Projets IoT : l'open source fait encore peur aux industriels
Les verticales de l'IoT font habituellement appel à des modèles propriétaires. Pourtant, entre un prix attractif et les possibilités en matière de sécurité, les avantages de l'open source sont nombreux.
Le marché de l'open source enregistre une croissance de 9% en France en 2019. L'open source intervient dans de nombreuses briques software de l'IT et dans près de 80% des entreprises, sont utilisation va augmenter dans les deux ans à venir, d'après une étude menée au quatrième trimestre 2019 à l'initiative du CNLL, de Syntec Numérique et de Pôle Systematic Paris-Region. Pourtant, dans l'IoT, les entreprises sont encore réticentes à faire intervenir de l'open source dans leur projet. "Elles s'imaginent que leurs concurrents vont pouvoir récupérer le code source de leurs innovations. On a déjà vécu cette réaction avec les acteurs du cloud il y a une vingtaine d'années, il faut encore faire beaucoup de pédagogie avec ceux de l'IoT", confie Grégory Bécue, directeur général de l'éditeur français Smile, qui organise l'Open Source Summit à Paris ces 10 et 11 décembre avec une thématique dédiée à l'IoT.
"Cette réticence s'explique par la typologie du marché : l'IoT se développe principalement dans l'industrie 4.0, l'automobile, l'énergie ou la smart home. C'est-à-dire des secteurs jusqu'alors orientés vers des modèles propriétaires pour tenter de protéger les parts de marché, ce qu'on appelle le vendor lock-in", explique Hervé Lemaitre, Emea business strategist chez Red Hat, qui avance aussi le manque de compétences sur l'open source en interne dans ces entreprises.
"L'open source nécessite de prévoir des ressources en interne"
Avec les problématiques d'interopérabilité, les acteurs sont cependant obligés de s'ouvrir et cherchent des solutions en ce sens. "La compatibilité des outils est indispensable dans l'industrie, et c'est le point fort de l'open source car on peut adapter la solution à la demande", confirme Cédric Ravalec, embedded & IoT business line manager chez Smile, dont 50% du temps de travail consiste à accorder le software au hardware en fonction des exigences des clients.
Pour répondre à cette inquiétude de vol de code source, les éditeurs mettent en avant la possibilité de bloquer l'accès à certains éléments avec des licences plus ou moins permissives. "Une méthode de développement par API nous permet de bloquer des accès", souligne David Bonnamour, CEO de Jeedom, pour qui l'essentiel n'est pas le code en lui-même mais la valeur ajoutée du service obtenu. "L'open source nécessite de prévoir des ressources en interne, pour assurer le développement et le maintien en condition opérationnelle. Ce n'est pas un investissement à négliger, c'est le principal inconvénient, concède Hervé Lemaitre, chez Red Hat. Pour la mise en production d'un projet, il faut généralement faire appel à un prestataire pour maintenir la stabilité du code car la technologie évolue vite." Il cite l'exemple de caméras connectées sous Linux qui n'ont jamais été mises à jour et ont présenté une faille de sécurité. "L'open source n'a pas de défaut de sécurité, c'est simplement une technologie qu'il faut entretenir", ajoute-t-il.
Pérennité des solutions
Au-delà de ces inconvénients, les acteurs pointent les nombreux avantages de l'open source. A commencer par l'accessibilité de la technologie. "En étant partagée par le plus grand nombre, l'open source permet aux entreprises d'expérimenter et de monter en compétence dans leurs projets", affirme Hervé Lemaitre. Chez l'éditeur Kuzzle, on souligne que l'environnement open source permet de réduire de 40% le temps de mise sur le marché des applications IoT. "Des briques d'open source sont qui plus est présentes à tous les niveaux, du hardware au software, pour les bases de données, le langage de programmation, les transmissions, etc.", met en avant Gilles Guirand, CTO de Kuzzle. De son côté, David Bonnamour, CEO de Jeedom, pointe la pérennité des solutions : "Le code peut être repris par n'importe qui, ce qui évite une dépendance à un fournisseur et l'abandon d'objets connectés en cas de disparition du fabricant, ce qui est arrivé pour des produits grand public."
L'open source pourrait aussi se révéler clé dans les déploiements IoT à grande échelle. "Par rapport à des solutions propriétaires, celles en open source sont commercialisées à des prix moitié moindre, ce qui a un impact quand les entreprises déploieront des millions de capteurs", soutient Grégory Bécue, chez Smile. L'entreprise de location d'engins de chantier Newloc a ainsi choisi l'open source pour connecter son parc de matériel pour l'aider à changer de modèle d'affaires. Dans les projets à grande échelle, Enedis et Veolia, par exemple, ont choisi d'utiliser des briques open source dans leur infrastructure de traitement de l'information des compteurs d'eau et d'électricité Linky afin d'éviter une dépendance à un fournisseur.
Pour aider les entreprises à bénéficier du meilleur de la technologie, de nombreux groupes de travail se créent sur l'IoT. La fondation Linux rassemble par exemple les projets EdgeX Foundry, pour favoriser le data management dans les déploiements en edge computing, et Zephyr, pour la création d'un système d'exploitation standardisé pour l'IoT. La fondation Eclipse développe de son côté les projets Kura, destiné à développer des passerelles IoT, et Kapua pour faciliter l'intégration des devices dans les plateformes.