Pierre Fortier (Capgemini Invent) "Le Lab 5G de Capgemini accompagnera les industriels sur les modèles d'affaires de la 5G"
L'entreprise française de services numériques ouvre deux Labs 5G, l'un à Paris, l'autre à Mumbai en Inde. A cette occasion, le directeur des activités 5G donne des conseils aux industriels.

JDN. Capgemini inaugure en virtuel ce mardi 30 mars son nouveau Lab 5G. Quelles sont ses particularités ?
Pierre Fortier. Ce Lab 5G est un environnement d'exploration et d'idéation qui répond à un double besoin : celui pour nos équipes de monter en compétence sur les sujets 5G et de disposer de l'outillage pour éprouver la technologie d'une part ; et celui des clients de faire émerger des usages pertinents pour leurs métiers. Ces derniers auront accès à des équipes pluridisciplinaires – composées de consultants, d'architectes réseaux ou encore de développeurs IoT et d'ingénieurs hardware – pour leur faire prendre conscience du potentiel de la 5G et des grandes questions à se poser avant d'investir dans la 5G, leur donner des exemples d'usages déployés dans différentes industries et les accompagner dans l'utilisation de la technologie. Le Lab 5G s'ouvre sur deux sites, à Paris et à Mumbai en Inde. Nous avons choisi de démarrer avec quatre secteurs prioritaires : l'industrie 4.0, les utilities, le retail et les smart cities.
Quelle est la question majeure que doivent se poser vos clients avant d'implémenter la 5G ?
La question fondamentale concerne le ROI : combien est-ce qu'implémenter la 5G coûte, quelle est sa plus-value technique par rapport à la 4G ou au WiFi, à quel point permet-elle d'aller plus loin en matière de cas d'usage, etc. Les clients ont besoin d'accompagnement pour travailler sur le modèle d'investissement et le modèle affaires autour de la 5G et se projeter sur les bénéfices qu'elle peut apporter. Ce n'est pas toujours facile et il faut réfléchir au modèle de déploiement car il n'y a pas "une" 5G : quand on est un acteur vertical, il y a plusieurs façons de profiter de la technologie – en s'appuyant sur le réseau public des opérateurs mais aussi en déployant des réseaux hybrides ou privés. Cette variété des modèles est intéressante pour les industriels mais elle a des implications, notamment sur le coût et la qualité de service.
Avez-vous d'autres conseils ?
L'erreur selon moi serait de considérer la 5G uniquement sous l'angle technologique. La 5G va fonctionner, en revanche il faut prendre du recul sur ses bénéfices au service de l'efficience opérationnelle. Mais surtout, quand on parle d'un réseau 5G, on parle d'un réseau qui évolue en profondeur, qui a vocation à servir des usages hétérogènes dans différentes verticales, donc un réseau plus ouvert avec une surface d'attaque potentiellement plus importante. Cela nécessite de la part des opérateurs télécoms mais aussi des industriels de repenser leur modèle en termes de sécurité, c'est-à-dire les processus, les outils, les compétences. Il faut réaliser rapidement une analyse d'impact de l'utilisation de la technologie sur les modèles actuels. Enfin, je recommande de mener des réflexions sur les modèles de partenariat avec les opérateurs et les équipementiers, ainsi que l'organisation et les compétences pour exploiter le réseau et tirer parti des nouvelles fonctionnalités. Ces interrogations doivent être prises en compte dès le départ.
Quelle est la première étape à laquelle un industriel doit penser s'il veut implémenter la 5G ?
Pour profiter pleinement des apports de la 5G, les industriels doivent avoir des équipements compatibles, par exemple des lunettes de réalité augmentée, des caméras ou des chariots autonomes en 5G. La problématique aujourd'hui réside dans le fait qu'à part les terminaux classiques comme les smartphones et tablettes, il y a encore relativement peu de terminaux industriels compatibles avec la 5G. Il y a certes des solutions de contournement, par exemple des routeurs qui dialoguent en 5G avec le réseau pour ensuite émettre en wifi avec l'environnement immédiat, mais l'objectif est de profiter au mieux de la 5G. Etre en capacité de travailler avec des modules de communication ou des chipsets de Qualcomm par exemple et de les intégrer dans les terminaux est un différenciant pour nos équipes.
Avez-vous un exemple de client dont l'activité pourrait être transformée par la 5G ?
Nous avons travaillé avec un constructeur automobile autour de chariots autonomes capables de collecter une pièce à un endroit et de la déposer à un autre endroit dans les usines. Cet usage est un axe important d'automatisation des lignes de production. Ces chariots autonomes sont déjà utilisés, en revanche jusqu'ici ils avaient une intelligence limitée. Par exemple, certains suivent uniquement une bande électromagnétique au sol et ont un chemin préconçu. Avec la 5G, ils pourront tirer parti des données de l'environnement de l'usine pour changer de route, passer à une autre tâche, etc. Nous avons travaillé sur une version d'un véhicule autonome intelligent connecté en 5G qui prend des instructions en temps réel en provenance de la chaîne de l'usine pour se réorienter et progresser à une vitesse plus rapide. Le fait d'utiliser de la 5G permet de gagner en mobilité. Avant, le véhicule était connecté en wifi, qui fonctionnait correctement en indoor mais rencontrait parfois des trous de couverture. Les réseaux cellulaires rendent les signaux plus robustes et permettent d'imaginer des usages en indoor et outdoor. Ce sont des sources d'efficacité importantes.
Faut-il déployer de l'IoT pour tirer pleinement valeur de la 5G ?
Il y a un lien fort entre IoT et 5G. Les industriels cherchent à déployer des opérations plus intelligentes. Il faut être capable de capter en temps réel des données provenant de multiples sources et de les exploiter pour prendre des décisions. Pour cela, les industriels ont besoin de capteurs IoT, de capacités de traitement localisées et d'actionneurs pour exécuter les ordres. Dès que cela nécessite des volumes élevés ou un temps de réaction court, la 5G sera le vecteur de transmission de l'information pour gagner en performance.
Pierre Fortier est directeur des activités 5G chez Capgemini Invent, l'entité du groupe Capgemini dédiée à l'innovation digitale, au conseil et à la transformation.