L'IoT décolle à l'aéroport de Roissy

L'IoT décolle à l'aéroport de Roissy L'aéroport Roissy-Charles de Gaulle à Paris déploie des objets connectés depuis plusieurs années pour différents usages. La technologie va désormais passer à l'échelle. Reportage.

Devenir pleinement un smart aeroport, voici l'ambition de l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle. Pour y parvenir, ses équipes déploient depuis plus de six ans différents objets connectés, qui se sont ancrés dans les usages de l'aéroport et ont prouvé leur efficacité pour répondre aux enjeux du site. Cette année 2024 marque l'industrialisation de la technologie.

L'aéroport réunit des milliers de caméras connectées. © CGM

Le premier enjeu d'un aéroport concerne la sécurité. L'aéroport est bardé de milliers de caméras connectées embarquant de l'IA. Leur rôle : surveiller le site, vérifier les flux de voyageurs dont les déplacements sont étudiés, repérer des bagages abandonnés ou encore identifier des personnes, l'aéroport devant obligatoirement capter le visage de chaque personne montant à bord d'un avion. "Au total, il y a plus de 700 entreprises différentes à Roissy. La police aux frontières, les services de l'Etat ou les boutiques ont déployé leurs propres caméras. Ce qui en fait désormais un objet connecté de masse", souligne François Munerot, adjoint directeur business line Wireless de l'opérateur et intégrateur télécoms Hub One, opérateur de télécommunication filiale d'ADP.

Ces caméras sont par ailleurs couplées aux badges RFID des employés, s'assurant qu'une personne pénétrant dans une zone sensible y est bien autorisée. "Quand un changement de porte d'embarquement survient, il faut changer immédiatement tous les droits d'accès des personnes autorisées. L'IoT nous aide à gagner du temps et prend donc plus de place", explique Guillaume Charon, directeur de marché secteur public & smart city chez Genetec, éditeur de logiciels de sécurité, partenaire d'ADP dans la gestion de la sécurité.

Gérer 51 millions de bagages par an

Le deuxième enjeu fort d'un aéroport porte sur l'efficacité opérationnelle. Roissy doit faire transiter sur sa plateforme plus de 51 millions de bagages par an. L'aéroport s'est doté d'un trieur à bagages sur trois niveaux, doté d'une couverture 4G pour éviter toute interférence, construit par Siemens. Au sous-sol de l'aéroport, dans un fracas métallique assourdissant, les valises vont et viennent. Si vous vous demandiez donc où est votre valise pendant l'attente de votre vol : elle circule sans s'arrêter à une vitesse de 30 km/h dans un casier doté d'une puce RFID, suivant un itinéraire en boucle jusqu'au moment du chargement. Là encore, l'IoT prend de l'importance pour tracer les bagages en temps réel. "La tendance est poussée par les passagers. Cela s'est vraiment fait ressentir à l'été 2022, certains d'entre eux avaient des traqueurs Apple dans leur valise et savaient mieux que les agents où elle était située. Nous ne pouvons pas avoir une qualité de service inférieure", confie Guillaume de Lavallade, directeur général de Hub One.

Le trieur à bagage, sur trois niveaux, est surnommé "la cathédrale". © CGM

Si un bagage tombe de son casier, il est immédiatement repéré par les caméras de sécurité, notifiant aux agents où intervenir. "Dans ce dédale, la caméra donne à voir ce qui se passe et grâce à l'IA, on peut faire des recherches dans la vidéo rapidement", se félicite Laurent Peshel, sales engineering manager chez Genetec. Demain, ce seront des robots autonomes qui se chargeront de récupérer les bagages tombés. "Si un chariot à bagage est impliqué dans un accident et se renverse, nous n'avons plus besoin de scanner chaque valise une à une pour vérifier si elle est à la bonne place. La RFID nous permet de répertorier toutes les valises d'un seul coup", complète Guillaume de Lavallade.

Optimiser les flux

Des capteurs de présence sont installés au plafond et contre les écrans d'affichage. © CGM

En parallèle à cette gestion des bagages, le personnel de l'aéroport doit veiller à la bonne gestion des flux de personnes. L'aéroport Roissy-Charles de Gaule accueille plus de 200 000 passagers par jour et voit le nombre de ses employés varier entre 70 000 et 120 000 personnes selon les périodes de pointe. Cette fois encore, c'est l'IoT qui se charge de cette mission, par des capteurs de présence. Si vous levez les yeux au plafond, vous verrez une succession de petits rectangle blanc. Chacun d'entre eux analyse les passages pour alerter en cas d'attroupements et de saturation. De même, des capteurs bordent les écrans d'affichage des vols. Le passage des douanes étant la zone la plus critique, de nombreux capteurs y sont disposés pour évaluer le temps d'attente des passagers.

Assurer le confort énergétique

Enfin, dernier enjeu en date : le confort énergétique des passagers. Plus de 200 capteurs de température avait déjà été installés en 2018 par Hub One sur le site. Les mesures pour améliorer le confort ne cessent depuis de se multiplier. Le groupe ADP collabore notamment avec Ubigreen, éditeur de solutions digitales permettant de mesurer et optimiser la performance technique et énergétique des bâtiments. "Entre les compteurs communicants des différents fluides et les objets connectés, cela représente des dizaines de milliers de capteurs. Nous sommes en train de l'analyser pour proposer des scénarios d'optimisation", indique Antoine Baude, chef de projet chez Ubigreen, dont la solution est reliée à la GTB de l'aéroport.

Pour passer à l'échelle, Roissy s'appuie sur la multi-connectivité IoT. Le site dispose déjà de réseaux privés Wi-Fi, 4G, 5G, LoRaWAN, RFID, opérés par Hub One. Cela représente chez ADP 55 km² de réseaux privés et deux millions de m² indoor. La prochaine étape est de les combiner, notamment pour contribuer à l'émergence de nouveaux usages : "Nous étudions la possibilité de géolocaliser les fauteuils roulants, un service en croissance au sein de l'aéroport, en couplant les réseaux LoRaWAN, Wi-Fi et RFID", indique Guillaume de Lavallade (lire notre interview "Les bagages spéciaux des athlètes des JO seront suivis par IoT"). Et l'innovation se poursuit avec la 5G. "Nous avons besoin de bande-passante. Nous testons donc la 5G, qui est en exploitation depuis deux étés. Pour cela, nous avons déployé 22 antennes, sur les deux aéroports de Roissy et Orly", raconte François Munerot, chez Hub One.

De petits tags sont fixés au chariot. © CGM

Les prochains déploiements auront lieu au niveau du tarmac. Divers capteurs environnementaux sont disposés dans l'herbe. L'objectif est d'en installer des milliers dans les mois à venir pour compléter les rapports que doit rendre l'aéroport à l'Etat sur la pollution sonore ou celle de l'air. Sur les pistes, ce sont les capteurs de mesure d'adhérence des pistes en 4G qui font leur entrée. Autre projet à moyen-terme : migrer tous les capteurs de géolocalisation des chariots de transport extérieur du réseau LoRaWAN au NB-IoT. Et François Munerot de conclure : "Autour d'un avion, avant son décollage, ce sont 30 métiers qui s'affairent. Il faut de la donnée pour les coordonner. Air France par exemple a 70 applicatifs pour les gérer. L'objectif à terme serait de connecter l'avion avant même qu'il touche le sol."