enseignes. Les conseillers de vente s'adapteront et se distingueront en tant qu’individu en musclant toujours plus leurs aptitudes à délivrer une expérience humaine optimale probablement plus empreinte de sens et de valeur pour eux et par conséquent pour leurs clients.