Le design, clé d'adoption de l'IoT grand public
Pour les studios de design, la simplicité d'utilisation et l'esthétique des objets connectés déterminent leur attrait pour les consommateurs.
De la montre connectée ScanWatch de Withings à la serrure intelligente de Nuki, les objets connectés destinés au grand public misent sur des lignes épurées pour séduire. Pour ces produits, un design attrayant est un vecteur clé de réussite. "Quand une entreprise lance sur le marché un produit IoT, il faut qu'il soit visible et qu'il dégage une valeur émotionnelle pour que l'utilisateur ait envie de s'approprier le service", affirme Pierre Garner, CEO d'Elium Studio qui a travaillé à la conception de dizaine de produits IoT.
"Il y a deux sortes de produits, souligne-t-il. Ceux présents depuis longtemps sur le marché et que l'on connecte, comme des pèse-personnes ou des montres. Le public en a déjà une image et des codes qu'il faut respecter. Et les nouveaux produits qui émergent, comme les capteurs environnementaux, qui doivent avoir leur propre identité." Pour ces derniers, le design est pensé avec une démarche ouverte. "Nous travaillons à l'intuition pendant des mois, pour savoir quelle forme plairait à l'utilisateur, quel lien l'objet aura avec l'environnement", détaille Inès Le Bihan, designeuse industrielle chez Facebook, où, pour un nouveau produit, elle a modélisé plus de 6 000 formes différentes avant de parvenir à la version finale.
L'IoT est cependant rarement mis en avant, selon l'entreprise Amixys, distributrice et conceptrice de robots domestiques : "Les objets sont plus souvent cachés que mis en valeur. Les coloris choisis sont toujours sobres pour se fondre dans le décor", remarque Claire Ritaine, responsable des marques du groupe, qui a souhaité commercialiser un aspirateur connecté de couleur turquoise. "Il n'y a que quand les produits se seront vraiment démocratisés que l'on pourra se permettre des innovations en design." Selon le studio Elium, il est au contraire essentiel que les produits soient le moins invasifs possibles. Ses designers ont développé une caméra connectée en bambou pour s'intégrer plus naturellement dans l'habitat. "On est face à des produits complexes qui embarquent des technologies de plus en plus précises. Tout l'enjeu est de les faire disparaître au profit du service proposé par le produit", soutient Pierre Garner.
La deuxième règle d'or que mettent en avant les agences de design concerne la simplicité d'usage. "C'est l'aspect le plus important, les utilisateurs doivent comprendre instinctivement comment se servir de leur objet. Le design doit contribuer à faire comprendre le statut de l'objet et à faciliter l'expérience utilisateur", assure Harald Gründl, cofondateur de l'agence de design autrichienne EOOS, à l'origine du design de la serrure connectée Smart Lock 2.0 de Nuki qui a remporté en avril 2020 le prix Red Dot Award pour son design.
Plus d'interactions avec le produit
La particularité de l'IoT est de coupler objet physique et numérique. "Pour concevoir un bel objet connecté, il faut partir du besoin de l'utilisateur autour de l'objet, la technologie ne vient qu'ensuite se construire autour", estime Inès Le Bihan, auparavant designeuse chez Xiaomi où elle a participé à la conception d'une balance connectée aux angles arrondis : "L'objet ne devait pas faire plus de 2 centimètres d'épaisseur et supporter 150 kilogrammes. Pour faire face à cette contrainte, nous avons ajouté une plaque métallique, que nous avons ensuite découpé pour ne pas recouvrir l'antenne transmettant les données en Bluetooth." Pour Nuki, la plus grande difficulté dans le design d'un objet connecté reste le hardware, en particulier la batterie. Savoir où la mettre et comment prévoir son rechargement détermine le design de l'objet.
Si ces règles semblent immuables, le design des objets connectés évolue au fil des années. "Au départ, les fonctions de l'objet n'étaient pas sur le support mais dans l'application. Le device était donc construit avec peu de boutons. Aujourd'hui, des fonctionnalités doivent pouvoir s'effectuer directement via l'objet. Il faut donc ajouter des voyants ou des écrans pour permettre une interaction", raconte Pierre Garner, pour qui la conception du design est aussi le moment de penser à la durabilité du produit et à sa recyclabilité. "L'usage des objets connectés évolue de la même manière que celui des smartphones", renchérit Harald Gründl, de l'agence EOOS.
Bigben, entreprise française conceptrice de produits audio, fait évoluer ses enceintes en fonction des tendances, notamment l'usage de la voix pour commander ses appareils. "L'objet connecté doit répondre à un besoin, il doit faciliter la vie de son utilisateur. Nous portons une attention particulière au design de nos produits connectés pour qu'ils puissent être utilisés avec ou sans application afin que le plus grand nombre de personnes soit conquis", indique Fabrice Lemesre, directeur général de Bigben. Une évolution également envisagée chez Nuki. L'entreprise autrichienne a choisi de ne faire figurer qu'un seul bouton sur sa serrure connectée. Et Jürgen Pansy, responsable produit, de conclure : " Peut-être que demain il n'y aura qu'un microphone pour ouvrir une porte à la voix."