Pour dépolluer le Village des athlètes lors des JO, Aerophile mobilise l'IoT

Pour dépolluer le Village des athlètes lors des JO, Aerophile mobilise l'IoT L'entreprise française Aerophile pilote à distance ses cinq structures pour dépolluer l'air de plus de 95% des particules fines sur le site du Village des athlètes.

Fin décembre 2023, sept ombrières circulaires blanches ont fait leur apparition sur le Village des athlètes, qui va accueillir plus de 14 250 sportifs et accompagnants lors des Jeux olympiques. Mais faire de l'ombre n'est pas leur fonction première. Elles servent avant tout à dépolluer l'espace, offrir un lieu de bien-être, éclairer et rafraîchir les passants. Ces structures, appelées aérophiltres, sont le fruit de la PME française Aerophile, choisie par la Solideo (la société de livraison des ouvrages olympiques) pour faire émerger des solutions innovantes destinées à devenir pérennes sur le territoire. "C'est la première fois que l'on installe des aérophiltres en plein air", se réjouit Matthieu Gobbi, cofondateur d'Aerophile.

Pour cette occasion, l'entreprise a dû redéfinir la solution pour faire face à une contrainte architecturale : sa solution initiale était de forme rectangulaire, similaire à une armoire électrique. La Solideo lui avait fixé un design de structure circulaire. "Finalement cela fonctionne bien car le ventilateur central est lui aussi circulaire", constate Matthieu Gobbi. La technologie Para-PM d'Aerophile a été retenue par la Solideo dans le cadre d'un contrat d'innovation. "Il a fallu un an de délai pour la validation du projet, puis six mois pour la fabrication des aérophiltres. L'installation n'a quant à elle pas pris plus d'une quinzaine de jours", raconte le cofondateur. Cinq aérophiltres actifs et deux passifs sont disposés sur le site pour diffuser sur le public 18 000 mᶟ d'air pur par heure.

L'air dépollué sur 20 mètres carrés

Concrètement, ces ombrières attirent les particules fines par un champ électrique. Deux générateurs internes servent à générer ce champ. Une fois l'air chargé de particules fines aspiré dans l'aérophiltre, il passe dans l'un des cinq modules de l'appareil et est traité grâce à un procédé d'ionisation et de filtration électrostatique. Chaque ombrière dépollue l'air de plus de 95% des particules fines sur 20 mètres carrés. Leur atout est de ne consommer que très peu d'énergie. "Un aérophiltre, dont la consommation d'un kilowatt est due au ventilateur, ne consomme pas plus qu'un réfrigérateur car il n'oppose pas de frein à la circulation de l'air. L'autre avantage est qu'il n'y a pas besoin de filtre à changer, il suffit de nettoyer les plaques une fois par an", explique Matthieu Gobbi.

Au cœur du fonctionnement de ces installations, une technologie clé : l'IoT. "C'est ce qui nous permet de piloter l'appareil et de vérifier son état. De nos jours c'est devenu naturel d'intégrer la technologie by design", assure Matthieu Gobbi, qui a embauché en 2023 pour développer la technologie dans les produits. Deux capteurs sont placés contre les modules de filtration, l'un en entrée, l'autre en sortie, et veillent à l'efficacité du processus de dépollution. Chaque ombrière disposant de six modules de dépollution, dans ce projet, ce sont 60 capteurs IoT qui veillent au grain d'un bon air.

Concernant la maintenance préventive, d'autres capteurs veillent à mesurer la tension des générateurs, pour garantir leur capacité à générer le champ électrique. Toutes les données sont remontées sur une plateforme IoT de supervision. "Cette dernière nous permet par exemple de paramétrer à distance une plage de fonctionnement, notamment le week-end ou en soirée", indique Matthieu Gobbi. L'aérophiltre est connecté en cellulaire, 3G/4G, pour récupérer en parallèle des données sur Internet sur la météo ou le niveau de pollution et déclencher le processus de dépollution de manière autonome, en cas de besoin.

L'entreprise a pu démontrer la pertinence de sa solution à travers un premier test effectué dans la cour d'une école du 9e arrondissement de Paris, située à proximité de l'autoroute A86. Une dizaine d'appareils, cette fois-ci carrés, ont été installés et ont abouti à un abaissement de la pollution de 30 à 50%. "De plus en plus de personnes sont asthmatiques ou allergiques aux pollens, le sujet de la qualité de l'air devient majeur", souligne Matthieu Gobbi. Les analyses des taux de pollution sur la ville de Paris, mesurés par différents capteurs entre 2018 et 2023, montrent que les Parisiens sont exposés plus d'un tiers de l'année à un taux de particules fines (PM2.5) qui dépasse le seuil journalier fixé par l'OMS (15 μg/m3).

"Les écoles, les places publiques, ou encore les marchés sont des zones où dépolluer l'air pourrait être indispensable"

Le marché en devenir pour Aerophile est ainsi celui des smart cities. Les installations au Village des athlètes seront par la suite léguées aux collectivités de la communauté d'agglomération du Grand Paris Plaine Commune sur lesquelles s'étend le Village des athlètes, à savoir Saint-Denis, Saint-Ouen-sur-Seine et L'Île-Saint-Denis. "Les écoles, les places publiques, ou encore les marchés sont des zones où dépolluer l'air pourrait être indispensable", note Matthieu Gobbi, qui rappelle que sa solution peut prendre diverses configurations. D'autant que "les véhicules électriques émettront aussi des particules fines via leurs pneumatiques, la pollution de l'air ne se résoudra pas avec le passage à l'électrique et il faut des solutions pour les endroits sensibles", met en garde Matthieu Gobbi. Pour un client qui souhaite s'équiper, un aérophiltre revient à 120 000 euros l'unité,. Le principal point d'attention concerne la présente d'alimentation électrique à proximité.

La prochaine étape dans le développement des aérophiltres portera sur l'intégration d'intelligence artificielle. "Pour le moment, ce n'est pas une priorité mais cela pourrait être un moyen de faire du prédictif. Cela fait sens car pollution et météo sont liés", confie Matthieu Gobbi. Eléments du mobilier urbain, ces ombrières aérophiltres ont tout pour se retrouver sous la lumière des projecteurs.